Please chase the Penguin [Terminé - Intrigue I]

Mon cœur palpite à tout rompre lorsque je remonte les marches d’un vieil immeuble décrépi. J’avais un rendez-vous des plus importants, pour l’avenir de la Cour même. J’étais des plus excitées, et heureuses. Il y a bien longtemps que je n’avais plus déployé mes ailes. Jusqu’à maintenant, la Grande Maitresse de la Cour des Hiboux avait été une force discrète et silencieuse, qui s’était contentée d’observer et d’apprécier l’interaction entre le Bien et le Mal. Je ne m’étais pas mêlée des affaires de la police, de la pègre ou même du Chevalier Noir. J’avais voulu que la Cour soit oubliée de tous, que toute preuve qui pourrait nous remonter jusqu’à nous disparaisse.

Le temps du secret allait bientôt être révolu. Aujourd’hui, Nous allons être plus actives, changer la face de la Ville et rétablir l’équilibre. J’allais profiter d’un semblant de popularité, en tant que partenaire commercial de Bruce Wayne, et des revenus que ce partenariat allaient générer pour redresser le réseau d’information de la Cour. Il commence à être désuet, se basant sur des systèmes trop vieux ou sur des éléments humains à la fiabilité aléatoire.

Cependant, pour qu’un tel projet réussisse, j’avais à faire face à deux obstacles de taille : la GCPD – Gotham City Police Department – et le Maire officieux de la ville – Oswald Cobblepot. Si je voulais être les yeux et les oreilles de cette ville, je devais pirater leurs propres réseaux – ou les détourner à mon avantage, à leur barbe et à leur nez. Comment est-ce que j’allais bien pouvoir entourlouper le rigide et incorruptible Jim Gordon, et le rusé et intelligent Penguin ? Lorsque vous ne savez pas répondre à une telle question, et que votre compte en banque déborde de billets verts, de lingots d’or et d’objets rares, il n’y a qu’un seul endroit où chercher vos réponses : les détectives privés.

Par le plus heureux des hasards, il y a quelques années, j’avais déniché une perle rare dans les bas-fonds de Gotham. La demoiselle a un caractère retord, mais elle accomplit toujours un travail formidable. De surcroît, elle ne refuse pas les missions les plus difficiles, ou ardues, tant qu’elles sont bien payées.  Dès lors, je prends immédiatement rendez-vous avec la brunette, dans son bureau même. J’aurais pu la convoquer, mais j’ai ce sentiment qu’elle ne m’apprécie pas. Autant aller sur son terrain, là où elle se sent en contrôle, que de la trainer chez moi ou dans mon QG.

Le jour du rendez-vous, je me présente avec un tailleur blanc impeccable et la découpe parfaite. Mes ongles vernis d’un lustre transparent et brillant tiennent un petit sac à main noir. Celui-ci s’accordait parfaitement avec mes talons noirs vernis. Evidemment, tout l’ensemble était signé par quelques designers de renom et pouvait payer une année de loyers pour les logements les plus défavorisés de la ville. Est-ce que le scrupule ou la pitié m’étouffaient ? Aucunement. Gotham vous apprend à apprécier ce que vous avez, ou à arracher ce que vous n’avez pas à autrui. La loi était dure, mais elle forgeait autant d’esprits forts et solides.

- Mademoiselle Greeden, je suis heureuse de vous revoir, lui dis-je en mettant pied dans son bureau – après avoir toqué, évidemment. Entre temps, je lui tends ma main. Comment se porte vos affaires ?, demandai-je, davantage par courtoisie que par curiosité. Je prends place sur un fauteuil, et attends patiemment qu’elle me réponde. Lorsque nous en aurons fini avec ces formules de politesse, nous pourrions attaquer le véritable sujet de cet entretien : Oswald Cobblepot.

- Je vous remercie, mais je ne boirai rien. Je ne compte pas prendre trop de votre temps, répondis-je.

Cette femme est tout sauf courtoise. Je ne doute pas un instant que j’aurais droit à toutes les insultes possibles et imaginables si j’exige autre chose qu’un verre de bourbons. En effet, tout autre commande signifie qu’elle doit farfouiller dans ce bordel qu’est son bureau – ou son chez-soi. Il semblerait que nous partageons un même empressement, car voilà qu’elle demande ce que je désire.

- Je veux que vous espionner Oswald Cobblepot. .

Je me tais, et j’attends calmement ses premières réactions. Je ne demande pas une tâche aisée. L’homme n’est pas uniquement la tête pensante de la Pègre de Gotham, mais également le Maire officieux de la ville. En somme, il contrôle autant les criminels que les politiciens : il faut être prudent, donc. Le risque d’être attrapé, et potentiellement malmené – voir tué – est donc important. J’aurais pu confier la tâche à mes Ergots, mais je m’y refuse. Ils doivent être utilisé intelligemment, pour des tâches plus complexes ou plus dangereuses. De temps en temps, Samantha Vanaver doit se mouiller dans les affaires louches et non user uniquement de la Cour et de ses moyens …

- Il me faut des photos de lui, sous tous ses angles, c’est-à-dire expression, vêtements, positions et j’en passe. Si vous capturez des clichés avec ses rendez-vous, vous aurez un bonus supplémentaire naturellement. Enfin, et plus important, j’ai besoin d’avoir le maximum de détails sur son téléphone, allant du modèle, au fond d’écran, voire le code. Un gros bonus est offert si j’ai son agenda. Toutes ces informations doivent être fournies dans un délai d’un mois, maximum.

Entre temps, je me saisis d’un chéquier, déchire un feuillet, signe et la pose devant la demoiselle.

- Donnez-moi votre prix, qu’il soit malgré tout raisonnable par rapport à la tâche que je demande, et je l’inscris sans négocier. Vous l’encaisserez, lorsque j’aurais tout ce dont j’ai besoin.

Elle fait un boulot remarquable, il n’y a aucun doute. Par contre, elle peut être vite distraite par d’autres affaires. Je ne peux pas me permettre de perdre du temps. Ce dernier joue contre moi, avec le Penguin. Dès que je le rencontrerai, je dois m’activer pour aller au bout de mon plan ! Autrement, j’aurais à tout repenser. Car, il est impossible de préparer le même piège, à deux reprises, pour un homme aussi brillant que lui !

J’apprécie sincèrement Nalavia Greeden pour son éthique professionnelle, et surtout ses ambitions. Elle ne refuse pas un travail par peur de perdre un bras, un œil ou sa vie tout bonnement. Par contre, il m’est arrivé de reconsidérer cette passion. N’est-elle pas davantage une junkie du risque, vouant un amour inconsidéré et suicidaire au danger ? Je sais que certaines personnes aiment frôler la mort pour tout l’adrénaline qu’une telle expérience offre. Enfin, quelles que soient ses motivations, elles me sont bien utiles. Aujourd’hui, cette détective est l’une des rares personnes à qui je peux confier des missions capitales, qu’importe que ce soit pour mon compte personnel ou pour la Cour.

Alors, lorsqu’elle prononce le nom de mon futur ennemi, allié ou pion, je comprends que l’idée la séduit. Elle va accepter. Mes soupçons se confirment lorsqu’elle attaque directement les questions pratiques de la mission – montant, date de paiement, l’anonymat de sa clientèle ou encore demande de clarté sur ma requête. J’obtempère et range ce chéquier dans mon sac. Il y a bien longtemps que j’ai cessé d’argumenter avec cette dernière, notamment sur des acomptes afin qu’elle puisse se permettre de payer quelques dépenses ou frais – ou tout simplement un soutien supplémentaire au cas où la situation se corse. Je ne peux pas dire d’où lui vient toute cette assurance, mais je ne suis pas sa mère non plus : elle est assez grande, et responsable en théorie, pour prendre ses propres décisions.

- Précisément, au vu de la réputation de cet homme, vous me sembliez la plus adéquate pour une telle tâche. J’ai besoin du meilleur, de la crème de la crème des détectives privés. Je vous prie de ne pas trop vous inquiéter à mon sujet : je sais aussi me protéger.

Il sera aisé de tenir Oswald à distance, pour un temps. Le secret pour s’en débarrasser – ou s’en accommoder – est de trouver les bons arguments, ou les bonnes alliances. Il est un homme d’affaires avant tout, et non un psychopathe erratique comme le Joker ou tordu comme le Sphynx. Il sera aisé de trouver un terrain d’entente, basé sur des concessions et sur des gains.

- J’ai besoin de connaître toutes ses habitudes, allant de son dressing code à ses restaurants préférés, le nom de ses banques aux maîtresses qu’il se tape. Son téléphone m’importe beaucoup, que ce soit le modèle, la couleur, le fond d’écran et tout code que vous pourrez grapiller. Son agenda est également très important, c’est-à-dire toute personne qu’il rencontre, tout rendez-vous qu’il pourrait avoir. Bref, toute information personnelle que vous pourriez grapiller en le suivant, en fouillant son lieu de travail ou encore son domicile même. Je sais qu’il n’est pas un homme aisé à approcher, alors je dirais que je serais déjà bien heureuse que vous arriviez à l’approcher pour quelques informations ou clichés sans vous faire avoir, ou vous faire tuer, conclus-je.

Mes ergots sont des êtres complexes, couteux et surtout extrêmement difficiles à maîtriser. Leur but premier est la violence et la mort. Les rares à se maitriser me servent pour d’autres taches, plus sensibles, plus importantes, ainsi que ma protection directement. Je ne peux pas me permettre de dévoiler aussi légèrement leur nature première. Ils sont mes Jokers, lorsque tout ira mal et que mes ennemis penseront que je n’ai plus aucune carte à jouer. En somme, ils sont mes Précieux que je chérie, et protège.

- Il semble que nous avons un accord. Avez-vous d'autres questions ?