Un ange passe... ♦ Ft. Aleck

Michel n'avait pas prévu que sa vie et celle de Roxanne se télescopent mais force était de constater que c'était finalement bien arrivé.
Zatanna s'était montré raisonnable, sans grande surprise mais Monsieur Lockwood, c'était tout autre chose. La découverte de la cohabitation d'un ange avec son amie Roxanne passait difficilement. C'est pourquoi il lui avait donné rendez-vous ce midi en prenant sans doute sur sa pause déjeuner. Michel préférait revoir l'enquêteur avant qu'il ne revoit Roxanne. Si l'archange souhaitait conserver le secret de sa présence en Roxanne, il allait falloir convaincre cet homme... Ou trouver une autre solution. Michel n'en manquait pas, mais la plupart lui ferait enfreindre les règles ou ses propres valeurs.

L'ange marchait sur la promenade en bois le long de la plage pour rejoindre ce bar tiki qui servait à cette heure ses sempiternelles boissons dans des noix de coco mais aussi des tapas, ces petits plats pleins de petits montages d'aliments à grignoter. C'était amusant de voir comme le cadeau de l'imagination avait poussé à créer des choses dans tous les domaines, jusqu'à ces petits plats ou ces verres où ils avaient pris goût aux mélanges. Bon, dans ces mélanges il y avait l'alcool qui hélas faisait des ravages.. mais ça, on savait à qui ils le devaient et étrangement, la modération avait moins imprégné les mortels que l'imagination.

Monsieur Lockwood était déjà au bar et il attendait avec un verre à la main. Michel se dirigea donc droit vers lui sans autre flânerie, de toute façon, flâner était un luxe qu'il ne pouvait pas tant se permettre lorsqu'il prenait le contrôle de Roxanne, l'idée étant de lui rendre son corps dès que possible.

« Bonjour Monsieur Lockwood. Je vois que vous êtes en avance. » l'archange observa les quelques personnes présentes dans ce lieu qui était moins populaire en cette saison, même si le soleil automnal avait attiré quelques employés de bureau en quête d'air frais pour leur pause déjeuner. « Souhaitez vous que nous prenions une table à l'écart ou que nous allions marcher un peu ? »


«  Bonjour Plumette… comment allez vous ? Vous et vos alters ? »
En ramenant le regard bleu vert de Roxanne sur Aleck, l'ange vit cette main tendue qui élargit son sourire, malgré le petit nom qui ne se voulait probablement pas des plus accueillant, le geste l'était lui et Michel prit celà comme encourageant pour la suite.Il/Elle prit donc cette main tendue et la serra avec douceur. « Je vais bien, tout comme Roxanne. »
Michel prit le verre proposé, à l'odeur, il contenait de l'alcool et s'il se fiait aux savoirs de Roxanne. « Je vous remercie pour cette Pinacolada. » et l'ange le suivit, ôtant les chaussures de Roxanne avant d'entrer sur le sable, les talons, ça n'était pas pratique sur un sol aussi meuble. Malgré la fraîcheur automnale, le contact du sable sous la plante de ses pieds était agréable, le soleil haut dans le ciel à cette heure en avait réchauffé les grains. Les vas et viens de la mer créaient un rythme mélodieux et il suffisait de s'y concentrer pour ne presque plus percevoir les sons de la ville.

Le silence qui s'installa durant leur petite marche ne déplaisait pas à l'archange. De toute façon, il était habitué à être observateur, c'était même ce qu'il était la majorité du temps. Et puis, ainsi il pouvait profiter pleinement de cet endroit qu'il avait façonné avec ses frères, un endroit qui lui rappelait avec une certaine nostalgie la beauté qu'ils avaient voulu offrir aux hommes... ils auraient pu être tous si heureux... s'ils avaient fait les bons choix.

Ils se stoppèrent en haut d'une dune où l'inspecteur avait installé un pique-nique, avec cette vue sur la mer, celà avait tout d'une scène romantique d'un de ces films qui tournaient parfois sur la télévision de l'hôpital les après-midi où Roxanne était trop shootée par les médicaments pour faire autre chose que de se laisser hypnotiser par la télévision.

« Vous avez choisi un joli cadre Monsieur Lockwood. » et c'était sincère, de toute façon Michel ne mentait jamais. Il/Elle s'installa sur la couverture après avoir épousseté ses pieds et s'asseya avec élégance, sur les genoux puis décala légèrement son bassin pour mettre les pieds un peu sur le côté. Aleck laissa un sourire fleurir au coin de ses lèvres, celà était bien mieux que son air revêche de la veille.
« J'imagine que vous avez de nombreuses questions et que vous avez un point de vue personnel à me partager sur la situation, alors je vous écoute. »

L'homme l'avait rejoint sur les large couverture et déballait de son sac des boîtes aux contenus divers pour le repas. Rien d'extravagant mais de mémoire les papilles de Roxanne appréciait ces mets et Michel avait appris avec le temps à aimer certaines cuisines, qui ne valaient pas la perfection de la Cité d'Argent mais il fallait savoir trouver la satisfaction dans les petites choses. «  Je peine à concevoir que vous êtes bien un ange possédant un corps humain…, mais je vais essayer… de l’imaginer. Dans ce cas, pourquoi un être potentiellement divin aurait fait ça ? Pourquoi Roxanne et surtout … si vous êtes un ange, pourquoi ne lui avoir pas donné une vie plus agréable ?  »
L'effort d'imagination était louable même si, étant la vérité, il devrait tôt ou tard "admettre" cet état comme réel, surtout s'ils venaient à collaborer durant les prochains mois.
« Celà fait déjà beaucoup de questions, mais je vais m'efforcer de vous éclairer.» Michel posa son verre, creusant légèrement la couverture et le sable dessous pour le caler. « Pour votre première question, je puis seulement vous dire que pour qu'un ange entreprenne une telle action, c'est qu'il est convaincu de la nécessité de sa quête. Le but que je me suis fixé, n'est hélas pas du ressort des mortels.» Michel ne se faisait pas d'illusions, la grande majorité des humains n'aimaient pas ce type de réponse, pourtant certains dangers étaient trop grands pour être exposés aux humains. « J'ai rencontré Roxanne alors qu'elle venait de naître, son âme était déjà en chemin mais elle s'accrochait comme une forcenée pour retourner à son corps de nourrisson, elle avait une détermination hors du commun pour cette vie à laquelle elle n'avait même pas encore eu le temps de goûter.» Un sourire incroyablement doux étirait les lèvres de l'ange. Michel avait une profonde affection pour cette femme dont il partageait le corps. Même s'il la grondait souvent dans son esprit, même si elle faisait trop souvent les mauvais choix... cette âme si jeune et si pure à l'époque, il en était... les mortels diraient peut-être qu'il en était tombé amoureux, même si pour l'archange la notion était différente mais tout aussi profonde. Il l'avait aimé instantanément car à ses yeux elle faisait honneur au cadeau que Père avait fait à ces enfants. « Sa détermination m'ont laissé penser qu'elle serait la meilleure candidate pour que son esprit ne se soit pas morcelé par une possession. Sa soif de vivre, d'exister est sa plus grande force. Et c'est aussi pour ça que j'évite le plus possible d'interférer dans sa vie. Ce serait la mépriser que de faire les choix à sa place pour lui rendre la vie plus facile, ce serait insulter sa détermination et son désir d'être un être à part entière.» Michel laissa le silence s'installer, observant le visage de l'inspecteur sachant qu'il venait de lui détailler de nombreux éléments pas toujours facile à intégrer pour un mortel.

Si les voies de son père étaient impénétrables, alors celle des anges étaient des secrets. Des secrets car même sans pouvoir tout connaître des buts de Dieu, ils en savaient déjà bien trop pour être partagés à ses plus jeunes enfants, ceux qui par leur choix dans le beau jardin, avaient opté pour une épreuve permanente... Un choix qu'ils avaient fait sans en porter le souvenir mais qui régissait aujourd'hui leur existence, un choix, dont nul ange n'avait le droit de les priver... nul démon non plus.
« Ce but dépasse ce monde, alors, non, il ne peut vous être expliqué Monsieur Lockwood.   »
Comment évoquer à un mortel les enjeux d'une apocalypse ? Soit il prendrait peur en se disant qu'elle risquait d'arriver demain, soit il ne comprendrait pas l'urgence de son intervention en comprenant qu'elle n'était pas destinée à arriver de son vivant mais dans plusieurs générations ...  Comment pourrait-il comprendre la nécessité d'une présence "discrète" sur Terre pour surveiller les agissements de l'Enfer et les plans tortueux de son frère Lucifer.

Mais là n'était pas sa seule question, il en avait pléthore et il était autant visible qu'il peinait toujours à comprendre et accepter ce que Miss Zatarra et Monsieur Constantine avaient pourtant attesté, qu'il s'inquiétait pour Roxanne et que là semblait sa principale motivation pour essayer de comprendre. Alors l'Archange lui expliqua avec la même franchise dont il avait fait preuve avec Diana, les raisons du choix de Roxanne et le point d'honneur qu'il mettait à ne pas interférer dans sa vie et ses choix... même si par la force des choses, celà avait finit par arriver... tout comme ses quelques interventions sur ce monde.  Pour le moment, père ne lui avait pas coupé les ailes pour ces franchissements de la ligne... Alors, Michel ne pouvait que convenir qu'il ne les avait peut-être pas franchies ou que ses buts étaient plus importants, y compris pour la Source que ses propres règles.

Le sourire de Aleck lui donna un espoir qu'il comprenne mais il s'effaça aussi vite qu'il était apparu alors que Michel continuait son explication et à l'incompréhension succéda la colère. L'ange ne dit rien lorsque l'inspecteur posa son assiette sans grande douceur, ni quand il se leva et lui tourna le dos dans un espoir vain de calmer cette colère qui l'étreignait.

Les exemples que donnait Aleck étaient bon et pourtant faux à la fois, puisque sans qu'il le sache et sans que Roxanne le sache, Michel était légèrement intervenu sur ces faits, autant pour la sortir d'un hôpital psychiatrique qui ne pourrait aider l'adolescente qu'elle était, ni l'adulte qu'elle était devenue, que pour les drogues pour lui éviter de mourir de l'overdose qu'il pressentait et après ça pour tenter de lui rappeler les mots de ce Victor auquel elle croyait plus qu'en aucun Dieu... à tort mais celà l'avait aidé à en prendre moins. L'ange ne pouvait faire plus et d'une certaine façon, c'était même déjà beaucoup trop.

Par contre, Michel ne pouvait que balancer négativement la tête à l'accusation de Aleck. Non, le mépris aurait été de formater la vie de son hôte pour qu'elle colle à ses propre valeurs, pour son confort physique ou pour qu'elle croit en qui elle devait !

Si Roxanne était tombée dans la drogue, c'était pour faire comme les autres, pour s'intégrer à un groupe d'individus peu recommandable, parce qu'à cause d'un père qui lui reprochait la mort de celle qu'il avait aimé, elle avait ressenti le besoin d'appartenir à un groupe dans l'espoir de se sentir moins seule, moins abandonnée. Pour l'hôpital... certes... Michel craignait d'avoir sa part de responsabilité là dedans, il avait même craint qu'elle ait pu avoir des souvenirs flash de ce qui s'était passé après cette longue prise de contrôle. Il avait été rassuré de savoir qu'il n'en était rien et il lui avait fallu du temps avant de comprendre son rôle dans cet internement et de faire le choix d'aider la petite à en sortir plus vite. Pour le second, elle aurait sans doute pu l'éviter si elle ne s'était pas évertué à casser le nez d'un de ses soignants et à agir "comme une folle" selon ce même docteur...
Quant à être une présence, un confident... oui, parfois Michel avait ressenti cette envie puis il avait pensé à tous ces autres enfants d'argiles qui n'avaient pas d'Ange gardien autre que ceux qu'ils trouvaient parmi les leurs, ou quelques anges croisés sans le savoir pour mettre un message qu'ils voyaient ou non sur leur chemin... Cela il l'avait fait, en mettant quelques prospectus sur sa table basse, ou en ouvrant le vieux bottin à la page des psychiatres pour tenter de l'aider à surmonter son deuil et les conséquences de vivre avec un père qui ne pourra jamais vous aimer...

A écouter l'inspecteur soliloquer le regard vers l'horizon, il devait le penser insensible à la vie que Roxanne s'était choisie... il ne voyait rien de plus qu'un parasite, un démon, usant du corps d'un humain sans vergogne dans le seul but de l'user jusqu'à la moelle. Pourtant, il n'en était rien. Michel aimait sincèrement Roxanne malgré ses choix douteux et ses erreurs. Un jour, elle mourra et ce jour là, Michel savait qu'il accompagnerait cette âme et il lui offrirait un jugement équitable qui tiendrait compte de ce sacrifice involontaire qu'elle faisait pour lui et il espérait sincèrement pouvoir lui ouvrir les portes du Paradis malgré ses erreurs. Oui, il espérait pouvoir offrir ce cadeau en remerciement... et si ses péchés étaient trop grands alors Michel irait plaider sa cause auprès de père... ou... de Lucifer s'il devait en arriver là.

Et après l'insulte et le mépris, Michel se retrouvait maintenant accusé d'hypocrisie. S'il n'avait pas tant entendu d'horreur sur les siens et sur père depuis des centaines d'années, sans doute se serait-il offusqué au lieu de sourire. S'il n'avait pas vu cet homme aider Roxanne, il aurait peut-être pris cette colère pour lui. Mais l'ange voyait au-delà de l'insulte, au-delà des émotions qui mettaient l'esprit du policier à rude épreuve. Et, ce souhait qu'il formulait était un bel espoir quoique un peu naïf aux yeux d'un être céleste, d'un être observant et réfléchissant à la globalité. Même lorsque Michel jugeait une âme, il ne la jugeait pas fait par fait, mais l'ensemble des actions, motivations et choix de l'individu, l'ensemble d'une vie. C'était ainsi que certaines erreurs pouvaient être pardonnées. C'était sans doute pour celà, que lui-même avait encore ses ailes.

Aleck s'était finalement de nouveau tourné vers elle/lui, et était parvenu à calmer sa voix, sa colère semblait avoir brûlé toute la chandelle à la mèche de ses mots. Devait-il l'apaiser davantage pour un échange plus serein ? Non, ce serait agir sur l'un de ses enfants pour son propre confort, une motivation indigne d'un ange.  
« Je suis heureuse de voir que la vie de Roxanne vous importe. Elle a besoin de personnes qui tiennent à elle et qui sont prête à la pousser dans une meilleure voie.» c'était d'une sincérité totale et heureusement, la jeune femme comptait encore trop peu de personnes qui se souciaient réellement d'elle pour voir ce qu'elle cachait à la majorité, même à sa propre famille de coeur.
« J'ai compris que vous voudriez que j'endosse ce rôle, mais 'il n'est pas le mien. Sachez que je ne méprise pas Roxanne, je la respecte en tant qu'être pensant digne de faire ses propres choix. Si j'étais hypocrite comme vous le suggérez, alors oui, je l'aurai manipulée pour qu'elle ne pique pas son bras au point d'embrouiller son esprit et les sens que nous partageons, pour ne pas que mes propres actions soient impacté par les symptômes de son manque. Je l'aurai conduite sur les chemins qui m'étaient les plus utiles, les plus favorables, j'aurais mis une croix autour de son cou et l'aurait envoyé présenter plus souvent ses honneurs à père dans une église, tout en me targuant de le faire pour son bien. » Oui, l'hypocrisie serait d'agir pour son propre confort, pour conformer Roxanne à ses propres valeurs et croyances. « Mais celà, je ne le ferai pas. Ce qui à conduit Roxanne à la drogue, ce n'est pas ma présence, mais le monde autour d'elle et son incapacité à choisir une autre réponse à un mal être qui ne m'est pas imputable. Quant à ses séjours en hôpitaux psychiatriques, vous serez peut-être rassuré de savoir que je l'ai aidé à les écourter. Lorsque j'estime avoir ma part de responsabilité dans ce qui lui arrive, je tâche de "réparer" autant qu'il m'est possible de le faire, le plus discrètement possible. Si elle prenait conscience de ma présence Monsieur Lockwood, que pensez-vous qu'il se passera ? » c'était une question dont Michel avait déjà débattu avec lui-même, il pouvait donc déjà lui apporter la réponse. « Elle se demandera qui elle est, si ses choix et ses actes sont dictés par sa propre volonté, ou influencés par ma présence. Elle se mettra alors à douter de toutes les décisions qu'elle à prise à douter de sa capacité à en prendre seule, à avoir encore un pouvoir sur sa propre vie. Elle pourrait même penser, que son destin était de mourir ce jour-là, elle pourrait même finir par se considérer elle-même comme une simple "voiture", ce qu'elle n'est pas à mes yeux quoique vous en pensiez. J'aime Roxanne, comme j'aime chaque enfant de la création, je l'aide et la protège lorsque je suis responsable de ce qui lui arrive, mais je me refuse d'interférer plus dans sa vie, sinon, par équité et justice, je devrais le faire pour chacun d'entre vous. Voulez vous que j'influence votre vie Monsieur Lockwood à chaque instant ? Que j'efface des choix de votre arbre des possibles pour la simple raison qu'ils ne correspondent pas à mes valeurs ?»

Comparer les humains à des enfants, l'analogie n'était pas mauvaise même si dans le ton de l'inspecteur, Michel se doutait que leur point de vue sur la question divergeait un tant soi peu.
Bien sûr il y avait des nuances et des parents mortels veillaient un peu différemment de ce que les anges pouvaient se permettre. Même si certains d'entre eux auraient voulu réparer les erreurs des hommes pour rendre ce monde meilleur, là encore, ce n'était pas leur rôle et les règles du jeu étaient claires, au moins là dessus.

Michel observait Aleck, le voyant perdre de cette colère qui semblait avoir consumé la mèche dans un éclat d'étincelle pour devenir... une forme de résignation ? De découragement ? De la déception oui... celle de comprendre que les prières n'auraient jamais l'effet espéré, celui de voir leurs erreurs effacées, leurs caprices exaucés. Mais ce n'était pas en effaçant les fautes qu'on apprend aux enfants les mots "responsabilités" et "conséquences".

L'homme revenait vers l'ange, mais il n'en avait pas fini et la suite était plus problématique. Pas sur le fait que leur avis divergeaient sur la réaction de Roxanne, même si Michel pensait mieux la connaître et donc mieux pouvoir prédire les réctions de la femme qu'il avait vu grandir. Mais à cause de cette simple phrase : " Sinon, je m'en chargerai"... Le visage de l'archange se ferma un peu et son regard se baissa un instant sur cette bouteille de vin que le policier avait décidé de déboucher.

Il avait raison sur un point, Roxanne n'était pas idiote mais elle savait aussi être butée quand elle s'y mettait. Il suffisait de voir les nombreux efforts de sa grand-mère pour l'orienter vers une meilleure voie... des efforts rarement couronnés de succès même si elle était parvenue à inculquer quelques bonnes valeurs à sa petite fille à force de répétition et de temps. Mais vu la situation dans laquelle était plongé Gotham, ce chaos jusque dans les actions de celui qui était censé être le justicier de cette ville, celui auquel Diana voulait qu'il vienne en aide... et cette menace d'Enchantress de The Darkness... les agissements de Maria... tout tendait vers un chaos de plus en plus profond. Un chaos qui rendait ce monde de plus en plus propice aux agissements des démons et celà pouvait ressembler aux prémices du dernier acte de ces mondes, ce fameux climax que Michel devait empêcher. Alors avait il le temps d'inculquer à Roxanne ce que sa grand-mère avait échoué à faire en trente années ? Sans compter de l'aider à surmonter le traumatisme, le rejet et...comme Michel n'était pas un démon, il devrait regagner auprès de la jeune femme son accord pour rester... tout lui dire c'était prendre le risque de tout faire échouer et de tout devoir recommencer de zéro ou chercher et trouver une nouvelle voie... Mais un ange ne pouvait se déguiser suffisamment pour entrer en enfer... a moins... de perdre ses ailes et d'apprendre le mensonge mais comment faire sans chuter vraiment ? Non, la terre était le seul plateau de jeu d'où les anges pouvaient suffisamment se rapprocher de l'Enfer pour tenter de percer à jour leurs tricheries dans le grand jeu du Tout puissant !


Pour ce qui était de toutes les autres interrogations de l'inspecteur, Michel pouvait lui accorder un peu de ce temps, même si chaque heure était une heure d'absence pour Roxanne mais c'était une heure où elle était censée dormir encore alors celà ne devrait pas trop fortement l'impacter.

Michel releva les yeux à la proposition de l'inspecteur qui usait à nouveau de ce surnom semblant vouloir user d'humour pour détendre l'atmosphère, ou plutôt se détendre lui-même puisque Michel était parfaitement calme. L'archange fit le choix de ne pas s'en formaliser, si celà aider l'inspecteur à avoir une impression de contrôle dans le chaos qui devait avoir pris place dans son esprit. Les mots avaient du pouvoir et au moins ceux ci aussi insultants puissent ils être n'en avait pas sur lui. Michel accepta le vin et prit le temps de laisser le liquide imprégner les papilles de Roxanne pour en tirer chaque nuances et chaque saveurs. Ce n'était pas le plus divin des crus mais une bonne bouteille assurément, l'ange en eut un sourire fugace mais qui s'atténua lorsqu'il dut formuler la demande la plus importante de ce pique-nique sans aucun doute : celle de la patience pour ne pas risquer tout le travail de l'archange sur un coup de tête et si Monsieur Lockwood n'en démordait pas alors... l'ange serait lui même face à une grande question. Empêcher l'inspecteur de dévoiler son secret ou prendre ce risque au nom du sacro saint libre arbitre des mortels.


L'inspecteur accepta d'essayer d'organiser sa pensée. Une bonne chose assurément, l'ordre était tellement plus harmonieux que le chaos ! Et en tant que policier, il devait savoir mener un interrogatoire en prenant soin de choisir l'ordre de ses questions afin d'obtenir les réponses dont il avait besoin pour mener à bien son enquête. Peut être que l'ange aurait dû craindre ce talent d'enquêteur mais il était un archange et était en paix avec sa conscience et ne craignait pas plus de devoir répondre d'un simple "non" si la question est inadéquate.
Et la première question revenait sur cette notion qui semblait être celle qui perturbait le plus Aleck, sur l'instant du moins. Le "pourquoi" de ce secret et si l'agent de police sous-entendait que c'était la peur qui animait son choix, il se fourvoyait puisque c'était avant tout une question de respect, comme il le lui avait déjà exposé.

Mais de toute évidence, pour l'homme, s'efforcer d'offrir à une personne la vie la plus "normale" possible n'était pas une forme de respect... soit chaque enfant de cette Terre aimait mettre sa propre définition sur les mots ou y apporter des nuances personnelles. Et après, ils se demandent pourquoi ils peinent tant à communiquer et se comprendre. Oh, il évoquait l'irrespect de la possession. Oui, en celà on pouvait en voir, comme les démons qui prenaient n'importe qui n'importe comment ! Or, Roxanne avait accepté, son âme avait accepté de rentrer accompagné de l'archange mais la Roxanne éveillée et adulte n'en avait pas le souvenir, seule son âme portait cette mémoire mais les hommes ne savent plus l'écouter. Et c'était peut être mieux ainsi, car sachant qui vivait en elle, sachant qu'un ange gardien s'efforcerait de la garder en vie... que ferait elle ? Sinon se mettre encore plus en danger ou voir le moindre de ses choix guidé par le fait d'avoir cette autre présence en elle ?
Et combien de questions se poserait-elle alors sur ses choix passés ?
Non, lui dire c'était mettre fin à la paix de son esprit.... ou ce qu'il en restait.


Ce qu'aimerait Michel n'entrait pas en ligne de compte, un ange ne pouvait être possédé et qu'en bien même, son niveau de connaissance du monde rendait cette question absurde. Lorsqu'on a autant conscience de l'univers, les choix, les besoins sont si différents de ceux des êtres d'argiles. L'ange offrit un sourire bienveillant malgré l'insistance de l'inspecteur et son accusation d'un manque d'empathie. S'il savait que chaque parcelle de ses émois étaient la ligne du livre qu'il était. Il n'oserait alors plus ressentir, plus être lui-même... comme Roxanne ne serait plus penser sans prendre en compte l'Archange dans sa vie, si elle venait à apprendre qu'il coexistait avec elle.

« J'ai plus d'empathie que vous ne le pensez Monsieur Lockwood, mais les réponses émotionnelles, ne sont pas toujours celles qu'il est bon de suivre. » certaines pour les plus extrêmes menaient aux crimes les plus atroces parfois. C'est en se laissant déborder par ses émotions, par le mirage de déchéance dont elles parvenaient à convaincre l'esprit que certains hommes rentraient chez eux un soir et mettaient fin à la vie de leur femme, leurs enfants avant de retourner leur arme contre eux, pensant ainsi les accompagner, alors qu'ils finiraient dans les contrées maudites de son frère tant aimé. Lucifer aussi avait laissé sa sensibilité entraver son esprit et son obéissance en leur Père tout puissant ! Quelle hérésie... quelle tristesse... Tant d'amour gâchés par des émotions. Mais celles-ci peuvent aussi offrir de belles choses, des gestes anodins et pourtant porteur d'un grand altruisme, des œuvres vibrantes et porteuses de grands messages !

Michel vit les yeux de l'inspecteur se porter vers les cieux, pourtant, il n'y avait nulle prière dans ce geste, seulement le signe de l'agacement que l'ange pouvait percevoir par d'autres sens. Et ce geste qu'il eut de mettre une tomate dans sa bouche, comme s'il lui fallait un moyen de museler ces fameuses "émotions" fit sourire l'ange. Il n'y avait même pas besoin d'être empathe pour lire en l'homme en cet instant.

« Nous n'avons de toute évidence pas le même point de vue, mais celà n'est pas étonnant, nous n'avons pas la même vision, ni la même connaissance de l'humanité. Je ne vous en blâme pas, au contraire, j'apprécie votre inquiétude sincère pour votre amie et croyez-le, je déplore les jours où ma présence à marqué sa vie, y laissant déjà trop d'interrogations. Je m'efforce de réparer ce qui découle de mes actes, mais je ne "dois" pas intervenir sur ce qui découle de ses choix et si elle apprends mon existence, ce ne sera plus possible; car ses choix seront alors influencés par son savoir de ma présence. Vous y voyez une tromperie, j'y vois la protection de son esprit et l'amenuisement de mon impact sur elle. Ce que vous appelez mensonge, n'est qu'une ignorance et ignorer n'est pas un mal.»

L'inspecteur avait au moins un peu apprécié le début de son discours, mais à mesure que l'archange déroulait cette pensée, certes difficile à comprendre et accepter pour les mortels, l'irritation et le cynisme gagnait autant son coeur que son sourire.
Pourtant, l'ignorance pouvait être un cadeau et accepter son ignorance est une preuve de foi. Michel ignorait les voies de l'Unique, comme tous les êtres de ce monde, ses premiers fils ne faisaient pas exception à l'ineffabilité de Dieu et de son projet et c'était grâce à cette ignorance, que chaque jour Michel découvrait et apprenait de la vie humaine, grâce à cette ignorance qu'il était libre de faire des choix, un choix qui le menait sur un chemin d'un équilibre précaire, qui risquait de lui coûter ses ailes s'il se trompait. Mes ses intentions ne devaient pas échapper à père, sinon, cette possession, à elle seule, les lui aurait déjà coupées. Et si l'archange connaissait déjà la finalité de ses actes, il ne pourrait alors plus prouver à la Source sa foi inébranlable en lui ! Qu'il pouvait être surprenant d'être omniscient et pourtant ignorant de l'ultime finalité et ce bout d'ignorance était un magnifique cadeau ! Michel reposa son verre pour prendre une petite tomate cerise, alors que Aleck prenait une gorgée de son verre. C'était amusant de voir qu'ils avaient sans le vouloir agit en miroir opposés, l'un faisant le geste de l'autre en inversion, mais avant de se voir réduit au silence par une petite boule rouge entre les lèvres, Michel posa une autre question.

« En quoi pensez-vous que détenir ce savoir rendra la vie de Roxanne plus douce ? » demanda l'ange avant de mettre le petit fruit qui était un légume aux yeux de beaucoup, dans sa bouche.

(il est étonné qu’il lui demande, mais le fait de bon coeur) « Puisqu’elle comprend une part de sa vie, qui lui manque. D’avoir pleine conscience de son libre arbitre et donc de vous laisser user de son corps en connaissance de cause et non être forcée contre sa volonté. Qu’elle peut se bouger le cul, afin d’avoir une vie moins destructrice, se reprendre, qu’elle n’est pas seule, bien au contraire et parfois cela change tout. Dû moins avoir l’opportunité de le faire et d’accepter tout ça et de jouer un rôle avec vous pour vos épreuves dont celle qui a justifié votre possession. Deux esprits forts sera sans doute mieux qu’un seul qui doit contrôler un corps qui n'est pas le sien et limité. enfin je suppose qu'un corps mortel, ça ne doit pas être la folie pour un être céleste. »

L'inspecteur marquait un point, suite à certains événements tragiques, Roxanne avait conscience qu'il lui manquait certains pans de sa vie. Michel en était le premier affligé, mais hélas, comme on dit, la nécessité fait loi...ou Foi, dans son cas personnel. Tout comme cette perte de mémoire provoquée, Michel devait aussi reconnaître que la possession en soit, impliquait une forme d'autoritarisme, même si l'ange agissait en douceur et uniquement en dernier recours lorsque Roxanne était éveillée... mais le monde et le chaos dans lequel il plongeait un peu plus chaque jour rendait plus régulier ces "recours".
« J'admet que ce procédé ne me plait pas pour les raisons que vous avez évoqué, même si je m'efforce toujours de faire en sorte que son esprit dorme lorsque je m'invite, mais comme vous semblez le savoir, il y a des exceptions où j'ai dû intervenir durant ses moments de conscience avec les effets secondaires que je regrette sincèrement. Et j'ai accepté d'agir pour lui faire "bouger son cul", que pour les éléments dont je suis en partie responsable. Sans quelques éléments judicieusement disposés dans son appartement, elle ne suivrait probablement pas une thérapie à l'heure qu'il est. Et chaque fois que ses internements la détruisaient plus qu'ils ne l'aidaient, je l'en ai sortie, en effectuant les tests et entretiens à sa place. » Michel ne jugeait pas utile d'expliciter les actions faites pour essayer de réparer ce qu'il jugeait être ses erreurs, il ne recherchait aucun félicitations ni remerciement quelconque. Mais comme Monsieur Lockwood semblait peiner à comprendre la fine limite sur laquelle l'ange devait jouer les équilibristes, peut-être que quelques exemples plus précis pourrait aider.
Ces points, Michel pouvait les concéder à son interlocuteur, mais pas la suite. SI Roxanne devait se "bouger le cul" pour améliorer la gestion de sa vie, elle devait le faire pour elle et non parce qu'un ange partageait son corps. Quant au fait de ne pas être seule, ce n'était pas dans la logique de ce libre arbitre justement.
« Mais quand vous dites qu'il serait bon qu'elle sache qu'elle n'est pas seule dans son corps "pour" qu'elle agisse pour son propre bien et se préserver, il y a là une frontière que je ne peux me permettre de transgresser aussi aisément que vous. Vous dites que l'informer lui offrirait le libre arbitre d'accepter ou refuser, c'est un fait, mais dans la suite de vos propos, vous dites vouloir que ma présence la motive à avoir une vie plus saine. Or, son libre arbitre, est justement dans le fait de le vouloir par et pour elle-même et non pour moi, ou ma quête. Vous venez d'exposer l'un des éléments qui me fait redouter qu'elle apprenne ma présence. Car justement, elle risque de ne plus faire ses choix pour elle-même et pour ou à cause de moi et celà, je m'y refuse.» qu'importe que les choix de Roxanne lui apporte le confort d'une vie plus simple ou d'une coopération, ou que ce soit tout le contraire d'ailleurs. « Avez vous imaginé que d'apprendre que je suis en elle, pourrait la conduire à prendre plus de risques encore ? Son comportement est déjà suffisamment autodestructeur sans qu'elle sache que je l'ai sauvé d'avoir été poussé d'une falaise il y a de celà quelques semaines. Je peux vous confirmer que vivre dans un corps mortel n'a rien d'une sinécure, mais mon confort n'a aucunement à entrer en ligne de compte. »


L'inspecteur l'avait écouté tout du long, d'un air parfaitement calme pourtant, Michel pouvait sentir un petit esprit de revanche gagner l'homme sur quelques points. Sans doute voyait-il en ses mots des perches pour tenter encore de le convaincre. Heureusement, les anges ont de la patience à revendre et il ne s'en formalisa pas, se préparant déjà mentalement à devoir expliquer, encore et encore, des concepts qui semblait le dépasser, mais comment lui en vouloir, son coeur était plein de bonnes intentions avec son hôte et au moins cherchait il à comprendre.
Mais la mention de la falaise l'avait inquiété, et Michel se rendit compte qu'il avait peut être trop parlé pour cette fois, puisque Lockwood l'interrogeait « Une falaise ? »

« Oui, mais ce n'est pas à moi de vous donner les détails Monsieur Lockwood.»

Au moins, l'ange n'eut pas à expliquer pour quelles raisons il ne souhaitait pas fournir des détails de la vie de Roxanne qui ne la regardait qu'elle ou plutôt dont elle était seule maîtresse du choix de les divulguer ou non. Sa formulation lui laissait même un espoir qu'il ait enfin compris et accepté de ne pas révéler à son vaisseau qu'elle avait disons... un copilote. Était-ce ainsi que les mortels faisaient ces images dont ils étaient si friands ?
Bref, cet espoir restait mince aux vues de l'émotionnel de l'inspecteur mais Michel le laissait mener ce pique-nique, comme il l'entendait, peut-être ainsi, l'homme serait-il un peu moins frustré à la fin, en se disant que son interlocuteur avait joué le jeu jusqu'au bout. Quoique, vu son esprit conflictuel et presque de revanche... l'homme devait avoir une âme de compétiteur et seule la capitulation de l'ange lui épargnerait la frustration... Michel en était désolé pour lui.

Mais la question suivante le surprit, elle manquait de clarté néanmoins quelle sorte d'influence ? Il voulait savoir si sa vie en Roxanne l'avait changé lui ? Un Archange ? Michel ne voyait pas comment celà pourrait être possible, du moins pas en le faisant souffrir de gourmandise ! Blasphème ! Par contre, il avait appris à découvrir et apprécier les aliments de ce monde. Autant ceux qui déversaient tout leur goût lorsqu'on croquait dedans, que ces vins où celà devenait presque un jeu d'essayer de deviner s'il avait un goût d'épice ou boisé, certains avaient même une note de pain toasté ! C'était amusant ! Ce qui l'était moins était la sensation de faim, même si elle n'avait rien d'insurmontable et certainement pas suffisante pour l'influencer vers la gourmandise !

Ce qui était moins agréable, ni pratique par contre, c'était ce que Roxanne infligeait à son corps par l'ingestion de ces drogues ! Cette perte de conscience, ce trouble des perception, et c'était sans parler des symptômes de manque ! Quel calvaire ! Heureusement que sa physiologie angélique l'aide à diminuer un peu les symptômes lorsqu'il prenait le contrôle pour combattre un démon... mais le reste du temps, il était bien obligé de laisser le corps de Roxanne subir, sinon... comment apprendrait elle qu'il fallait arrêter et même sans celà, ce ne devait pas être son choix, il n'était pas ici pour son confort.

Michel peinait à suivre l'inspecteur, et son exemple n'avait apparemment pas répondu à sa question, il lui reprochait (sans animosité c'était déjà ça) d'avoir traité de la gourmandise. L'archange pensait pourtant avoir réussi a usé de ces "métaphores" si chères aux mortels... mais de toute évidence, il n'avait pas dû s'y prendre correctement. Ou il n'avait pas compris le fond de la question de Monsieur Lockwood à cause de sa prise d'exemple justement ? Ah quoique, l'homme semblait en avoir tout de même tiré quelque chose. C'était à peu près ça, sans l'être tout à fait, peut être un jour réussiront ils à se comprendre du premier coup ? Ou Michel n'avait pas encore appris assez des humains pour réussir à se mettre à leur niveau de communication. Pour l'Archange il y avait une nuance importante à apporter aux propos du mortel, Michel connaissait l'humanité, comme il connaissait toute chose de ces univers, mais ce qu'il apprenait actuellement c'était "ce que ça faisait" de vivre cette vie là. Il l'apprenait au travers des yeux de Roxanne, il apprenait ce qu'on ressentait en s'enivrant ou en faisant toutes ces choses qu'un ange ne ferait pas en temps normal... et pour beaucoup les "subir" serait un terme bien plus adéquat. Peut être qu'il devrait user de l'image des policiers infiltrés... ils pouvaient tout connaître d'un gang dans leurs dossiers, mais ce n'était qu'une fois après avoir infiltré leurs rangs qu'il découvraient ce qu'impliquait émotionnellement, et humainement la vie et l'appartenance à ce gang... mais après l'échec de l'exemple gustatif, l'ange n'était pas certains que celà aide. D'une certaine façon, même cette expérience était un apprentissage de "comment communiquer directement avec un mortel" , ma Foi, celà était aussi passionnant qu'un tantinet frustrant.

Mais la plus grande leçon restait celle des émotions. Michel avait beau, comme tous les anges, être doué d'empathie, comprendre comment la tristesse d'un deuil conduit à l'automutilation ou pourquoi la simple vu d'un nez à la forme plus hébraïque pouvait mener à la haine la plus viscérale... ou dans les cours d'école, celà pouvait tenir à la couleur d'un cartable, ou une tâche sur une robe portée trop de jours d'affilé car un père n'avait pas fait la lessive à temps. Oui, vivre avec Roxanne lui avait appris à mieux appréhender ce qui se mettait en place dans ces moments, mais la gratuité de certaines méchancetés le poussait à craindre toujours plus l'influence démoniaque. L'influence voulu par son frère et acceptée comme faisant partie du jeu par leur père. Malgré la Foi inébranlable que l'archange avait en son créateur, il ne pouvait parfois retenir ses larmes de couler face à tels spectacle, lui qui avait offert tant d'amour aux mortels et à toutes les choses de ces mondes. Fallait-il à ce point goûter la haine pour retrouver la saveur de l'amour ? Oui ça devait tenir de ça, Dieu avait compris sans doute, que pour pouvoir vivre la paix, l'amour et la Foi, il fallait aux mortels vivre la guerre, la haine et le désoeuvrement. Sans doute était-ce pour celà qu'il avait offert cette latitude aux enfers et les anges devaient simplement veiller à ce que celà ne mène pas à la dernière bataille, avant l'heure. Heureusement, les mortels savaient aussi être capable de beaucoup de bonté et d'une grande beauté même dans de toutes petites choses c'était la preuve que l'espoir des anges n'était pas vain.

Tiens, l'homo magi adepte de magie du chaos n'avait pas abandonné son premier propos, et cette fois il usait d'un exemple pour tenter de convaincre l'ange à rallier son point de vue. Et heureusement qu'il l'avait prévenu car l'exemple était en effet détestable. Être comparé à un violeur était blasphématoire et avant que Aleck ne précise qu'il ne sous-entendait pas une telle comparaison, dans la gravité et l'amoralité de l'acte au moins, l'ange avait perdu pour un court instant son doux sourire.
Mis à part ce choix discutable de comparaison, les points soulevés étaient intéressants. Le premier, l'ange le balaya rapidement, l'exemple était très moralisateur et créait un effet de choc qui poussait à réfléchir. Néanmoins, l'inspecteur faisait une généralité, une fatalité, d'un cas. Combien de victimes restaient ignorantes du crime dont elles étaient l'objet ? Combien de criminel ne serait jamais arrêté ? Combien de mensonges, ne seraient jamais découverts ? Et tout ceci du vivant des protagonistes ou du vivant de Lockwood ? Une quantité bien plus grande qu'il ne pouvait l'imaginer sans doute. Alors lui dire que le fait que Roxanne apprenne un jour la vérité sur sa présence, aujourd'hui Michel avait certes un exemple de risque devant lui, mais ce n'était en rien une certitude, celà ne pouvait donc dicter son choix.

Le second était bien plus problématique et rongeait le coeur de l'ange, et chaque fois, il se répétait pourquoi il faisait celà et pour qui. La première réponse était pour empêcher l'apocalypse d'arriver avant l'heure et la seconde était pour la totalité des enfants de la création. Deux raisons qui allaient bien au-delà du risque de perdre ses ailes, et au-delà du sacrifice de devoir priver Roxanne de libre arbitre pendant le temps de prise de contrôle. L'ange sourit intérieurement mais son visage était plus soucieux et reflétait le sacrifice qu'il consentait mais qui échappait sans doute à ses fils. Ce n'était pas grave, il ne cherchait pas à recevoir de laurier, ni même de remerciement, Michel agissait par amour, voilà tout. Comme lorsqu'il estimait que l'ignorance était meilleure que le souvenir d'affrontement sanglant, violents et bien souvent vulgaire avec des entité que les mortels ne devraient jamais avoir à contemplé sous leur véritable apparence, tout comme un ange ne devait pas se montrer sous sa véritable forme à ses enfants, celà était trop grand. Le choix n'avait rien d'aisé, mais il devait être fait.
Et puisque cette solution n'avait rien de parfaite, il choisissait ce qu'il estimait être le "moins pire" des deux maux, pour Roxanne. Si elle venait à l'apprendre maintenant, son monde s'écroulerait pour se redéfinir sur de nouvelles bases et sa vie seraient influencée par un ange pour tout le temps qu'il lui restait à vivre, qu'elle accepte ou non de garder Michel en elle. Voilà ce que l'archange voulait éviter.

Monsieur Lockwood résuma l'argument le plus important aux yeux de l'ange en le classant sous cette différence de perception qui impliquait qu'aucun ne pourrait être convaincu par l'autre, très probablement. Et il se concentra sur l'autre argument, celui de l'exposition de Roxanne a une horreur qui n'est pas censé être de son quotidien. Si l'argument de l'inspecteur était valable, il comportait une faille qu'il ne pouvait connaître, tout comme il ne pouvait connaître les accords passés enfin, il n'était même pas question d'accord, on en discute pas avec une âme comme avec un être d'argile enfin de chair aujourd'hui, c'est davantage une forme d'acceptation inconditionnelle, l'acceptation d'accueillir un être supérieur est bienveillant et de lui offrir cette forme de vie commune sans condition. L'âme de Roxanne n'était pas l'âme d'une meneuse, elle s'était toujours placée sous l'autorité d'un autre : son père, Anton, Victor... aussi rebel pouvait être son esprit, elle se plaçait toujours en numéro deux. Même aujourd'hui, Victor n'était plus, la place de chef de leur petite famille recomposée aurait pu lui revenir naturellement et pourtant, elle avait laissé la place à Jason et fait le choix de se mettre "à côté" alors même qu'elle continuait à veiller sur eux comme Vic le faisait. Une âme de leader n'aurait pu accepté de la même manière que celle de Roxanne l'avait fait. Mais comprendre la communication des âmes n'était pas du ressors des mortels, ce savoir ne leur était pas dévolu et Michel s'approchait déjà des limites de la transgression. En vérité, il les avait déjà dépassées... si demain ses ailes étaient toujours là, alors c'était que père comprenait ses buts et lui pardonnait ou que tout ceci n'était qu'un élément qu'il avait déjà anticipé et qu'il souhaitait pour la réalisation de ses propres projets.

Monsieur Lockwood, ou "Rouky" comme aimait à dire Roxanne avec une certaine affection pour le lieutenant, semblait trouver de l'espoir dans ses propos, et lui évoquait l'idée qu'avec les arguments adéquat Roxanne accepterait la libération totale de son corps, jusqu'à cette obscurité dans sa mémoire, celle qu'elle évoquait avec le Docteur Crane comme étant des "trous de gruyère" ... Michel savait que Roxanne pouvait faire preuve d'un certain niveau de "sale caractère" ou d'entêtement parfois ne la menant pas toujours à faire les bons choix... Les belles intentions de sa "Nana" en avait si souvent fait les frais. Et puis, il y avait cette variable de dissonance entre l'âme et l'esprit justement dont Michel ne savait prédire justement les conséquences... "un ange, posséder un humain", c'était une première et pour une fois l'ange ignorait "réellement" quelque chose puisque c'était une "première" et il refusait de prendre pour exemple et acquis les possessions démoniaque puisqu'il agissait en accord avec l'âme du sujet, ce qui pour lui était une profonde différence.

« N'avez-vous jamais ressenti un décalage si profond entre ce que vous faites et ce que vous pensez vouloir ?»
« Cela se nomme la dissonance cognitive. » oui, c'était ce que disaient les psychiatres et autres médecins du cerveau mais ce n'était pourtant pas qu'une question de psychiatrie.
« En effet, mais c'est surtout ce qui se passe lorsque votre esprit est en désaccord avec votre âme, une forme d'incohérence qui rend votre être instable. Ce n'est pas parce que l'âme de Roxanne m'a accepté, que son esprit actuel le fera. Si c'était si simple, nous n'aurions pas cette discussion.»
L'inspecteur cligna des yeux peinant apparemment à intégrer ce concept. Qu'importe qu'il en comprenne tous les détails, l'important était qu'il accepte le principe, puisque Michel ne pourrait se permettre d'entrer plus avant dans les détails.
« Pour le reste...» le sourire de Michel s'atténua en songeant au risque de son acte et au fait d'avoir emporté Roxanne dans ce jeu. « Parce que j'aime chacun de mes enfants Monsieur Lockwood, je ne devrais pas être ici, tout court. Mais ma quête nécessité ce sacrifice.»

« Vous êtes ici et vous avez une colocataire, c’est ainsi. Et ce sacrifice vous met dans cette imposture de devoir prendre un corps… et de vivre avec l’esprit d’un autre que vous devez convaincre. »


« Que vous pensez, que je dois convaincre.» corrigea Michel.

Il prit une gorgée de vin, qui déposa sur ses papilles ce goût agréable. Puis ramena son regard sur Aleck avec sur le visage cette bienveillance toute naturelle qui adoucissait les traits de Roxanne.
« Alors, qu'allez vous faire Monsieur Lockwood ?»

Au fond, la question était là, l'inspecteur ne s'en rendait peut être pas compte, mais l'Archange pourrait tout simplement décidé d'influencé son ressentit, d'oblitérer sa mémoire ou d'écourter sa vie, et ajouter ainsi une transgression à la liste de celles qui n'avaient pour le moment pas encore coupé ses ailes. Mais s'il préférait le risque que représentait ce fils aux belles intentions, ce n'était pas par crainte du châtiment, un risque qu'il avait accepté le jour même où il avait rencontré Roxanne. Mais parce qu'accepter les règles mortelles et les expérimenter, c'était prendre ce risque là. Et pour reprendre une expression humaine "l'ange priait pour qu'il prenne la bonne décision" car elle serait lourde de conséquences. Tiens est ce que l'homme en face de lui stressait ou en ressentait-il de lui-même pour la première fois ?