« Madame, John Constantine est à la porte. »

La voix désincarnée venait de l’un des recoins d’obscurité de la bibliothèque. Elle aurait probablement arraché un frisson à n’importe qui, une sensation de gêne purement instinctive, parfaitement raisonnée. Qui ne pouvait pas craindre cet écho insupportable, ce rappel que quelque chose rôdait dans les ténèbres, par-delà la tombe ? Il n’en était rien pour Evelyn Blackwood. Elle ne daigna pas particulièrement accorder même un regard au spectre à son service. Sa concentration était dirigée vers ce qui se passait un contrebas, avec l’une de ses vieilles connaissances qui s’approchait des lourdes portes de son manoir. Un soupir glissa entre les lèvres de la nécromancienne. Une mimique humaine, de celles qu’elle prenait rarement la peine de reproduire. Même ce genre d’habitudes se perdaient quand on avait parfois plus besoin de respirer.

« Dites à Rottingham de préparer le thé. Il sera servi dans mon boudoir. »

Pour John Constantine elle pouvait se permettre d’être plus intimiste, plus humaine d’une certaine façon. Le grand salon était trop austère, elle le réservait à des visites plus solennelles. Quant à la bibliothèque… Elle n’était pas stupide au point de laisser un tel individu rôder au milieu de sa collection personnelle. Ses grimoires étaient parmi ses possessions les plus prisées et elle ne préférait pas tester l’une de ses théories : le fait qu’un John Constantine désespéré était probablement prêt à tout.

Et comment ne pouvait-il pas l’être ? Evelyn n’avait pas tous les détails, mais elle avait cru entendre ses émissaires lui évoquer un fiasco monumental du côté de la petite croisade que le britannique avait menée contre l’Enchanteresse. Ah, sûrement lui en ferait-il un retour plus précis, peut-être teinté de reproche. La nécromancienne n’avait pas survécu toutes ces décennies en se mêlant de tous les petits conflits qui ne la concernaient pas. Elle avait déjà eu suffisamment d’ennemis et était morte suffisamment de fois en se préoccupant de ceux qui la concernaient directement.

Le majordome squelettique, qui répondait au doux sobriquet de Rottingham, se chargea d’ouvrir les portes du manoir à John, puis de le guider dans le dédale labyrinthique du manoir. La bâtisse était probablement la plus hantée du continent. Elle l’était déjà avant qu’Evelyn n’en prenne possession et elle n’avait fait que d’y rameuter plus de fantômes, encore et encore. C’était sans compter ses domestiques squelettes et zombies qui arpentaient les couloirs, ses créatures plus élaborées qu’elle appelait affectueusement ses orphelins de la mort, ou encore les goules qui vivaient dans les murs. Le Manoir Blackwood était habité, mais pas par grand-chose de vivant. John était probablement la seule créature en son sein qui avait encore besoin de respirer en cette nuit. Quoiqu’Evelyn pouvait faire un effort pour lui.

« Ah mon chéri. Tu as mauvaise mine. » Commença-t-elle d’une voix suave quand il fut amené jusqu’à son boudoir.

La pièce était occupée par des canapés et des fauteuils ouvragés, des résidus d’une autre époque. Un feu brûlait dans l’âtre. Un véritable feu, produisant de la chaleur et de la lumière, une marque de courtoisie dans un tel lieu. Evelyn ne ressentait plus vraiment le froid, sauf quand elle avait envie d’être plus vivante qu’à l’accoutumée. Pour John, elle pouvait faire un effort. Après tout, il était l’un de ses compatriotes.

« Rottingham devrait nous apporter le thé d’ici peu. A moins que tu aies besoin de quelque chose d’un peu plus fort ? Mais je suppose que tu ne viens pas me rendre visite que pour le plaisir de ma compagnie, je me trompe ? Quelles sont les nouvelles du côté des vivants ? »

La nécromancienne l’invita d’un geste à s’installer à ses côtés. Elle portait son éternelle robe noire, tissée à partir de spectres et de magie noire. Le genre qui pouvait déchiqueter un importun qui s’approchait de trop près, ou disparaître en un clin d’œil quand elle était d’humeur. Ses cheveux sombres étaient ramenés en un chignon strict, mais la froideur habituelle de ses traits était atténuée par un sourire amusé. Evelyn jouait. Probablement parce qu’elle avait une petite idée de la direction que risquait de prendre la conversation.

Ou justement parce qu’elle savait que John pouvait la surprendre.

Would you like some tea with your defeat, darling ?

Evelyn & John

La défaite avait un goût amer en bouche. Non seulement parce que je n'avais pas réussi, mais c'était aussi et surtout dû au fait que dans cette défaite, j'avais entraîné beaucoup trop de personnes. Toute une génération de brillants exorcistes et une génération de mages talentueux du côté de Zatanna. Mais nous, on était encore en vie, de là a savoir si c'était une bonne chose, il y avait un fossé que je ne franchirais pas. Mais un monde sans Zatanna, c'était impossible à envisager, quand bien même elle doit probablement me détester pour ce que j'ai bien pu lui faire il y a des années de cela. Mais là n'est pas la question. Il m'avait fallu quelques semaines pour me remettre de cet échec, tant physique que moral et l'idée de retourner dans un asile psychiatrique m'avait refroidi. Une fois pas deux, cette fois, je me relèverais comme un grand.Il le fallait bien parce que ce n'était pas fini, il faudrait bien qu'on y retourne à un moment ou à un autre l'affronter. Mais pour l'heure, j'avais d'autres choses en tête. Et c'est sans doute pour cette raison que j'étais devant la porte du manoir le plus hanté de tout le pays. Je savais que je la trouverais là. Et à dire vrai, je ne sais même pas ce qui m'a poussé à venir. Une envie de lui dire qu'elle était indirectement fautive ? Possible, mais trop facile. Si j'avais été meilleur, sans doute qu'on n'en serait pas là aujourd'hui. Les doutes, le pire ennemi d'un exorciste qui a condamné trop de gens pour rien. Pour une défaite qui est amère.

Je ne suis même pas surpris quand il s'avère que le majordome qui ouvre la porte est squelettique. Evelyn est une nécromancienne, je le savais bien, mais elle ne cherchait pas a renverser l'ordre établi et restait sagement dans son coin. Pour combien de temps encore ? Je n'en savais rien, mais je m'arrangeais toujours pour garder un oeil sur elle, où a minima savoir où elle se trouvait. Elle était puissante, je le savais bien et la combattre ne serais pas aisée, ni même une option que j'envisageais. Le manoir est égal à lui-même et répondait à toutes les cases de ce qu'on pouvait attendre d'une maison hantée. Je suis certain que si un jour elle décidait d'en faire une attraction, ça ferait fureur. Le manoir est un labyrinthe, une personne pourra facilement s'y perdre et je sais qu'elle abrite en son sein des choses que je n'ai pas spécialement envie de croiser. Pas que cela me fasse réellement peur, mais je n'ai pas retrouvé toutes mes capacités magiques après l'affrontement avec la divinité. Il me faudra encore un peu de temps, même si je suis capable d'utiliser la magie actuellement, mais si combat il doit y avoir, je préfère être au maximum de mes capacités.

Finalement on arrive a destination et la voix d'Evelyn se fait entendre. Un sourire sur les lèvres, je pose les yeux sur elle. Elle était belle, c'était indéniable, mais cette beauté cachait un terrible secret. Je devais faire pâle figure en face d'elle, mais comme à mon habitude, j'avais la dégaine d'un type qui s'était habillé à la va-vite. Qu'importe. " J'ai eu quelques semaines compliquées, mais toi tu es radieuse my dear." Bien entendu qu'elle l'est, il ne pouvait en être autrement, vu qu'elle n'était pas venue nous aider. Légère crispation de la mâchoire, mais je me reprends et souris légèrement à la place. Mon regard se promène à travers la pièce, tout semblait figé dans le temps, excepté le feu qui brûlait dans l'âtre, délicate attention à mon égard je n'en doute pas. Elle reprend la parole puis m'invite à m'asseoir à ses côtés. Un léger sourire amusé se dessine sur mes lèvres. " Détrompes toi, j'apprécie ta compagnie, même si elle est un peu contre nature pour l'exorciste que je suis." Beaucoup à ma place auraient chercher à lui nuire, sans succès. " Du thé, ça sera parfait pour commencer. On verra ensuite au gré de la conversation si j'ai besoin d'autre chose." Et puis, il fallait que je pense à réduire ma consommation excessive d'alcool. Même si ces derniers temps, c'est la seule chose qui me permette de dormir. Boire jusqu'à sombrer. Pour éviter les cauchemars. " L'humanité est toujours là, c'est plutôt une bonne chose je dirais." Je franchis la distance qui nous sépare pour prendre place à ses côtés, mais à distance quand même. " Depuis quand le sort du monde des vivants t'intéresse ?" Première nouvelle, même si je me doute que ce n'est que par pure courtoisie. Ou bien n'a t'elle pas entendu ce qui c'est passé ? Peu probable. Si les démons sont au courant, elle l'est forcément.

Evelyn était parfaitement consciente de sa beauté. Mais jamais elle ne se serait qualifiée de radieuse comme venait de le faire Constantine. Elle n’aurait pas été surprise qu’il ait choisi ce terme spécifiquement pour illustrer ce qu’elle n’était pas. Il n’y avait rien de chaleureux ou de lumineux chez elle. C’était une prestance glaciale qui l’animait, qu’elle avait choisi de maintenir par pur vanité au fil des décennies. C’était peut-être là l’aspect le plus humain de la nécromancienne. Evelyn n’avait pas se résoudre à laisser son apparence physique se faner, disparaître pour qu’il ne reste plus d’elle qu’un squelette. Non, elle aimait l’effet qu’elle pouvait avoir sur les hommes et sur certaines femmes. Elle appréciait que John la complimente. Sa vanité, contrairement à elle, était bien en vie.

« J’aimerais pouvoir t’en dire autant. Mais je suppose que c’est déjà une bonne chose que tu sois tout simplement là. Puis tu aurais probablement eu une bien plus mauvaise allure si j’avais dû te ramener moi-même. »

Oh avoir Constantine à ses côtés pour l’éternité parmi les rangs de ses serviteurs morts-vivants lui avait traversé l’esprit. Comme avec tous ses amants. Mais le britannique était bien plus intéressant en vie et elle était certaine qu’il aurait trouvé un moyen de lui casser monumentalement les pieds si elle avait décidé de le garder contre son gré. Puis au moins ainsi, elle pouvait l’envoyer parfois en Angleterre lui ramener quelques breloques qu’elle ne pouvait pas récupérer elle-même.

« Oh, je sais que tu l’apprécies. Je me souviens très bien d’à quel point tu peux l’apprécier mon cher. » Elle lui adressa un sourire entendu, tout en croisant délicatement ses doigts fins sur ses genoux. « Mais certains pourraient argumenter que les exorcistes tels que toi sont aussi contre-nature que quelqu’un comme moi… Puis, les lois de la nature ne sont elles pas fait pour le commun des mortels plutôt que pour des gens comme nous ? Tu n’es pas du genre à respecter les règles si je me souviens bien. »

Ils étaient tous les deux des homo magi, une branche de l’humanité qui avait une affinité prononcée pour la magie. Autant dire que le respect de la réalité n’était pas dans leurs habitudes. La preuve était qu’ils se trouvaient tous les deux dans un manoir hanté, s’apprêtant à prendre le thé, alors que l’exorciste avait récemment affronté une divinité et qu’elle-même aurait dû mourir des siècles plus tôt.

Sans qu’Evelyn eut besoin de faire le moindre geste, ou de répéter à qui que ce soit le choix de son invité, les portes du boudoir s’ouvrirent pour laisser entrer d’autres de ses serviteurs. La domestique était jolie, mais il était évident qu’elle n’était plus en vie. Ses traits étaient figés dans une expression affable alors qu’elle servait avec déférence le thé à Constantine. Il s’agissait plus d’une poupée de chair, un automate zombie moins décomposé que les autres qu’une personne.

« Je serais déçue si tu n’avais pas besoin de quelque chose de plus fort en ma compagnie. » Argua-t-elle tout en se calant un peu plus confortablement dans son fauteuil. Sa servante lui tendit une tasse qu’elle porta délicatement à ses lèvres. Evelyn pouvait encore percevoir le goût, en réalité, elle pouvait ressentir presque tout comme n’importe quel être vivant.

« Voyons, je m’entoure des morts, mais je ne suis pas stupide au point de croire que je n’ai pas besoin des vivants pour autant. Si l’humanité était incapable de perdurer, où trouverais-je de nouveaux sujets ? Puis les vivants peuvent être plein de surprises. Regarde-toi mon cher, si j’avais plongé toute l’Angleterre dans la morte-vie il y a plus d’un siècle, tu n’aurais jamais pu voir le jour. »

Et sûrement n’aurait-il pas amené la mort à tant d’exorcistes et de jeunes mages. Mais Evelyn n’était pas là pour alléger la culpabilité de son interlocuteur. C’était à lui seul de s’en défaire.

« Mais je suis curieuse et j’aime entendre les choses de ceux qui y ont assisté. Tu étais aux premières loges. Tu peux me conter exactement ce qu’il s’est passé. »

Ainsi elle pourrait en apprendre plus sur le devenir des compagnons d’armes de Constantine. En particulier de leurs corps et de leurs âmes. Est-ce que l’Enchanteresse les avait complètement consumés ? Voilà qui aurait été du gâchis et surtout qui aurait été fort fâcheux. Evelyn n’avait pas spécialement envie que l’entité antédiluvienne devienne plus puissante encore. Même si l’échec de Constantine le laissait présumer….

Would you like some tea with your defeat, darling ?

Evelyn & John

J'eus un léger rictus. Evelyn était tout sauf radieuse, je le savais bien. Elle avait choisi la mort comme compagnie et comme base de travail depuis bien longtemps. Elle n'était ni radieuse, ni lumineuse, mais sa beauté glacée faisait toujours de l'effet. Plus réellement sur moi, mais j'admettais volontiers qu'elle était belle malgré tout. Je devrais sans doute être mal à l'aise d'être ici, je connaissais bon nombre de mages ou même d'exorcistes qui n'auraient jamais accepté de rentrer dans ce manoir, mais après être aller en Enfer, on voit les choses assez différemment. Et je suis suffisamment intelligent pour savoir que m'en prendre à elle, juste pour ce qu'elle est, c'est du suicide. Et puis, elle pouvait être un atout si elle y mettait du sien, chose qui n'est pas le cas. Je ne peux m'empêcher de me demander ce que ça aurait donner si on l'avait eu avec nous lors de ce combat il y a plusieurs semaines. Mais je n'aurais jamais la réponse à cette question, donc je n'y pense pas réellement. J'eus pourtant un sourire amusé sur les lèvres et un léger haussement d'épaules. " Désolé, j'ai d'autres plans de prévu une fois mort. Et nous savons tous les deux que je ferais un bien piètre serviteur." Je trouverais certainement un moyen de lui faire regretter ce choix. Et puis Lucifer n'abandonnera pas l'idée de me torturé corps et âme jusqu'à la fin des temps. A moins que je ne trouve un moyen de briser ce pacte, mais pour l'instant, ce n'est plus réellement à l'ordre du jour devant la menace actuelle, que représente la divinité qui nous avait battu.

Sa compagnie était agréable et la discussion était toujours intéressante. Alors pourquoi m'en privé ? Je ne suis pas l'un de ces exorcistes que l'on peut croiser et qui sont des hommes d'église pour la plupart, je n'ai pas suivi cette voie. e crois que je suis devenu ce que je suis par la force des choses et même si ma vie n'était pas idéale, elle me plaisait. Un peu moins de morts dans mon sillage serait plus qu'appréciable, mais visiblement ça no plus, ce n'est pas à l'ordre du jour. Mon sourire fait écho au sien et je sais exactement de quoi elle veut parler. Il n'y a pas de mal à se faire plaisir de temps en temps et franchement quand je vois la liste de mes ex-relations, elle ne fait pas tâche au tableau. Bien sûr, maintenant, il ne faut pas abuser des bonnes choses. " Si j'avais suivi les règles, je serais mort depuis longtemps, tout comme toi." Et puis franchement, c'est ennuyant. J'ai bien essayer, mais il faut croire que le fait que j'improvise constamment, que j'aime aller à contre courant, m'ont aider à devenir celui que je suis actuellement. " Et puis certaines règles sont faites pour qu'on les contourne." Je le fais, elle le fait et nous ne sommes pas les seuls.

L'une de ses domestiques entra dans la pièce et mon regard se posa sur elle. Il était évident qu'elle était morte, mais la nécromancienne avait bien choisi, cette dernière avait un visage agréable, malgré le regard inexpressif et les traits figés. Le thé était donc servi. Même si je n'étais pas un grand adepte de cette boisson venant d'Angleterre, je savais l'apprécier tout de même de temps en temps. Et puis, froissé mon hôtesse était bien la dernière chose que je voudrais, je tenais à sortir d'ici en un seul morceau. " Nous avons encore le temps pour cela. Laisse moi me réchauffer un peu les doigts autour de ma tasse de thé avant d'essayer de me faire boire plus que de raison." Elle me connaissait suffisamment pour savoir que j'avais une bonne descente. " C'est une nouvelle domestique ? Il ne me semble pas l'avoir vue la dernière fois que je suis venu te rendre visite." Je désigne le zobie d'un mouvement de la tête. Après tout, ça fait un long moment que je n'avais pas eu le plaisir de venir la voir. La dernière fois, elle avait refusé son aide lorsque je suis venu lui demander de combattre à mes côtés. Prévisible, mais la déception avait quand même été là.

Je bois une gorgée de thé alors qu'elle reprend la parole. Si effectivement elle aurait fait cela, je suis presque certain que tous ceux qui sont morts à cause de moi de manière directe ou indirecte seraient encore en vie. Ou du moins la plupart. Et peut-être même que la petite Astra ne serait pas en train de pourrir en enfer en ce moment même. Peut-être. Rien n'est moins sûr." Certes, mais ta vie serait bien plus ennuyeuse sans moi." Ou pas qui sait. Je reste silencieux quelques secondes après qu'elle m'eut demandé de lui raconter ce qui s'est passé. Que dire en réalité ? " On a échoué." Le constat est assez simple. " J'ai emmené toute une génération d'exorcistes à la mort, de même que des mages. Enchanteress était plus puissante que prévue. Je suis le seul rescapé avec Zatanna." Une sacrée chance pour le coup. " Elle n'a rien laissé, si tu veux tout savoir. Aujourd'hui, elle est plus puissante encore. Et très franchement, ce combat m'a laissé un goût amer en plus d'avoir usé de magie plus que nécessaire." Mais je ne me plains pas et elle le sait.

Le sourire de la nécromancienne s’étira un instant. Elle se pencha en avant, laissant glisser sa main, au contact bien plus froide qu’elle n’aurait dû l’être, sur celle de John.

« Voyons mon cher. Je sais que tu sais te montrer divertissant quand tu le veux. Je ne doute pas que je pourrais te trouver une utilité en tant que serviteur, même une fois que toute vie t’aurait quitté. Mais je respecte ton choix de finir en enfer à la merci du diable et de ses minions. Ce n’est pas pour moi, mais qui suis-je pour juger ? »

Elle eut un léger rire. Evelyn avait rencontré bien nombre d’êtres au cours de sa jeunesse, quand elle découvrait encore les arcanes de sa magie… Dieux de la mort, démons et anges, entités cosmiques dont la simple présence pouvait faire perdre la raison. Elle avait décidé que la seule personne qui méritait son âme après son trépas était elle-même et elle avait fait le nécessaire pour qu’aucun de ces êtres n’essaye de lui mettre le grappin dessus. John aurait été plus ouvert d’esprit, il aurait pu voir que ce que lui proposait Evelyn lui aurait évité bien des désagréments, mais sûrement qu’il imaginait pouvoir faire un pied de nez à Lucifer d’une façon ou d’une autre et s’en sortir sans encombre. Cet optimisme teinté de résignation était probablement l’un des traits de caractère de l’exorciste qui amusait le plus la nécromancienne.

« Ah, en cela nous sommes d’accord. Même si je préfère les franchir plutôt que de simplement les contourner. J’ai depuis longtemps arrêté d’essayer de justifier mes actions derrière une quelconque morale, ou pour un bien commun. Tu devrais essayer. C’est beaucoup plus relaxant comme façon d’exister et surtout beaucoup moins hypocrite. »

La magie avait un coût terrible. John le savait. Elle-même le savait. Pourtant, ils continuaient tous les deux. Elle peut-être plus que lui. Alors qu’ils auraient pu s’abstenir, retourner à une existence plus banale. Sauf qu’ils avaient pris goût à la puissance. Elle dès sa plus tendre enfance, quand pour la première fois elle avait relevé la carcasse de l’un de ses animaux de compagnie, en avait fait une marionnette suspendue aux fils de la volonté. Elle avait craché à la figure de la nature et n’avait jamais pu arrêter. Depuis, les seules règles qu’elle avait respecté étaient celles qu’elle s’était fixée et il lui arrivait même d’aller à l’encontre de celle-ci quand l’envie lui en prenait.

« Voyons, John. Je te connais mieux que cela. Tu n’as pas besoin de te réchauffer pour boire, je suis certaine que tu préfère même la chaleur de l’alcool à celle de mon thé. Mais soit, la nuit est encore jeune et ce n’est pas comme si mes bouteilles allaient disparaître. Tu es l’une des rares personnes à oser venir ici et encore plus à accepter mon hospitalité. Il y en a qui sont convaincus que je vais les empoisonner. »

Un soupir glissa entre ses lèvres. Comme si elle était à ce point avide de cadavres et d’âmes. Bon, peut-être un peu. Mais pas au point de ne pas savoir se montrer courtoise. Elle leva la main en direction de sa servante, caressant distraitement sa joue à la peau d’albâtre.

« En effet. Mais ne t’inquiète pas, elle est éthiquement sourcée. C’est bien le terme utilisé de nos jours ? Mes petits fossoyeurs ont trouvé sa dépouille abandonnée dans un coin de la ville. Elle et moi avons passé un accord : son âme et son corps en échange de l’opportunité de se venger de son assassin. Un petit ami jaloux. Ah, c’était une véritable scène de film d’horreur, vraiment fantastique. Je suis surtout heureuse de l’avoir trouvée avant qu’elle ne soit trop décomposée. Elle est jolie, il aurait été dommage que je ne puisse pas préserver sa beauté. »

Son manoir était tel un musée de tragédies et de destins funestes. Tous ses serviteurs avaient été quelqu’un autrefois, quelqu’un de vivant, avec des rêves et des aspirations, avant d’être frappé par la mort, toujours inéluctable. Leurs histoires survivaient d’une certaine façon à travers leurs enveloppes plus ou moins décharnées, à travers la sorcellerie de leur nouvelle maîtresse.

« Je te l’accorde. Tu es probablement l’un de mes préférés. La preuve, tu es encore en vie, même alors que nous ne nous fréquentons plus comme avant. Tous mes anciens amants n’ont pas eu la même chance comme tu dois t’en douter. Mais tu es trop amusant pour que je laisse la jalousie t’empêcher de continuer ton existence. »

Puis il était toujours bon d’avoir quelques émissaires dans le monde des vivants. Des gens qui pouvaient lui rapporter les évènements qui touchaient la communauté magique comme il s’apprêtait à le faire.

« Quel dommage. »

Elle laissa à John le loisir de déterminer si elle parlait de l’absence de restes ou de la mort des exorcistes et mages.

« J’espérais vraiment que vous vous en occuperiez une bonne fois pour toute et que tout le monde serait débarrassé de cette menace » Un soupir glissa entre les lèvres de la nécromancienne. Parfaitement volontaire. Après tout elle n’avait besoin de respirer que lorsqu’elle désirait parler. « Surtout avec la petite Zatanna à tes côtés. Je suis heureuse qu’elle ait survécu, il aurait été dommage qu’elle disparaisse complètement. »

Evelyn nourrissait parfois l’idée d’ajouter la fille de Giovanni à sa collection. Même si cela ferait probablement de Constantine son ennemi.

« Je suppose que tu es venu me redemander mon aide ? Maintenant que les justes et braves ont échoué, il faut se rendre à l’évidence. » Elle pencha la tête sur le côté en une moue faussement lasse. « Il vous faut un monstre pour combattre un monstre. Ou des monstres mêmes. Si elle est aussi puissante que tu le dis, vous ne la vaincrez pas en jouant selon les règles. En respectant les limites imposées par votre façon de faire de la magie. »

Il leur faudrait quelqu’un capable de comprendre Enchantress, de comprendre sa magie. N’était-elle pas la personne la plus adaptée pour cela ? Evelyn dévorait des âmes elle aussi, quand elle ne les asservissait pas. C’était sa façon à elle de restaurer son enveloppe charnelle quand c’était nécessaire et d’éviter d’avoir une allure aussi décharnée que certains de ses serviteurs.

« Maintenant… Imaginons que je sois prête à changer d’avis. Qu’est-ce que j’y gagnerais ? »

Would you like some tea with your defeat, darling ?

Evelyn & John

Lorsqu'elle pose sa main sur la mienne, je ne peux réprimer un léger frisson, dû au contact froid de sa peau sur la mienne, plus que par dégoût. Evelyn était une personne intéressante, sans doute complètement timbrée avec une obsession pour la mort qui défiait ce qui était acceptable, mais il en fallait plus pour que je parte en courant. " Il est vrai qu'entre une éternité de servitude et une éternité de tourments, le choix est rude." Le ton était clairement sarcastique. Même si je ne doutais pas un instant qu'elle avait une ou plusieurs idées me concernant. Prétendre qu'elle n'y avait pas pensé au moins une fois serait mentir. Et puis échappé à Lucifer était un plan que je nourrissais encore, même si je devais bien admettre que la difficulté de la chose rendait le tout presque utopique. Mais je savais qu'il existait un moyen, c'est juste que je ne l'avais pas encore trouvé. Mais ça viendrait. En attendant Lucifer pensait avoir gagné et peut-être bien que c'est le cas. Et si ce n'est pas lui, il existe encore deux démons à qui j'avais fait la même proposition, mais eux, il suffisait que j'aille les fracasser en enfer pour que ce pseudo pacte n'en soit plus un. Dans une autre réalité, j'aurais sans doute accepté ce que me proposait la nécromancienne, mais là, c'était un peu tard. Et tant pis, elle trouvera bien un autre rigolo pour me remplacer. " J'ai franchie les limites plus d'une fois et si c'était à refaire, je le referais à l'identique. Je ne suis pas un exorciste conventionnel, tu le sais parfaitement." Je suis le loin le plus immoral d'entre tous et pourtant le plus efficace. Le plus violent et le plus controversé aussi et cette réputation me va bien.

Un rire s'échappe de mes lèvres lorsqu'elle reprend la parole. Je n'ai pas besoin d'excuse pour boire, c'est vrai. " Je me demande pourquoi ces gens pensent de la sorte. Toi qui est si généreuse..." Le ton était plein de sarcasme une fois de plus. Si personne ne s'approchait de cet endroit, c'est bien parce qu'elle avait une réputation à faire fuir le plus téméraire des hommes. Je dois être fou alors. " Il serait malpoli de refuser un thé préparé à mon intention. Je ne suis pas dénué de bonnes manières." En revanche j'ai pas mal d'autres défauts, c'était indéniable. Et puis boire du thé me faisait penser à ma mère, elle qui adorait en boire. C'est aussi pour ça que j'en bois peu, j'ai rejetté tout ce qui me rapelle cette famille que j'ai condamné sans même le savoir. " Il est aussi vrai que tu me connais bien." Mais seulement les facettes que j'ai bien voulu lui montrer. Le reste, elle l'a sans doute appris par le bouche à oreilles ou par les morts. C'est bien possible et en vrai, je m'en fiche. Il n'y a qu'une personne sur cette terre qui me connaissait réellement, qui savait à peu près tout de moi. Sauf le pacte avec Lucifer parce que je n'avais pas eu le temps, ni l'occasion d'aborder le sujet avec elle. Et c'était bien suffisant.

Je regarde alors le nouveau jouet de la nécromancienne et eus un mouvement de la tête. Elle était particulièrement jolie, c'est vrai. Des traits fins, un joli visage et un corps qui rendait le tout harmonieux. Mais n'ajoute rien de plus sur le sujet. La mort faisait partie de la vie. Encore une chose que j'avais transgressée également. Je devrais me trouver en enfer depuis des années maintenant, j'avais gagné un sursis. Chose que n'ont pas eue les nombreux serviteurs d'Evelyn. J'eus un léger rire amusé en l'écoutant. " Tu ne rends pas les choses faciles non plus pour les visites opportunes. Et puis je suis un homme occupé comme tu t'en doute bien." Mais j'étais là pour la soirée et peut-être le reste de la nuit qui sait. Nos discussions étaient toujours intéressantes. " Mais je suis content d'avoir un statut à part parmi tes anciens amants. Le contraire m'aurait probablement vexé." A la réflexion je serais déjà mort donc vexé ou pas, ça n'aurait rien changé. Avoir été son amant avait été une expérience particulièrement amusante, je devais bien le reconnaître.

On en vient alors a évoquer Enchanteress et la défaite cuisante qu'elle nous avait infligée. Je ne pouvais pas dire que ce n'était pas prévisible, mais j'aurais aimé que ça ne tue pas autant de monde. Le seul point positif, c'est Zee soit toujours vivante. Sans elle, j'aurais totalement déraillé, je le sais parfaitement. Parce qu'au-delà de tout ce que j'ai pu faire, lui faire, elle restait la femme que j'avais le plus aimé. Que j'aimais encore très certainement. Le fait d'entendre son prénom dans la bouche d'Evelyn me fait légèrement sourire. " J'ai cru aussi que ça serait suffisant." Mais on ne peut pas réécrire l'histoire. Je termine ma tasse de thé tout en la regardant. Puis je la pose sur le guéridon, toujours en silence. " Je suis juste venu prendre des nouvelles d'une vieille amie. Tu as dis non une fois, bien que le danger soit réel, y compris pour toi, je sais que ça ne sera pas suffisant pour te faire quitter ta zone de confort." Encore moins pour aider le commun des mortels. Je soupire légèrement à sa question, parce que je ne savais pas quoi y répondre. " Ma gratitude éternelle ?" Je peux tenté l'humour. " J'en sais rien, que voudrais bien une nécromancienne de ton potentiel ? " Ce n'était pas la bonne question. " Qu'exigerais-tu, Evelyn ? Ne sois pas trop gourmande ou je serais obligé de te remettre à ta place malgré l'affection que j'ai pour toi." Si je suis toujours en vie ou en état de le faire, bien entendu.

« Voyons très cher, tu me vexerais presque. Tu sais que je prends bien mieux soin de mes jouets que nos amis démoniaques. Puis tu sais aussi que je sais rendre les choses agréables quand je suis aux commandes. »

Elle l’était toujours. Evelyn n’était pas le genre de femme à laisser qui que ce soit prendre des décisions pour elle. Que ce soit dans la chambre à coucher ou autre part. Ceux qui avaient essayé de lui forcer la main par le passé s’en étaient mordu les doigts. Si elle les leur avait laissés. Bien sûr, il y en avait toujours plus persistants qui la hantaient toujours et avaient des projets pour elle. Mais elle n’était pas du genre à partager cette information, même avec John. Surtout avec John quand elle y réfléchissait.

« Vu ton historique, je me demande pourquoi tu te considères toujours comme un exorciste. Ce n’est pas comme si le Vatican avait encore la moindre considération pour toi ? Ou inversement, non ? » Elle n’en avait aucune. Elle avait pu expérimenter aux premières loges l’étendue de la dépravation de la plupart des hommes d’église. Sans oublier l’hypocrisie. Ah, cela lui laissait toujours un goût âcre dans la bouche, même après toutes ces décennies. « Tu passes plus de temps à fricoter avec des démons qu’à les renvoyer en enfer j’ai l’impression. Peut-être que tu devrais changer d’épithète. Démonologue ? Diaboliste ? Maître des arts noirs ? »

Elle lui adressa un sourire en coin. John avait beau jouer les héros, comme dans sa petite croisade contre Enchantress, Evelyn ne pouvait s’empêcher de lui rappeler à quel point il était entaché de ténèbres. Elle en était la preuve incarnée. Quel exorciste digne de ce nom clamait ainsi avoir franchi les limites ? Et surtout prenait le thé avec une nécromancienne vieille de plus de deux siècles.

« N’est-ce pas ? » Glissa-t-elle avec un nouveau sourire entendu. « Je suis une grande incomprise dans toute cette histoire. Mais n’est-ce pas le cas de tous les génies ? Tu es bien placé pour le savoir. Ta réputation est-elle plus reluisante que la mienne ? »

Peut-être pas avec ce qui venait de se passer. De son propre aveu, il avait mené exorcistes et mystiques au massacre. Tant d’âmes et de corps perdus dans l’éther, à jamais hors de sa portée. Une terrible perte. Il y en avait probablement quelques-uns qu’elle aurait voulu ajouter à sa collection. Un peu comme John. Sûrement que le britannique ne devait pas être des plus populaires auprès de la communauté occulte après un tel coup d’éclat. Oh, elle ne lui lancerait pas la pierre. Après tout, elle avait essayé de plonger toute son pays dans la morte-vie. Cela ne l’avait pas rendue populaire non plus.

« Voyons, il faut toujours faire preuve d’un peu d’effort pour pouvoir s’entretenir avec une femme d’exception. Je ne suis pas la première venue non plus. » Elle lui adressa un clin d’œil. « Tu fais bien. Après tout, tous ne s’en sont pas si bien tirés. N’est-ce pas Edgar ? »

La nécromancienne avait adressé cette dernière phrase à un corbeau empaillé qui se tenait sur l’une des étagères du salon. L’animal était habité par l’âme de son ancien époux et parfois elle l’animait pour lui permettre de l’accompagner et même de s’exprimer. John avait probablement déjà pu s’entretenir avec l’infortuné par le passé. Pas qu’Edgar ait grand-chose d’intéressant à dire à part se plaindre.

La conversation prenant un tour plus intéressant, Evelyn se réinstalla confortablement dans son fauteuil, un sourire impeccable plaqué sur ses lèvres. Elle ne sursauta même pas lorsque son cœur émit un battement. Cela arrivait si rarement, une fois par jour avait-elle l’impression, que parfois cela la surprenait.

« Voyons, tu sais que tout est sujet à négociation. La situation est devenue plus drastique encore depuis votre échec. J’espérais vraiment que vous réussiriez. Que je n’aurais pas à m’impliquer. Les héros trouvent toujours une solution d’habitude. » Elle soupira. Pour l’effet. Ce n’était pas comme si elle respirait pour une autre raison que pour parler. « Si tu crois que je vais te demander ton âme ou celle de ta dulcinée, tu peux être rassuré. Ce n’est pas que cela ne me ferait pas plaisir, mais je connais mes limites. Quoiqu’elle soit assez mignonne pour que je me contente de sa dépouille, si jamais elle connaît une mort prématurée. »

La nécromancienne haussa les épaules.

« Non, tu te doutes de ce que je veux. Ce qui sert d’essence à Enchantress. Un tel pouvoir n’a pas sa place dans la nature et même si vous parvenez à l’exorciser et à la renfermer je ne sais où, ou à la bannir, ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne soit libérée à nouveau. Alors que si je la consume, pouf, vous serez débarrassés. Puis tu sais que je sais me montrer raisonnable. Je vis en recluse dans mon manoir depuis des décennies par choix, alors que je pourrais endosser un costume ridicule et tenter de prendre le contrôle du monde. »

Abattre ses cartes ainsi était risqué. Mais elle n’était pas sotte et surtout, John non plus. Il était assez intelligent pour deviner qu’elle était toujours à l’affût de pouvoir, d’un moyen de prolonger son existence mais aussi de se libérer des chaînes de la destinée.

« Qu’en dis-tu ? Bien sûr tu n’es pas obligé de partager cette information à tes camarades. Je suppose que tu as des camarades ? J’imagine que leur faire accepter ma présence dans ta petite croisade ne sera pas aisé. »

Would you like some tea with your defeat, darling ?

Evelyn & John

Je souris légèrement à ses propos. Je sais bien qu'à choisir entre les deux, le plus acceptable serait que je lui sers de pantin, mais je suis bien que trop lié à l'enfer et aux démons pour que ça se passe ainsi. Ma vie est ainsi faite et je crois qu'il est presque trop tard pour changer de trajectoire, même si je fais ce que je peux pour en dévier. Sans succès évident. Si j'avais plus ou moins accepté cet état de fait, cela ne m'empêchait pas de jouer les troubles fêtes pour autant. Je connais énormément de gens liés au monde obscur et elle en faisait partie. Je ne regrettais pas de l'avoir rencontrée, ça avait été une expérience des plus intéressantes, mais elle faisait partie de ces gens à qui il était délicat de demander une implication certaine. D'autant plus qu'elle avait refusé une fois. Je sors de mes pensées quand elle reprend la parole et j'eus un haussement d'épaules. " Je ne crois pas en l'existence de Dieu pour diverses raison, alors attendre quelque chose du Vatican, ne serait ce que de la considération, c'est ridicule." J'eus un rictus et reprends. " Exorciste, démonologue ou peu importe le nom, je suis tout ça à la fois. Les démons et moi on est vachement liés." Et pas pour de bonnes raisons. Cela dit j'ai toujours eu un attrait particulier pour cette branche de la magie et mon caractères, mes pouvoirs et mes capacités s'y prêtaient particulièrement bien. Et j'ai une revanche à prendre sur l'enfer et ce qui y réside.

Mais je sais depuis longtemps que les Ténèbres sont ce que je connais de mieux. Je n'ai rien d'un héros et n'aspire pas à en être un, je ne veux pas de ça. Mais force est de constater que la présence d'Enchanteress m'a fait revoir certaines choses et que je suis un peu plus dans la lumière, mais une fois cette quête finie, si je survis, je retourne m'occuper de mes démons. " Ma réputation n'est guère plus reluisante, je te l'accorde." Et je m'en amuse parce que ça n'empêche pas les gens de venir me chercher. Je suis celui qui combat les ténèbres tout en ayant vendu son âme au diable. Il faut avouer que cela avait quelque chose de captivant. " Mais cela n'empêche pas les gens de venir me trouver en cas de besoin. Il faut bien vivre, non ?" Et de l'argent a dépenser dans l'alcool pour essayer d'oublier temporairement, de faire taire les fantômes du passé qui reviennent parfois me hanter. Oublier mes erreurs qui ont conduits à la mort d'innocent, parce que pour ça aussi je suis bon. Mais la perte de la quasi-totalité des exorcistes de talent m'avait été reprochée et j'avais encaissé sans broncher. Parce que c'était en partie vrai. Parce que nous n'étions pas prêts à un tel affrontement et que nos sources n'étaient plus bonnes. Elle était bien plus forte que ce que nous avions imaginé et le résultat a été sans appel. Que je sois encore là, tout comme Zatanna tenait presque du miracle.

" Tu es une femme incroyable et tu n'as pas besoin de moi pour que je te le rappelle." Je souris légèrement amusé avant de lancer un regard vers le dénommé Edgar, le corbeau empaillé de la nécromancienne. Je l'avais entendu une ou deux fois tout au plus. Et puis la discussion reprends à propos de mon échec et je hausse un sourcil à cause de ce qu'elle venait de dire. Tout est sujet à négociation, bien entendu, mais dans son cas, je serais le seul a accepter ce qu'elle demande, je le savais d'avance. Quoique à situation désespérées, mesure désespérée. " J'aurais aimé qu'on réussisse crois moi." Parce que la présence d'Enchanteresse à amener son lot de complication dont je me serais bien passé. " Les héros ne sont pas infaillibles chérie, sinon tu pense bien que tout serait plus simple dans ce monde." Je soupire à mon tour avant de reprendre. " Tu vois c'est ça ma limite, tu ne la toucheras pas. Du moins pas de mon vivant." Je suis près a accepter pas mal de choses, mais pas de condamner la magicienne si cher à mon coeur de la sorte.

Elle m'annonce alors ce qu'elle veut et je ne peux pas m'empêcher de sourire, amusé, parce que finalement, c'était prévisible. Evelyn était toujours à la recherche de pouvoir afin de prolonger sa vie. " Je crois qu'il est temps de passer à quelque chose de plus fort que le thé, pour poursuivre cette discussion." Je savais que je ne pouvais pas accepter une telle requête venant d'elle parce que je ne sais pas ce qu'elle en ferait, quand bien même elle vit recluse dans son manoir. Cela dit, je ne peux pas non plus refuser et passer à côté d'une aide providentielle. Enfin potentielle serait le mot le plus exact. Après, je peux toujours lui mentir et lui refuser cela au dernier moment, mais je risque de le payer au centuple, même si je ne suis plus à ça près. " Elle va te dévorer Evelyn, jamais tu ne parviendras à la contrôler." Je me redresse légèrement. " Tu sais bien que je ne te sous estime pas, mais dans ce cas précis, il vaut mieux pour toi que tu oublie cette idée." J'étais très sérieux. Elle avait quasiment bouffer June Moore qui lui servait d'hôte, alors avec la nécromancienne, ça serait lui faire un cadeau. " Il ne reste que Zatanna et moi et l'un comme l'autre sommes encore trop faible physiquement, magiquement et mentalement pour reformer un groupe dans l'immédiat." Autant être franc, elle l'apprendra d'une manière ou d'une autre sinon. " Mais si on parvient à trouver un accord, je pourrais ne pas en parler avec ceux qui viendront nous rejoindre. Cela ne regardera que toi et moi." Je pose les yeux sur elle et eus un sourire amusé. " Quand à te faire accepter dans le groupe, je pense que tu t'en fous complètement, n'est-ce pas ? Cela dit ton aide me serait précieuse et j'apprécierais vraiment que tu y repense sérieusement." A la guerre comme à la guerre, il faut ce qu'il faut pour combattre le mal.

« Ah, un exorciste qui ne croit pas en Dieu, mais qui a vendu son âme au Diable. Tu es une merveille de contradiction mon cher John. »

Evelyn n’avait jamais rencontré le prétendu créateur de ce monde, mais elle avait déjà côtoyé des êtres qui prétendaient être ses agents. Une chose était certaine toutefois, s’il y avait bel et bien un Dieu, il n’était pas la figure de bonté et de compassion que l’on décrivait dans la Bible. Non, tout au plus était-il un enfant en manque d’affection qui se tenait au-dessus d’une fourmilière qu’il tourmentait avec une joie enfantine tout en ordonnant à ses victimes de l’adorer. Voilà un personnage qui ne méritait en rien l’adoration de la nécromancienne. Une bonne chose, car elle ne vénérait qu’elle-même.

Les deux occultistes se retrouvaient sur un point en tout cas : ils avaient été marqués par les ténèbres. John à cause de ses pactes avec les forces infernales et peut-être de sa mauvaise habitude de manipuler même ses alliés. Elle ? Elle s’était vautrée dedans depuis sa plus tendre enfance. Elle avait bu jusqu’à la lie l’obscurité de la mort et même si elle n’avait pas la même affinité que Constantine pour les démons, ceux-ci avaient joué leur rôle dans sa longue et tortueuse existence. Il y en avait qu’elle appréciait même, malgré ce qu’ils avaient pu lui faire subir.

« Vivre est un bien grand mot. Mais j’aime imaginer qu’il existera toujours des gens suffisamment intelligents, ou suffisamment désespérés pour faire appel à des gens comme nous. Après tout, nous sommes des experts dans nos domaines respectifs et nous pouvons offrir des services à nuls autres pareils. »

Constantine aujourd’hui était l’un de ceux-ci. Le désespoir de sa défaite face à l’Enchanteresse l’avait poussé à passer la porte du manoir de la nécromancienne. Evelyn n’était pas dupe aussi, elle se doutait bien qu’il venait aussi chercher chez elle une pointe de réconfort, peut-être les paroles de quelqu’un d’autre qui comprenait l’obscurité, qui comprenait aussi le sens du sacrifice. Evelyn était prête à tout pour survivre, même à l’impensable, et c’était pour cela qu’elle était plus à même de l’aider dans sa lutte que tous les autres. Jamais elle ne s’embarrasserait d’héroïsme.

« Je sais, mais cela ne change pas le fait que j’aime te l’entendre dire. Il est difficile de trouver des gens capables d’apprécier mes talents et mes charmes de nos jours. » Un soupir glissa entre ses lèvres. « Et même si j’ai le droit à tous les compliments possibles de la part de mes servants, je ne peux pas nier qu’ils manquent parfois d’authenticité. »

La plupart n’étaient guère plus que des marionnettes. Contrairement à John. Même si elle savait qu’il cherchait à obtenir quelque chose d’elle.

« J’aurais aimé que vous réussissiez aussi. Avoir une entité antique en maraude dans le monde en train de dévorer des âmes, ce n’est pas bon pour mes affaires. »

Pas que ces âmes lui revenaient… Mais en tant qu’ancienne humaine elle-même, Evelyn avait tendance à considérer qu’elle avait plus de droit que des entités mystiques extérieures sur les défunts. Après tout elle avait connu les affres de la mortalité, elle. Cela ne lui avait simplement pas convenu.

« Le monde serait aussi terriblement ennuyeux et je ne serais probablement pas là pour te faire la conversation. » Elle avait affronté des héros. Ils n’avaient été que rarement bien disposés à son égard. « Fais attention à ce que tu dis mon cher, je pourrais te prendre au mot. » Et saisir l’âme et la dépouille de la fille de Zatara dès que Constantine finirait en enfer. Pas qu’il puisse y faire grand-chose s’il devenait le nouveau jouet à chien de Lucifer.

La nécromancienne claqua des doigts et son majordome squelettique refit apparition dans la pièce, avec dans les mains une bouteille de whisky ancestrale. De l’écossais bien sûr. Evelyn n’avait pas mis les pieds sur les îles britanniques depuis des décennies, mais elle restait toujours attachée à son patrimoine. Le mort-vivant servit deux verres et la nécromancienne se saisit de l’un d’entre eux qu’elle leva en direction de John avant de le porter à ses lèvres. Pour certains plaisirs, elle pouvait bien jouer les vivantes avec un peu plus de conviction.

« Je ne compte pas essayer de la contrôler. Je ne suis pas stupide et je sais à quel point il est dangereux d’essayer de manipuler ce genre d’entité. Non, je préfèrerais la dévorer moi-même. Peut-être qu’Enchanteresse est au sommet de la chaîne alimentaire mystique, mais je n’ai aucun problème avec l’idée de jouer les charognards et de me repaître de sa dépouille ésotérique. »

Mais Constantine avait probablement raison. Il avait fait face à la déesse. Il savait de quoi elle était capable, quelle était sa puissance. Evelyn n’avait pour elle que les murmures des défunts… Or, ceux-ci étaient des plus incertains quand il était question d’une entité dévoreuse d’âmes. Le fait était, Evelyn était devenue une créature stagnante. Depuis la première guerre mondiale, depuis qu’elle avait déchaîné ses pouvoirs et semé ses poursuivants, elle avait stagné, telle la créature qu’elle s’était promise de ne jamais devenir. Il y en avait toujours qui en avait après elle, après ses pouvoirs, son corps et ce qu’il restait de son âme. Sa seule façon de leur échapper pour de bon, de se débarrasser enfin de toutes les chaînes qu’il lui restait, était d’accéder à la divinité. Evelyn voulait devenir la déesse des morts-vivants, l’incarnation des ténèbres et de l’horreur de la tombe. Enchanteresse était le tremplin parfait, mais ô terriblement dangereux.

« Je vois. Je ne compte pas l’affronter seule, il faudra que tu aies un petit groupe bien plus fringuant avant que nous ne puissions tenter quoique ce soit. Mais cela me laisse du temps pour me préparer de mon côté. Je peux faire appel à d’anciennes faveurs, tisser de nouvelles alliances et surtout reconstruire mes forces. »

Dans un monde de dieux et de monstres costumés, elle devrait pouvoir trouver quelques recrues dignes de ce nom. Ou au moins des morceaux utilisables.

« Devenir la meilleure amie des bien-pensants n’est pas ma priorité, non. Mais si je dois m’épuiser à la tâche pour vous donner une chance de réussite, j’aimerais ne pas être poignardée dans le dos en le faisant. Tu es assez perspicace pour comprendre la nécessité d’enfreindre les règles, ce n’est pas le cas de tout le monde. Et j’ignore si c’est le cas de celle dont tu t’es amourachée. »

Son père avait été capable de collaborer avec elle par le passé, mais Zatanna ? Difficile à dire.

« Oh, j’y penserais. Mais comme je te l’ai dit, tout risque demande une récompense digne de celui-ci. Si toi et tes amis ne me laissez pas profiter de la dépouille de notre adversaire, il faudra que tu trouves autre chose pour me satisfaire. »

Elle clamer pour elle-même ceux qui tomberaient au combat. Mais elle ne pensait pas qu’il accepterait. Pas à moins d’être plus désespéré encore. Quant à pouvoir retourner dans son pays natal… Même John Constantine n’avait pas ce genre d’influence auprès de la couronne britannique.

Would you like some tea with your defeat, darling ?

Evelyn & John

" Que je ne crois pas en lui ne veut pas dire qu'il n'existe pas." Et si le Diable existe, alors Dieu aussi du coup, ça semble logique. Après quand à savoir si tout ce qu'on raconte est vrai, c'est une vaste question. Et honnêtement, même si je me sers de la Bible et que je l'ai lu, c'est plus un outil de travail qu'autre chose. C'est très pratique contre les démons et moi ça me va, mais heureusement, je ne me base pas seulement sur ça et quelques formules en latin. Après, ma relation avec Dieu est carrément conflictuelle, suite à la mort de mes parents dont je suis aussi fautif. Les premiers d'une longue liste de gens morts à cause de moi ou en partie. De toute façon, je doute que je le verrais un jour, à moins que je trouve un système pour retrouver mon âme. Mais sinon, je sais que je suis condamné et ça me va très bien dans un sens. Les ténèbres, je connais, j'y passe tellement de temps et je m'y sens bien. Tout comme elle, je me complais dans les ombres, même si cela ne m'empêche pas de chercher une alternative pour entuber Lucifer. J'eus un sourire quand elle reprend la parole. Elle avait raison, nous sommes capables de rendre des services que peu sont capables d'offrir. Elle plus que moi d'ailleurs. " C'est vrai tu as raison, heureusement que nous sommes là." Je suis un exorciste connu et reconnu, même si je traîne une sale réputation, mais ça ne m'empêche pas de faire ce que je fais.

Je ne sais toujours pas ce que je suis venu chercher en venant ici. De l'aide, du réconfort ? Aucune idée, mais maintenant que je suis là, autant repartir avec quelque chose, peu importe sous quelle forme. Je l'écoute quand elle reprend la parole et hoche légèrement la tête. " N'y prends pas trop goût, je ne suis pas super doué pour la flatterie."Ce qui est tout à fait vrai. Même si je sais reconnaître sa valeur , je n'irais pas le lui dire tous les matins. Cela aurait peut-être pu m'aider à plusieurs reprises, mais je ne suis pas un adepte de la flatterie gratuite. Tu n'as qu'à leur apprendre, mais je ne suis pas sûr que ce sont de bons élèves." En même temps, ils sont morts, ça risque d'être compliqué." Ce n'est bon pour personne, ni pour toi, ni pour moi. Et encore moins pour quiconque doté de magie." J'aurais aimé pouvoir gagner, vraiment, j'aurais aimé avoir pu la vaincre du premier coup. Cela nous aurait éviter bien des tracas.

Je sais qu'elle a eu son lot de mésaventures au fil du temps, mais quand elle mentionne Zatanna, je sens les poils de mon bras se hérisser parce que je sais plus ou moins de quoi elle est capable et ce n'est pas un sort enviable. J'eus un léger sourire, mais je suis légèrement tendu. " Ne la touche pas, sous aucuns prétextes. Sinon je ne serais pas aussi bien disposer envers toi lors de nos prochaines rencontres." Et j'étais réellement sérieux. Si je suis bien disposé envers elle, je pouvais aussi être un vrai cauchemar si j'tais bien décider à faire de sa vie quelque chose de bien plus compliqué. " C'est mon équipière, ma partenaire, je te serais reconnaissant de garder tes distances. Vraiment." Elle était bien plus que ça, mais je n'avais pas besoin de le dire pour qu'elle le comprenne.

On en revient alors au problème de l'enchanteresse et je la mets en garde, je sais très bien qu'elle se rend compte du danger qu'elle représente. Je ne sais pas trop ce qu'elle compte faire d'elle si elle en a la possibilité, mais je la mets toutefois en garde, sans doute inutilement. Ou pas, ça sera toujours utile. Mon regard est toutefois attiré par son majordome squelettique, mais plus encore par la bouteille qu'il tient. " Il te reste quelques petits plaisirs à ce que je vois." Je sais que c'est du bon, la connaissant, je ne suis pas étonné. Je prends mon verre et en boit une gorgée. Puis je reprends le fil de la conversation. " Je ne suis même pas sûr que ce soit bon pour toi. Mais si ça fait de notre arrangement final, je ne t'en empêcherais pas." Parce que ça sera son problème. " J'espère juste que je n'aurais pas à venir m'occuper de toi par la suite parce que tu ne sais pas gérer." Parce que mine de rien, je l'aime bien Evelyn, il est toujours agréable d'être en sa compagnie, même si c'est difficile d'être dans ses petits papiers. Et qu'une part de moi reste toujours méfiant.

" C'est le plan, rassembler ceux qui veulent. Et très franchement, après la purge qui vient d'être faite, je ne refuserais aucune aide et je pense que ça sera aussi le cas de ceux qui seront avec moi." Parce que la nécessité l'emporte sur tout le reste. Je souris en l'écoutant et je hoche la tête, buvant une nouvelle gorgée de mon verre. " Si la nécessité l'emporte et que je me montre convainquant, Zatanna ne te posera pas de problème." Pour ce qui est des autres en revanche... " J'essayerais de te garantir le meilleur cadre possible, mais il faudra aussi que tu y mette du tien. Si je mets de l'eau dans mon vin, tu devras en faire autant." Mais bon chassez le naturel et il revient au galop. Il est donc question de récompense et j'écoute chaque mot qu'elle prononce. " Je ne suis pas en mesure de te promettre quoi que ce soit pour l'instant, mais nous pourrons en reparler quand le moment sera venu." Des promesses j'en avais trop fait dans le passé, de même que des pactes et ça ne s'est pas toujours bien fini.

« Je ne te savais pas à jouer sur les mots à ce point mon cher John. Même si je suppose que c’est quelque chose qu’on apprend rapidement quand on pactise avec des démons. »

Elle-même avait toujours fait très attention à ce qu’elle disait dans ses tractations avec les puissances infernales. Probablement aussi qu’elle était moins intéressante que l’exorciste auprès des petits amis de Lucifer. Il fallait dire qu’il ne devait pas rester grand-chose de son âme et que son existence était une épine dans le pied des Cieux. Mais la nécromancienne aimait à penser que cela venait avant tout de son charisme et de son esprit vif, qui lui permettait de se sortir de bien des faux pas.

« Heureusement je ne sais pas. Mais nous sommes là, nous existons et le monde se doit de faire avec. »

Qu’il s’agisse d’un exorciste qui avait vendu son âme ou bien d’une nécromancienne séculaire. Bien sûr elle n’essayait plus de jouer aux héros elle, enfin, elle n’avait jamais vraiment essayé. Cela lui avait toujours semblé être un passe-temps ingrat et dénué de sens. A voir l’humeur maussade de Constantine dans son salon, elle avait raison. Même si sûrement qu’il devait être agréable de ne pas voir des chasseurs de monstres tenter de faire irruption dans sa demeure toutes les quelques années pour vous détruire.

« C’est ce qui rends tes compliments encore plus savoureux. Puis je me sais suffisamment exceptionnelle pour motiver leur existence, même si tu n’es pas doué pour cela. »

La modestie n’avait jamais fait partie des qualités de Lady Blackwood et elle n’avait jamais prétendu le contraire.

« Oh, ils sont les élèves les plus obéissants au monde, mais ils manquent de créativité. Peut-être que je devrais reprendre quelques apprentis, si tu connais des candidats qui n’ont pas peur de placer leur existence éternelle entre mes mains en échange de connaissance. »

Mais vu que la population magique venait de prendre un sacré coup avec leur petit exorcisme de l’Enchanteresse, Evelyn ne pensait pas que cela serait le cas. Puis en toute honnêteté, elle était encore plus difficile dans le choix de ses acolytes que dans ceux de ses amants. John avait pu partager sa couche, elle avait pu lui donner quelques informations, mais elle ne l’aurait jamais pris sous son aile pour en faire un véritable nécromancien. Il désirait être un héros au fond de lui, cela n’allait pas avec le métier.

Un sourire amusé ourla les lèvres d’Evelyn lorsque Constantine laissa tomber un instant le masque de politesse qu’il daignait revêtir en sa présence. Zatanna, la corde sensible, Zatanna, la petite magicienne qui faisait battre son cœur. C’était probablement elle qui motivait ses élans héroïques, son désir d’être plus qu’un simple magicien de rue damné, qui faisait qu’il était prêt à venir à sa rencontre.

« Comme c’est mignon. J’aime te voir capable de montrer les crocs lorsque c’est nécessaire John. Cela montre que tu n’as pas tout perdu de ton mordant. Une bonne chose que vous vous en ayez réchappé tous les deux. »

Si Zatanna avait été morte et son âme dévorée par l’Enchanteresse, Evelyn se serait probablement retrouvé face à une coquille vide, un être complètement dénué d’élan vital. John ne serait probablement même pas venu la voir, il se serait suicidé en essayant de s’attaquer à l’entité seul dans une pulsion née de chagrin et de folie. Probablement. Sauf s’il avait pensé que la nécromancienne pouvait lui ramener sa dulcinée.

« Je ne suis pas une ascète ou une nonne. Tu es très bien placé pour le savoir. » Commença-t-elle. « Je sais apprécier les plaisirs réservés aux vivants, même si la plupart de ces derniers m’agacent au plus haut point. Ils sont devenus bien trop nombreux. On ne peut même plus se promener, même de nuit, sans en croiser tout un contingent. Au moins à mon époque, ils respectaient un peu l’obscurité. Mais maintenant ? Ah, il n’en est plus rien. » Elle soupira. « Mais ne t’inquiète pas, je ne suis pas du genre à sombrer dans la misanthropie pour si peu. » Plus de vivants, plus de cadavres, c’était une logique imparable. « J’aime juste ma tranquillité. »

Ce qui était probablement la meilleure chose pour le monde. Une nécromancienne de son acabit pouvait causer de gros dégâts si elle le désirait, elle le savait d’expérience. Mais simplement, elle aimait faire croître ses collections plutôt que de se lancer dans la conquête du monde. Puis celui-ci venait parfois jusqu’à elle, en la personne de John et de quelques autres.

« Voyons, tu sais très bien que je ne fais pas les choses à la légère. Je ne me lancerais pas dans une telle chose sas être certaine du résultat. » C’était pour cela qu’elle ne voulait pas devenir l’hôte de l’entité et espérer la contrôler. Elle voulait la détruire, la dévorer, détisser les fils de son identité jusqu’à ce qu’il ne reste plus que du pouvoir brut qu’elle pourrait assimiler.

Ses doigts fins croisés devant elle, Evelyn écoutait Constantine lui parler de ses alliés à demi-mots. Rien de très rassurant. Il lui donnait presque l’impression d’essayer de se convaincre lui-même.

« J’espère que tu as raison. Je ne veux pas me retrouver avec un groupe de prétendus héros ou je ne sais quoi à mes trousses parce que je suis sortie de mon repaire pour t’aider. Zatanna ne m’inquiète pas, après tout son père avait du bon sens et j’espère qu’elle en a hérité. » Mais il y en avait d’autres, elle n’en doutait pas. « Voyons, tu me connais. Je suis toujours charmante au possible et des plus avenantes. Je ne doute pas que tes petits compagnons vont m’adorer, si tant est qu’ils arrivent à passer outre leurs préjugés sur la nécromancie. » Lança-t-elle avec un petit geste désinvolte de la main.

Si seulement les choses étaient aussi simples.

« Tu sais où me trouver. Enfin, tu connais le chemin du manoir, où qu’il soit. » La demeure hantée n’existait pas toujours dans ce plan d’existence, mais Evelyn avait depuis longtemps révélé à John les secrets qui permettaient de l’atteindre. Même si cela signifiait bien souvent commencer par une promenade nocturne dans un cimetière ou une forêt hantée. « Ce qui me fait me demander. Où puis-je te trouver si jamais j’ai à m’enquérir de ce que tu deviens ? »

Et au cas où elle aurait des choses à lui demander avant qu’il ne se décide à tenter quelque chose de nouveau contre l’Enchanteresse.