Mirror, mon beau Mirror [Intrigue II - Terminé]

La vie est pavée d’échecs et de réussites. Si nous ne réussissons pas quelques projets, il ne faut pas pour autant désespérer. Comme ces bons et angéliques croyants aiment le dire : lorsqu’une porte se ferme, une autre s’ouvre ! Ma première tentative pour mettre Bludhaven à feu et à sang n’a pas été une réussite totale, mais je ne baisse pas pour autant les bras ! Au contraire ! Je cherche de nouvelles idées pour arriver à destination, c’est-à-dire devant l’enclos des Enfers – voire les portes de l’Enfer si je sacrifie suffisamment d’humains !

Il est bien dommage que je n’ai pas rencontré Enchantress plus tôt. J’aurais tenté de la convaincre que le meurtre de tous ces magiciens et occultistes pourrait servir à de plus grands desseins. Par exemple, l’entité pourrait avoir accès à un nouveau monde et de nouvelles alliances, gratter des démons des Enfers comme compagnon de nuit et même avoir quelques démons et esclaves immortels – ou du moins, avec une vie très prolongée – à son service ! Malheureusement, il est trop tard. Elle les a tués pour son propre plaisir et puissance – selon les rumeurs.

Revenons à mes petits moutons, ou plutôt à mes agneaux de sacrifice.

Je ne peux pas causer un chaos considérable et démentiel au sein d’une ville comme Bludhaven toute seule. Les renforts sont nécessaires. J’aurais pu appeler ce nouveau contact, un certain Black Adam, mais je m’y refuse. Je préfère garder cette carte-ci qu’en dernier recours, lorsque je n’ai plus aucun choix et que toutes mes tentatives ont été un total échec. Un échec partiel est également une réussite partielle : nous pouvons encore tirer un avantage à user à bon escient !

L’incertitude règne un tantinet au sein de la ville. Quelques habitants pensent que l’eau est toujours empoisonnée, se jetant dans les bouteilles d’eau ou refusant d’acheter quelques produits locaux. En réponse, je me suis assurée de détruire quelques cargaisons de poids lourds ou de conteneur. Malheureusement, ces actions tiennent davantage d’une goutte d’eau dans un océan : l’impact est minable, s’il n’est pas nul. Si je n’abandonne pas l’exploitation de ce filon, je refuse de m’y entêter.

Il faut penser au futur. Et le mien s’appelle Mirror. J’ai engagé ce mercenaire pour lancer une guerre de gang totale au cœur de cette ville corrompue. N’est-ce pas une idée génialissime ? Avec deux mercenaires doués dans leur domaine respectif, il y aura peu de risques d’échecs ! Alors, je pourrais rebondir sur l’idée d’empoisonner les eaux, ou d’entériner davantage la violence et l’insécurité dans chaque ruelle – jusqu’au lit de chaque habitant !

Du haut du toit d’un immeuble, je fixe cette ville à mes pieds, grouillante de vie. Bientôt, j’entendrais des cris, des pleurs, des coups de feu et des bombes.  J’inspire profondément, bras tendus de chaque côté. Ça sent le succès !

- Mirror, mon beau Mirror, dis-moi qui est la plus chanceuse des mercenaires de Bludhaven ?, dis-je, en me retournant. J'ai entendu la porte claquer. Je suis la Bathory, très heureuse de te rencontrer enfin ! Je suis une grand fan de ton style !

Je ne me déguise pas en tant que mercenaire. Je me contente d'un maquillage excessif. J'avoue que je n'ai jamais saisi ce besoin de maintenir une identité secrète. Comment le pourrais-je ? Je n'ai aucune vie civile à cacher ou à protéger. Ma famille se compose de deux frères que je connais à peine, et qui savent se défendre et se protéger comme des grands! Enfin, tout ce qui me concerne officiellement dans les fichiers de l'administration est faux.

En bref, je n'ai rien à cacher ...

- Porter un masque miroir pour que tes victimes voient leur propre mort … Du génie ! , le félicitais-je en ignorant sa première question. On dit que tu es un mercenaire extrêmement prudent et discret. Je doute donc que je te vois à l’œuvre, un beau jour. Quel dommage …

Un sourire amusé, quoique malsain, s’étire sur mes lèvres. Alors, inconscience ou sur confiance, je me retourne et offre une belle vue de mon dos. L’homme peut aisément se saisir d’un flingue et me flanquer une balle à la nuque ou entre les deux omoplates avant que je ne puisse faire le moindre mouvement. Une femme ordinaire crèverait sur le coup. Une démone banale survivrait sans souci. Moi, je serais blessée plus ou moins grièvement mais je survivrais – assez pour fuir, voire planter mon assassin avant de prendre les jambes à mon cou.

- Je veux t’engager pour une mission très sensible par nature, mais très importante pour moi ! J’ai besoin des meilleurs mercenaires des Etats-Unis. J’ai ouïe dire que tu en fais partie.

Je me retourne. Il n’y a plus rien de guilleret dans ma démarche ou mon ton. Le sérieux a pris tous ses droits sur ma personne. Mon doigt ne tarde pas à pointer la ville qui s’étend sous nos pieds, bien trop calme et tranquille à mon humble avis.

- Je souhaite déclencher une guerre de gang considérable, voire totale, à Bludhaven. Ce n’est possible que si nous tuons les bonnes personnes, de la bonne façon, c’est-à-dire sans la moindre trace des vrais auteurs et avec plein d’indices faits maisons de faux coupables ! Du moins, c’est l’idée globale que j’ai. Il faut finaliser les détails mais, nous pouvons le faire à deux.

Je me rapproche de lui, doucement et avec précaution. Le vent ne tarde pas à porter les odeurs de ce type et un nouveau sourire, quoique carnassier cette fois, se loge sur ma figure. Il sent le sang. Le petit aurait-il travaillé ce soir ? Si oui, je ne peux que le féliciter de ce maintien et de son professionnalisme. Pour ma part, après chaque meurtre, je suis un brin trop excité et joyeux, incapable de tenir en place, de rencontrer un nouveau client ou m’atteler à un nouveau contrat. Evidemment, je n’en touche pas un mot immédiatement. Tout le talent d’un mercenaire réside dans l’effet de surprise : s’il révèle toutes ces capacités, il risque bien vite d’être dépassé ou d’être tué dans ce business.

Au lieu de l’interroger sur sa victime du jour, je lui présente ma paume où est inscrite une succession de chiffres. Ce n’est ni la combinaison d’un coffre, ni un code informatique complexe. Un professionnel comme lui doit bien vite comprendre ce que c’est. Quoique, dans le doute, je me décide à apporter un peu de clarté et de précision.

- C’est mon prix. Tu as la moitié avant le début du contrat, et le reste lorsque le contrat est accompli. Qu’en dis-tu ?

L’homme est sérieux, distant, voire solennel. C’est un professionnel, à n’en point douter. Pour autant, est-ce que je suis intimidée ? Non. Il faut plus qu’une attitude froide pour mater mon petit caractère. Est-ce que je suis davantage impressionnée ? Non plus. Je ne l’ai pas contacté par hasard : je l’ai choisi pour les compétences vantées au sein de ce milieu criminel commun. En conclusion, il agit et présente exactement comme il faut.

- Je ne vois pas mon activité de mercenaire comme un travail, mais davantage un plaisir. Je peux m’adonner à ce que j’aime le plus et être rémunéré pour ces bonnes actions. A bien réfléchir, est-ce que je ne décrirai pas un métier passion ?, demandais-je avec ce même entrain.

Il ne tarde pas à m’interroger sur mes compétences. J’aurais bien voulu lui faire quelques démonstrations, voire me confronter à lui. Malheureusement, l’efficacité prime sur les caprices. Nous devons concentrer nos efforts sur un objectif commun, plutôt que nous fracasser nos gueules. Mon premier plan vis-à-vis de cette ville a échoué : je ne peux pas rater une seconde fois.

- Je suis plus forte que la moyenne. Je crois que … je peux être assimilée à ces méta-humains. Mais je ne vole pas, je ne porte pas slip moulant, et je ne balance pas des boules de feu ou je ne sais pas quoi. Et je ne suis pas Inspecteur Gadget, à balancer des petites armes avec des formes mignonnes, expliquais-je en haussant les épaules. Par conte, j’adore les explosifs. Là où je passe, on m’entend !

Mon sourire disparait pour laisser place à un air agacé.

- Je peux être discrète si on m’explique comment. Par contre, je ne sais pas le faire toute seule. C’est gênant lorsque l’on veut déclencher une guerre des gangs sans que son nom circule sur toutes les lèvres.

Je suis la principale difficulté de la mission : il n’est jamais facile de former quelqu’un à notre milieu – ou à de nouvelles techniques. Il y a également les incompatibilités de caractère. Par exemple, si jamais Mirror trône la discrétion et la furtivité, il va clairement être agacé par mon amour du chaos, des cris, et des bains de sang.

Pourtant, mon objectif prime sur tout le reste – incluant mes envies. Je n’ai pas été conçue, formée et envoyée sur Terre uniquement pour faire du tourisme. Les Démons attendent ardemment une ouverture des Portes des Enfers pour se déverser sur ce monde, se nourrir de la chair des Hommes et, surtout, gagner en consistance et puissance en s’emparant de quelques hôtes.

- Je viens d’arriver en ville et je n’ai pas encore établi une base solide. Je me balade d’un lieu à un autre. Il y a autant de gangs qu’à Gotham. Les maisons et entrepôts vides ne manquent pas à l’appel. Nous avons l’embarras du choix entre la splendide vue nocturne, à la compagnie des rats et des déchets de la ville !

Je réfléchis encore.

- Le temps m’importe peu, tant que le travail est bien fait. Bludhaven doit être chamboulé par une guerre de gang totale. La police doit être débordée et aucun quartier ne sera épargné.

Je veux du sang. Partout.
Autrement, mon rituel va être compromis.

- Par quoi commence-t-on ? demandais-je, le ton guilleret.

- J’ai appris les explosifs pour le fun. Et pour avoir une seconde palette dans mes compétences. Les employeurs apprécient les mercenaires qui se diversifient un tantinet. C’est moins casse-tête, moins de recherche, moins de négoce, moins de paranoïa … Ils savent à quoi s’attendre.

La magie n’est pas au goût de tous et, surtout, elle consomme une énergie très considérable ! Lorsque les batteries sont à plat, il est toujours bon d’avoir quelques outils supplémentaires pour fracasser quelques gueules – ou tout bonnement disparaître ou crever en grande panache ! J’ai toujours apprécié les morts spectaculaires ! Si nous ne pouvons pas choisir comment nous naissons, voire comment nous vivons, il faut au moins avoir un certain contrôle sur sa fin – quitte à la précipiter si la banalité de la maladie ou de la vieillesse menace !

- Le Joker n’est pas un mercenaire et, surtout, il ne quitte pas Gotham, répondis-je, tranquillement. Avant que je ne m’attaque aux troupeaux de moutons dégénérés de Gotham, gardés jalousement par leurs super-héros, je veux me faire les dents avec Bludhaven ! , conclus-je, lui dévoilant une ville vulnérable, livrée à elle-même, sans protecteur aussi efficace que le Chevalier Noir et ses petits copains en collant ultra serré des années où l’aérobique était populaire. Précisément, il faut de la méthode et des étapes claires, rigoureuses et strictes pour lancer une guerre de gang. Un chef de gang doit crever et toutes les doutes doivent s’orienter vers un autre chef de gang. Et il faut que les deux soient de gros gabarits, le genre où la ville ne va pas s’en remettre avant quelque temps.

Je comprends que l’homme a besoin d’un plan. Je relève la tête au ciel quelques minutes, réfléchissant à un brouillon.

- Il faut faire escalader la violence petit à petit. Un mort par-ci, un mort par-là. Ou alors, il faut opter pour un bouquet final express : nous trouvons un moyen de réunir les deux gangs pour une discussion commune dans un lieu que toi et moi aurons préalablement et habilement piégé. Nous tuons les têtes les plus pacifistes, nous gardons les têtes belliqueuses hors de la tuerie. Et nous laissons mère nature de la vengeance prendre le pas. Qu’en dis-tu, de mes premières idées ?

Va-il refuser ? Va-il accepter ? Plus important, va-t-il soumettre quelques bonnes idées pour compléter mes lacunes considérables pour tout ce qui touche de la planification, de la discrétion, voire de l’art de piéger une zone ou un groupuscule ? Je suis avant tout une bourrine, préférant foncer tête baissée ou user des sorts les plus efficaces – mais également les plus voyants. Evidemment, la magie démoniaque peut être discrète et j’en ai déjà usé. Sauf que je préfère que le monde ne voit que mon coté Bling Bling, me laissant le joker d’un côté plus sournois le temps venu – et après de très longues réflexions avec mes frères, qui sont plus versés dans ces arts que moi.

- J’ai besoin de l’aide d’un professionnel, finis-je par dire, le suppliant presque du regard. Je sais que dans notre milieu, les sentiments n’ont pas leur place.

Sauf que Bludhaven me tient vraiment à cœur et j’ai besoin d’un coup de pouce pour une seule et petite mission. Si tout se passe bien ici, alors je pourrais tenter une action contre Starcity ou Gotham. Mon cœur se balance encore entre ces deux villes ! La première a un joli nom – et personne ne me connaît encore là-bas. La seconde a bien des âmes écœurantes – et c’est la tanière du Doc !

Lorsque Mirror m’interroge sur mes critères de sélection, je ne réponds pas immédiatement. Je me contente de fixer mon propre reflet, admirant tant ma beauté que cette lueur malsaine au fond de mes prunelles. Est-ce qu’il aurait un semblant de scrupule vis-à-vis de Gotham City ? A moins qu’il soit sincère et n’a qu’un intérêt purement professionnel ?

- Chaque ville nécessite des actions différentes. Ce que je fais ici, aujourd’hui, ne pourra pas être répliquer à Gotham City. La ville de Bludhaven est aussi corrompue que sa grande sœur, Gotham City, mais n’a pas de super héros en collant attitrés et est plus modeste en taille, expliquais-je tranquillement. Bludhaven est une première étape, celle qui pourra potentiellement me fournir une force de frappe conséquente pour la suite de mes projets, ajoutais-je. J’ai besoin d’une quantité considérable de morts atroces ou subites, dans des lieux très spécifiques de la ville. Pourquoi ? Surprise ! Si vous êtes véritablement curieux, soyez simplement attentifs aux news dans les prochains mois.

Je doute que cette petite ville suffise pour ouvrir les portes de l’Enfer, mais elle peut m’aider à alimenter un entrebâillement et laisser glisser quelques démons de niveaux inférieur – ou de niveaux supérieurs. Les premiers sont faciles à recruter, avec les bons arguments et la bonne puissance. Les seconds seront plus compliqués en raison de l’égo, mais assurément plus utiles et plus puissants. Si j’obtiens leur soutien, alors je pourrais m’attaquer à de plus gros gabarits.

Si Gotham City m’intéresse pour sa corruption constante, c’est un brin trop cliché de s’y prendre. Il n’y a presque plus de notions de morts violentes tant celles-ci sont devenues le quotidien des Gothamites. Metropolis et Belle Reve sont mes secondes cibles, notamment en raison des méta-humains délicieux à portée de main. Malheureusement, il y a un certain type en slip rouge – ou bleu, je ne sais plus – qui est de retour. Il faut me préparer davantage. Et puis, il y a Starcity ! Moins chamboulé que Gotham, mais corrompue malgré tout ! Hétéroclite aussi, avec autant d’humains que de méta-humains.

- Il y a l’embarras du choix en faction criminelle ! Quant aux plus gros, ils se surnomment respectivement Lucky Dogs, un gang dans la pure tradition américaine, et le Jade Vert, la triade chinoise digne d’un film hong-kongais !

Je m’exclame, comme si j’annonçais la bande annonce d’un nouveau film. Le sérieux revient vite, pourtant.

- Nous nous distribuions les gangs, chacun tuant deux cibles de chaque côté. Nous ne chargerons de la touche finale ensemble. Je concocterai une bombe exceptionnellement violente, tu te chargeras de la placer discrètement ! Après la mission, nos routes se séparent pour un court ou long temps. Qui sait ! Le destin peut être si capricieux !

Je tends ma main.

- Avons-nous un accord ? Si oui, serrons-nous la main, et mettons-nous au travail sans tarder !

Le montant de la transaction a été validé, les termes du contrat ont été discutés … avions-nous besoin de plus d’information et de blablabla ? Nullement ! Il faut agir, sans trop tarder. J’ai un chaos à amener au pas de la porte d’un angelot m’ayant agacé à mon arrivée, d’un occultiste qui m’ignore un peu trop et d’une magicienne qui semble taper à l’œil de tout le monde – gentils comme méchants !