Always Watching

Fear of the Future
Metropolis et Starcity.

L'attente.

C'est cela maintenant, qui prédomine. Le retour des plus grands héros du monde a permis un retour au statu quo ; le mutant et le méta-humain caché à nouveau des yeux du monde, forcé de vivre en proscrit son anormalité souvent mortifère. D'un côté pour échapper aux féroces appétits d'un nouveau monstre vivant dans le Noir, dans ses Ténèbres. Darkness... Ce mot est dans toutes les têtes, les rumeurs sur l'existence d'un groupe, d'une secte ou en tout cas d'un croque-mitaines tapi dans l'ombre, qui rallie ceux qui le méritent, qui dévore l'âme et la puissance de ceux qui ne le méritent pas.

The Darkness, un anathème soufflé dans le noir pour tous ceux qui espèrent le monde tout autant qu'ils le craignent. Black Adam, Enchantress, qui soignent leur réseau. Qui recrutent à tour de bras, les tueurs et les psychopathes, tous les blessés par la vie qui ont des compétences pour la mort ou pour l'horreur. Mirror et Madame Rouge sont parmi ceux-ci, qui survivent aux tempêtes de balles et de magie, qui face aux épreuves les traversent avec l'indifférence égale de la folie furieuse ; souffrir tout de même, c'est vivre.

D'un autre côté, il vit tapis, reclus, pour ne pas passer dans le radar d'un Superman, d'une Wonder Woman, de risquer d'exploser dans l'ivresse d'un pouvoir naissant et de tout ravager sur son passage, pour finir opposé aux plus grands champions du monde.

La paix règne.

En apparence, du moins.

Car ceux qui sont revenus d'outre-monde ne sont pas revenus intacts de leurs péripéties dans le multivers.

Barry Allen -Flash-, qui vit l'urgence d'un père innocent qui est confronté à l'enfer carcéral, et à l’accélération des procédures qui pourrait conduire, dans l'hystérie collective, à envoyer son père dans l'enfer, à perpétuité.

Oliver Queen -Green Arrow-, qui tente de sauver sa ville de l'influence de la mortifère Ligue des Ombres en pleine guerre civile, aidé qu'il peut être par Black Canary, voire par ceux de la Ligue qui sont tentés de changer de camp. Est-ce que Nyssa Al Ghul, ou Cheschire peuvent être des ressources pour le camp du bien dans ce conflit ? Ou vont-elles toutes se ranger du côté des ténèbres qui voient naître les plus grands espoirs ou les plus profondes ténèbres. Les résidus d'expériences réussies ou ratées restent, tapis dans l'ombre, attendant leur heure. Comme Sia Anderson, Jonathan Clarke, et tant d'autres qui ont enduré l'eugénisme ou l’ingénierie génétique, et qui continuent d'en payer le prix aujourd'hui.

L'espoir s'appelle Superman. Kal-El, qui se raccroche à tout ce qui explique et définit son Humanité. A Lois Lane, qui soutient de ses articles l'éclat de vérité qui illumine le Monde, et surtout le cœur de son plus grand héros. Ils en ont tous besoin, les Hommes. De vérité. Et il n'y en a pourtant pas de plus grandes que l'amour et la bonté qui gonflent toujours le cœur de Wonder Woman. Avec le fils de Krypton, l'Amazone hante désormais les rivages du Styx à la recherche d'une solution pour l'avenir de tous.

Et si ça foire...

Alors, il y a la nouvelle génération, comme Morgan Mercer qui a attiré l'oeil de l'Homme d’Acier, qui sans reconstituer une forme de « batfamily » à la sauce « Superman », prépare malgré tout l'après-lui.

La mort continue de rôder. Et la folie, aussi. Les démons hantent le monde des vivants, et certains tournent avec avidité autour de Bludhaven. Maria Carnis souhaite y ouvrir la porte des enfers, elle, réputée pour être la Bathory, la comtesse sanglante des légendes. Elle n'est pas sans appuis, avec Jonathan Crane comme épouvantail, mais ils sont légions à vouloir l'abolition de ce qu'il reste de raison au monde, pour mieux le détruire.

New World's Champion
2022, 16 octobre 21h25.

La caméra se braque sur les différents intervenants du débat. On scrute chaque geste, chaque mot, chaque mouvement. On analyse, on guette le faux-pas. Tous les discours sont gênés, et policés. Parce qu'on attend de tous les candidats républicains ou démocrates à la prochaine présidentielle une forme de retenue ou au contraire, un avatar d'outrance. On cherche l'erreur, factuelle ou non. On l'espère, même. Aucun des candidats, assis droit debout depuis près d'une heure, n'est vraiment dupe de la farce dont ils sont les héros. Ce genre de débat, pourtant loin de la campagne qui n'est pas encore déclarée, n'est qu'un tour de chauffe, de quoi mesurer le travail qu'il reste à accomplir.

Tous condamnent la retenue apparente de la Justice League. Tous regrettent son manque d'implication. Gotham a été ciblée par Bane, très récemment, et Metropolis par Zod et Enchantress. On murmure, de bon aloi, que la réponse de la police est insuffisante. Mais comment lutter contre l'inhumain avec un simple Glock ? Aucun se mouillent. Tous louent les efforts des agences fédérales, des forces de police locale. Seul un garde le silence. Les autres candidats ne le voient pas. Ce n'est pourtant pas un inconnu au bataillon, mais personne ne parierait sur lui dans la course qui s'engage. Son port est toutefois fier, altier. Ferme. Comme si ses chaussures pesaient dix tonnes, et le cramponnent au sol.

| Et vous, monsieur Luthor, que pensez-vous de ces attaques ? |

L'homme ne dit rien. Son silence attire les regards à lui. Lex Luthor a fait les frais, jadis, de la Justice League. D'un procès jugé nul et non avenu, d'une procédure qui le désigna coupable d'une forfaiture qui n'était pas la sienne. On l'épargnait, ce soir.

| J'ai été, comme vous le savez, victime d'une justice aveugle, qui a trop eu tendance à s'orienter suivant la direction pointée du doigt par ceux qui sont plus que des Hommes, plus que des êtres humains. |

Il parle lentement, ménage son effet. Captive la foule.

| Je ne leur en veux pas. Ils sont meilleurs que nous. Qui peut reprocher à Superman, à Wonder Woman et aux autres de ne pas pouvoir être partout au même moment ? Tous autant héroïques qu'ils sont... | Pause, il regarde chacun de ses adversaires du soir qui tous ont hésité entre condamner et soutenir. | Ils ne sont pas des dieux. |

La vérité est lâchée, brute, résonnant dans les oreilles de tous ceux qui auront regardé le débat.

| Batman traque, mutile, pend au gibet les criminels qu'il désigne. Que font les autres ? |

Son regard se promène sur le public. Plusieurs exclamations de soutien lui parviennent.

| Nous les avons laissés faire parce que nous avions peur. Peur de ceux qui sont comme eux. Et nous avions raison d'avoir peur. Regardez ce qu'ils sont capables de faire... |

Et pourtant cette charge, aussitôt tempérée.

| Ils ont besoin de nous. Ils nous ont protégés, tous autant que nous sommes, et moi-même... Comment pourrais-je être en colère ? J'ai été en prison, de longues années. Mais combien ont survécu, grâce à leur intervention ? Combien ont eu la vie sauve, ou celle de leurs proches ? Combien ont vu les victimes qu'ils connaissaient en paix, parce que les Justiciers ont retrouvé les coupables ? Mon cas, mon histoire... |

Il regarde ses mains. Ses pieds, penche la tête. Et la redresse, après un certain moment.

| Ce n'était qu'un signe. Un symptôme. Eux aussi sont... Humains ? Faillibles ? Regardez Batman. Et Superman, si omniprésent jadis, qui ne sait plus rien empêcher aujourd'hui. Leur expérience de nous sauver tous, au travers de ce que nous avons appelé la Crise du Multivers, ça les as... Changés. Et quoi de plus normal ? Depuis combien de temps nous reposons-nous sur eux pour nous défendre, pour nous protéger ? Nous leurs sommes redevables. Éternellement. Mais parce que nous le sommes, nous devons nous préparer à ce qu'il y aura après eux. A ce que nous devrons faire, pour être capables d'assurer nous-mêmes notre sécurité. Et de préserver leur héritage, à jamais. |

Rédemption
Gotham

Gotham tremble plus que jamais sur ses fondations.

La folie se libère. Insidieuse.

Des petits papillons de nuit qui vaquent comme d'ordinaire à leurs menus larcins comme Nocturna aux adeptes de l'occulte, tous le sentent dans leurs tripes. Ceux qui ont des pouvoirs ésotériques le ressentent plus que tout autre. Parvati Mahajan-Jones, ou Faith Cross. Deux aspects d'un pouvoir analogue et qui pourtant parcourt leurs veines avec autant de différences, comme il irrigue le système de Roxanne Shaw, de Zatanna Zatara ou de John Constantine. Tous l'ont senti, tous l'ont éprouvé.

La mort guette.

L'horreur grandit.

Torturés par les factions en présence ou par leurs propres démons, ces sorciers et sorcières sont les premières victimes de leurs terrifiants pouvoirs ; ils sont les cibles privilégiées d'entités antédiluviennes comme Enchantress, ou sont requis par les forces du bien pour combattre celles du mal.

Il y a ceux qui le sentent, mais qui n'ont pas de sixième sens magique pour s'en rendre compte. Nalavia Greeden, parmi une armée d'enquêteurs, de détectives privés, qui voit les disparitions suspectes et actes malveillants se multiplier. Aleck Lockwood et la police, dépassés mais résolus à traquer chaque parcelle de vérité, à combattre le crime sous toutes ses formes.

Il y a d'autres autorités de l'ombre qui essaient de maintenir l'ordre, ou à défaut, de se préparer pour le coup d'après. Le Suicide Squad, toujours prêt à intervenir. Et l'Unité 7 à documenter et sourcer chaque intervention, dont Christine Saint Clair, l'Agent 12, qui rend compte des actions de Wayne Enterprise et de son fantasque PDG, pour tenter d'user des ressources de l'entreprise pour surveiller l'espace. Les journalistes, comme Vicki Vale, pour se faire le relais des enquêtes de corruption, de malversations, pointant du doigt les riches et les puissants.

Tous tombent à côté.

Car le Mal existe, et il prend la forme de la Ligue des Ombres. Société secrète implantée dans le corps social tout entier, de ses plus hautes strates aux plus petites, qui la gangrénent, entité jadis conçue comme un réseau de défenses immunes et qui pourtant se retourne contre l'organisme tout entier. La Ligue a un nouveau Maître. Ra's Al Ghul a pris un nouveau visage, celui de Batman. Ses plus proches amis et compagnons, de Catwoman -qui peut compter sur ses amies de toujours comme Holly Robinson- jusqu'à Nightwing ou Robin, ne peuvent que se poser la question ; à quel point le Chevalier Noir a choisi son nouveau destin ? Est-il libre de ses choix, revenu indemne de la crise du multivers ou revenu changé à jamais ?

Tous se préparent pour la guerre. Elle a déjà cours, dans les rues, les bars, dans tous les quartiers et les espaces de travail ou de loisir. On se déchire sur la légitimité de Batman à faire régner l'Ordre et la Justice, sur ses outils cruels et violents. Dans l'ombre des ténèbres, une voix doucereuse et mielleuse, celle de Talia Al Ghul, dépositaire d'une ancienne Prophétie des Ombres.

Les fous de Gotham se fichent bien des Astres et des Abîmes. Seul compte l'écho de leur propre rire en regardant le monde brûler, et le clown de Gotham -le Prince des Rires-, Joker, a ses nouveaux disciples. Une armée de citoyens déglingués par le désespoir, la frustration, et la vitesse d'un monde qui court trop vite, pour l'aider à le précipiter à sa perte. Dans l'ombre du rire aux larmes, l'Arlequin qu'il a jadis aimée à sa façon, qui se tient prête à rajouter au chaos un grand coup de maillet.

Cimes de Gotham.
2022, 17 octobre, 03h17

Le bruit de son masque rend un sifflement sourd. Presque totalement atténué. Pas en entier, pourtant.

Il entend dans son masque les bruits de la ville. Ceux de la radio, de la télévision. Spot par spot, chaîne par chaîne. Il entend la chaîne youtube d'un jeune homme en quête d'audience, et le podcast d'un policier en perdition. Il fait aller la roulette sous son oreille de chauve-souris d'une légère pression du bout du gant. Il capte tout. Il entend tout. Et son esprit saturé de culpabilités, de présomptions et de vices s'ouvre aux horreurs dont on l'accable, et qui ne déclenchent rien chez lui. Rien, si ce n'est l'ombre d'un fantôme de sourire, un repli de lippe discrète.

La ville a peur.

Les criminels ont peur.

Il est en train de leur rappeler, à tous, qui il est vraiment.

Il est en train de manipuler l'esprit et les perceptions des foules, pour parvenir à ses buts. Il enclenche son propre Grand Plan, par-dessus celui des esprits criminels qui cherchent à dominer tout ce sur quoi il porte son regard.

Batman est là, dans la nuit. Loin au dessus de sa tête, le grondement sourd d'un énième orage en haute atmosphère, et la pluie battante qui couvre son saut de l'Ange, vers le pugilat et l'adrénaline, vers la sueur et les larmes, et le sang en fin de compte. Il est le monstre de la nuit de Gotham. Et il n'est plus seul. Dans son ombre, dix, vingt, cent de plus. Toutes discrètes et silencieuses, qui se meuvent dans l'humidité froide et bétonneuse de la ville la plus grande du monde. Les ténèbres avalent ses enfants.

Avant que les cris ne se transforment en hurlements, et que le crime soit combattu par son reflet.

La pluie ne lave pas le sang. Elle le dilue.