Descente aux Enfers [Clark]

Descente aux Enfers

Ça sonnait comme le plan d’une personne désespérée.

Ça l'était probablement. Peut-être que le temps passé dans le multivers, les innombrables mondes que j’avais traversé et la chute de l’humanité sur Una m’avaient poussé dans mes retranchements. Cette planète que j’avais cru ne jamais revoir et que j’avais retrouvé après toutes ces épreuves, l’idée qu’elle soit prise pour cible par des envahisseurs me déchirait les tripes. J’avais adopté l’humanité, sur Una. J’avais cru passer le reste de mes jours dans ce monde et j’avais donné tout ce que j’avais pour former, fédérer et sauver les dernières poches survivantes d’humains qu’il restait.

Et je les avais tous vu périr sous les assauts des démons que nous combattions depuis des années.

Et depuis demeurait en moi cette angoisse permanente de voir à nouveau ceux que j’aimais tomber. Cette planète magnifique et tellement peuplée, je ferai tout pour la protéger. Mon sacrifice pèserait peu dans la balance s’il permettait de sauver ses habitants.

C’était peut-être pour cette raison que j’en étais venue à me mettre en première ligne dans le plan que j’étais en train de fomenter contre Enchanteresse. La raison pour laquelle j’en venais maintenant à envisager de pénétrer dans le monde des morts avec les dangers mortels que cela pouvait engendrer. Et Clark qui décidait de m’accompagner dans cette périlleuse mission… C’était de la folie.

Peut-être que j’avais quelque chose à me prouver. Peut-être que c’était aussi ma manière de m’assurer une bonne fois pour toute que les dieux ne m’avaient pas abandonné.

Ils n’avaient pas répondu à notre appel à Themyscira. Pendant un siècle, j’avais prié à la recherche d’un espoir auquel me raccrocher mais leur voix ne m’était jamais parvenue. Et aujourd’hui, alors que j’avais retrouvé mon foyer… Ils ne se manifestaient toujours pas. J’avais peur d’avoir fauté malgré moi. Avais-je perdu leurs faveurs ?

J’allais m’en assurer, quoi qu’il m’en coûte.

-Es-tu vraiment sûr de vouloir entreprendre ce voyage avec moi ? demandai-je encore fois à Clark. Il n’y aura peut-être plus de retour possible une fois dedans.

Cela me rassurait de cheminer avec un ami. C’était ma première expérience du genre et, bien que téméraire et déterminée, je ne pouvais nier que je redoutais ce qui m’attendait. Mais si l’Hadès décidait de nous garder dans ses entrailles, la Terre perdrait deux de ses champions. C’était un pari risqué. Nous avions volé jusqu’au sud du Péloponnèse, cherchant un objectif que nous n'avions pas tardé à trouver…

Je contemplais l’entrée de la grotte. Près d’elle trônait des animaux morts… Les scientifiques avaient expliqué ce phénomène par l'émanation de gaz mortels. Nous ne craignions pas ce phénomène, les poisons étaient inefficaces contre nous.

-Le soleil n’éclaire pas les enfers… Tu seras sûrement affaibli à mesure que nous descendrons… Écoute-moi bien, Kal. Ne bois ni ne mange RIEN, aussi appétissant soit ce que tu rencontres dans l’Hadès. Tu deviendrais aussitôt la propriété du roi des morts et son prisonnier pour le reste de ton existence.

J’avais emporté avec moi des rations militaires et de l’eau en abondance, mon bouclier et mon épée, ainsi qu’une cape dans laquelle me draper si j’avais froid. J’avais aussi pris des offrandes pour le seigneur des enfers et sa compagne, ainsi que pour le gardien à trois têtes que nous n’allions pas manquer de rencontrer. Le minimum pour voyager léger. Les légendes racontaient qu’il fallait des jours pour traverser le royaume et atteindre le palais d’Hadès et Perséphone… Quant à savoir si le temps s’écoulait à la même vitesse dans ce monde et dans le nôtre ? Nous verrions une fois sortis.

Si nous ressortions.

-Tu es prêt ? lui demandai-je.

Et après un dernier regard vers l’extérieur, je m’engouffrai dans la grotte.
Elle n’avait rien de particulier, si on mettait de côté l’odeur un peu particulière du gaz qui s’en échappait de temps à autre. Nous marchâmes, longtemps, cherchant le chemin et revenant souvent sur nos pas pour trouver la bonne route. Je laissai des entailles au couteau derrière moi pour baliser. Nous cherchâmes toujours à descendre et non à monter. Les enfers étaient souterrains et le palais d’Hadès se situait au plus bas du royaume. Des heures passèrent ainsi… Nous finimes par nous asseoir pour prendre une pause. Il régnait un calme glaçant dans ces grottes ainsi qu’une obscurité totale. Sans nos lampes nous n’y vérions rien.

-Tu sais ce qui nous attend ? Avant d’arriver sur la première marche des enfers, l’Erèbe, nous allons rencontrer le Gardien, Cerbère. Nous pouvons tenter de le feinter ou le combattre mais il n’est pas question de le tuer.

Le pouvions nous seulement ? Nous étions dans l’Hadès le concept de vie et de mort était extrêmement flou. Les légendes accordaient au seigneur des morts le pouvoir de ressusciter les disparus.

-J’ai amené quantité de viande pour le distraire. Si nous avons de la chance il sera trop occupé à dévorer son bien pour se soucier de nous et nous pourrons filer en vitesse. Sinon… Et bien, je suis assez douée avec les bêtes. J’arriverai peut-être à le calmer, qui sait ? dis-je avec un sourire confiant.

La bénédiction d’Artémis me prêtait quelques talents avec les animaux. Ce talent m’avait suivi dans le multivers, fonctionnerait-il avec un animal mythologique ?

-Comment te sens-tu ?

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-Je suis contente de t’avoir à mes côtés mon ami.



C’était sincère. J’y serai allée seule, sans hésiter, mais sa présence me mettait du baume au coeur.


Les olympiens n’avaient pas répondus à mon appel à Themyscira, j’allais donc venir directement à Hadès pour lui parler en personne. C’était un projet ambitieux, risqué, mais c’était le seul plan qu'il me restait. J’avais épuisé toutes les autres options.

-Tu aurais fait un superbe demi-dieux, lui dis-je avec un sourire amusé.

Il en avait tous les attributs et largement plus encore.

Sa question me rendit songeuse.

-Nous allons pénétrer sur la marche de l’Hadès… Le seigneur des morts y sera tout puissant et tu y seras affaibli. Penses-tu avoir le pouvoir de défier un dieu en sa propre demeure et de réussir à t'évader s'il veut te garder prisonnier ? lui demandai-je en relevant les yeux vers lui, curieuse. Un dieu… Et ses sujets, ajoutai-je l’air taquin.

Les enfers étaient peuplés par de nombreuses entités intelligentes.

Je laissai passer quelques instants, réfléchissant :

-As-tu jamais rencontré une divinité majeure, Clark ? Ce sera ta première fois ?

S’ils étaient affaiblis lorsqu’ils venaient sur Terre, dans leur monde ils nous apparaissaient au sommet de leur puissance.
Nous reprimes la marche, prudents, mais d’un pas assuré. Discuter permettait de briser le silence pesant des grottes et nous faisait oublier quelque peu la sensation oppressante d’être enfermés sous des tonnes de roche.

-J’ai affronté un olympien, une fois. Arès était convaincu qu’il pourrait raviver la foi des mortels par les feux de la guerre et rétablir la suprématie de son panthéon… Dans l’ombre et pendant des siècles, il a tiré les ficelles et amené le monde jusqu’à son point de bascule. Ton peuple a appelé ce événement la “première guerre mondiale”. Les autres olympiens, trop faibles pour se manifester longtemps dans notre monde et s’opposer aux noirs desseins, se sont tournés vers les amazones pour trouver leur championne.

Je me baissai pour me faufiler dans un boyau plus bas et me redressai quelques mètres plus loin.

-Cette confrontation avec ses séides et lui m’a coûté. J’étais mourante, les dieux m’ont sauvé in extremis. Tout ça pour dire… soufflai avec un petit rire. Tâchons de ne pas fâcher Hadès. Il est connu pour avoir un fort tempérament… Mais il est raisonnable et juste. Si nous parvenons jusqu’à lui, nous aurons une chance de la convaincre.


Je n’avais aucune idée de comment le dieu des enfers allait réagir à la présence du kryptonien. C’était une inconnue que je ne pouvais anticiper.

Je souris en entendant la référence au célèbre petit sorcier.

-Sais-tu à qui JK Rowling a emprunté la référence ? As-tu entendu parler du mythe d’Orphée et Eurydice ? J’ai hélas bien peur de ne pas avoir le talent exceptionnel du fils de Calliope.


J’hochai la tête.

-Ce sont les Erynies que je redoute le plus. Les persécutrices liront en nous, fouillerons dans nos esprits pour révéler nos plus sombres secrets. La culpabilité que nous avons ramené avec nous du multivers risque de les attirer comme un phare dans la nuit. La tienne surtout, Clark, au vu de la manière dont elle te consume. Elles incarnent la haine et la vengeance, elles vont chercher à te faire souffrir.

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J’hochai la tête. Je ne pouvais qu’approuver ses mots. J’ignorais si Hadès accepterait de nous recevoir et dans quel état d’esprit il serait.

“Puisse la lumière d'Apollon nous guider…”, priai-je.

-Tu ne resteras pas piégé ici, Clark. Lois t’attend à la surface, nous allons rentrer chez nous !  lui dis-je en tendant d’y mettre toute la conviction que je pouvais.

J’avais voulu l’avertir des dangers, lui donner les consignes de sécurité élémentaire, mais je ne voulais pas non plus le faire paniquer. Le simple fait de mettre les pieds dans le monde des morts était déjà bien assez angoissant.

Le lasso brillait à ma ceinture, répandant une douce lueur autour de lui.

-Tu as grandi parmi eux, une part de ton coeur appartiendra toujours aux Etats-Unis… Ce n’est pas ta nature ou ta race qui fait ton foyer, c’est l’endroit où tu t’enracines, où tu crées tes souvenirs, où se trouvent tes proches… L’endroit où tu te sens bien. Tu peux être chez toi partout. Regarde moi, lui dis-je en le gratifiant d’un sourire. Sculptée dans l’argile par une amazone, née des immenses pouvoirs de Zeus, bénis par six deités... Connais-tu une seule personne qui me ressemble sur cette planète ? Themyscira est mon foyer, j’y serai toujours chez moi, mais j’ai toujours été… différentes de mes sœurs.

Et ça n’avait pas d’importance. Nous avions tous une place en ce bas monde, un rôle à jouer.

Clark me faisait confiance aveuglément pour gérer la situation. Je n’allais pas lui dire à quel point j’appréhendais cette rencontre et ce que nous allions trouver. J’espérais vraiment être à la hauteur pour nous sortir de là. Je ne portais plus seulement la responsabilité de ma propre vie maintenant, je devais assurer la survie de mon ami.

Je souris au récit presque scolaire que me fit Clark de l’histoire d’Orphée et de sa moitié. Il avait raison de dire qu’il s’y connaissait en mythologie.

-Les Erinyes sont chargés de punir les criminels, ce sont des figures vengeresses. Les légendes disent qu’elles s’attaquent à ceux qui transgressent les lois de l’ordre moral… Assassins, parjures, offenseurs de dieux… Ce n’est pas toi qui a source de colère, Clark, ce sont elles. Si nous avons la malchance de les croiser, elles pourraient être tentées de sonder notre âme.

Et qui sait ce qu’elles lieraient en nous ? A moi qui avait usurpé le titre de déesse pour guider un peuple et qui l’avait conduit à sa ruine, à Clark qui portrait le deuil d’un monde tout entier… Notre culpabilité pourrait nourrir leur rage.

-Elles peuplent l’Erèbe, la première strate des enfers. Les romains les appelaient les “Furies”. Avec un peu de chance, nous ne croiseront pas leur route. Si cela devait arriver et si elles se montraient violentes, il faudra peut-être envisager la confrontation physique. Tu les identifieras à leur apparence de femmes, leurs ailes noires et leurs yeux ensanglantés.

Je lançai un long regard pénétrant à Clark alors qu’il m’interrogeait. Je secouai doucement la tête. Voilà une question qui dépassait mes connaissances.

-Je l’ignore… Les dieux sont restés sourds à mes prières quand j’errais dans le multivers… Ce n’est pas une réponse en soi, mais c’est le seule que je peux te donner.

J’avais perdue la notion du temps. Il me semblait que nous marchions depuis une éternité, mais dans ces grottes obscures et étouffantes il était difficile d’avoir le moindre repère. Je me figeai soudain, braquant ma lampe vers le sol d’où s’échappaient des volutes de fumée sombre…

-L’Erèbe, nous y sommes. Nous avons pénétré la Marche des dieux.

Je fermai les yeux quelques instants pour respirer en douceur et calmer les battements de mon coeur. Et si nous croisions Thanatos, la faucheuse en personne ?! Les mythes disaient qu’il vivait dans l’Erèbe lui aussi, conduisant les morts jusqu’à Charon pour leur faire traverser le Styx… Et au-delà du fleuve, Minos, le juge, qui séparaient les justes et les fauteurs.

Un problème après l’autre.

-Cerbère ne doit pas être loin… Nous allons devoir camoufler notre odeur.

Le gardien de l’entrée des enfers empêchaient les morts de s’évader… Mais il repoussait également les vivants.

Je me penchais près d’une flaque pour attraper de la boue à pleine main et enduire ma peau et mes vêtements.

-J’ai l’impression d’être revenue sur Una… maugréai-je.

Le bien était l’ennemi du mal, cependant. Mieux valait pécher par excès de prudence. Je savais dompter les animaux sauvages, mais quid du familier d'un dieu ? J’ignorais si la bénédiction d’Artémis fonctionnerait sur une créature telle que Cerbère.

Je regardais Clark avant de pouffer discrètement de rire. Nous avions l’air malins, couverts de terre. Je m’approchai de lui…

-Il t’en manque un peu là ! dis-je en lui ajoutant de la boue sur le nez avec un rire discret.

Mieux valait dédramatiser maintenant. Notre situation n’avait rien de drôle.
Nous poursuivâmes notre route dans un silence pesant, chuchotant uniquement quand nous avions besoin de communiquer. Il faisait étonnamment moins sombre, comme si une légère clarté irradiait de la roche. J'éteins ma lampe et la glissai dans mon sac.
Et soudain, le couloir déboucha sur une gigantesque cavité et nous le vîmes, endormi derrière un rocher, seules ses têtes et une partie de son corps étaient visibles depuis notre point de vue.

“Il est E-NORME” pensai-je les yeux écarquillés. “Quelle magnifique créature !”

Et il ronflait superbement, étalé de tout son long.

Je fis signe à Clark, lui montrant les airs, et m’envolai silencieusement en longeant les parois les plus éloignées de la bête. Nous progressâmes dans un silence total et accélérâmes l’allure en voyant l’animal s’agiter soudain dans son sommeil comme s’il avait flairé quelque chose, et ouvrir un oeil.
Je poussai un énorme soupir de soulagement lorsque nous atteignâmes l’entrée de l’Erèbe : d’immenses colonnes et une entrée ouvragées sans porte. Nous nous y engoufrâmes. Je fis signe à Clark de continuer à garder le silence. Nous ne posâmes le pied au sol qu’après avoir mis une belle distance entre le Gardien et nous.

-Les dieux sont avec nous, lançai-je lorsque je jaugeai que nous n’avions plus rien à craindre. Quelle chance ! Ça va ?

Les lieux n’avaient plus rien à voir avec les grottes que nous avions quittées. La roche était taillée, ouvragée, la luminosité y était un peu plus forte. Des escaliers s’enfonçaient dans les entrailles de la terre, quelques vastes couloirs partaient de ci et là… Une architecture antique dans le coeur de la roche. De ci et là, quelques torches qui brûlaient d'une flamme verte qui ne dégageait aucune chaleur. “Les nains sous la montagne, auraient pu penser des amateurs modernes d’héroic fantasy. C’était spectaculaire.

J’eus un petit rire jaune.

-Bienvenue dans l’Hadès, mon ami ! m’exclamai-je en grattant une couche de boue collée à mon bras. 

J’avais hâte de trouver un point d’eau pour me débarbouiller.

-Tu veux prendre une photo souvenir pour ta tendre moitié ? plaisantai-je. J'ignorais si la technologie fonctionnait ici. Le palais du souverain se trouve au niveau le plus bas des enfers. Il va nous falloir descendre.

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-Tu ne fais que supposer, Clark. Tu te cachais avant l’arrivée des kryptoniens, tu n’as aucune idée de l’accueil que t’aurais réservé l’humanité si tu t’étais montré. Elle aurait été peut-être plus positive encore qu’elle ne l’est présentement sans la tentative de génocide de tes concitoyens.

Les Hommes avaient besoin de croire, ou de craindre. La croyance leur donnait de l’espoir, la peur les menait à la haine. Ils ne cessaient de basculer d’un côté et de l’autre au gré des événements, de leur état émotionnel du moment…

-Veux-tu expliquer au monde qu’il existe un milliard de versions de toi-même, de leur planète, et que chacune d'elles est différente ? Les humains ont déjà une théorie scientifique similaire très répandue dans la pop-culture, dis-je en haussant les épaules. Nous ne sommes pas nos reflets, nous sommes le fruit de nos expériences, de milliards de milliards de probabilités qui nous ont façonné tel que nous sommes… Nous sommes uniques. Chaque version du multivers, même celles qui donnent l’illusion d’être proches, sont en réalité différentes les unes des autres.

Je lançai une longue oeillade en direction de Clark.

-Ce sont tes actes à toi qui détermineront si les mortels te regarderont avec terreur ou espoir. Uniquement tes actes à toi…

Je laissai planer un long silence, plongée dans mes pensées. Je finis par le briser pour souffler à mi voix :  

-Tu sais… J’ai longtemps erré dans le multivers… J’ai sauté encore et encore, pendant des décennies. Et je vous ai cherché à chaque fois. Je n’ai jamais rencontré de Superman maléfique. Tes doubles que j’observais avaient toutes sortes de personnalités, d’apparences et certains ne s’étaient jamais révélés en tant que Superman, mais je n’en ai vu aucun embrasser une carrière dans la criminalité ou prendre le contrôle de leur monde et régner en tyran. Ils avaient l’air d’être des gens biens.

Réaliserait-il qu’il y avait probablement bien plus de Superman bénéfiques que maléfiques dans tous les univers confondus ? Je ne pouvais que lui partager mon expérience, il ferait ce qu’il voudrait de l’information.

Je lui lançai un regard surpris alors qu’il me soufflait soudain son admiration. Je ne me sentais pas vraiment forte, pas en ce moment… J’étais douloureusement perdue, j’avançais en tâtonnant et je vivais au jour le jour, parfaitement incapable de me projeter dans le temps. Mais c’était une bonne chose s’il me percevait tel un roc sur lequel il pouvait se reposer… Je pouvais mentir, faire comme si tout allait bien, si ça pouvait l’encourager à remonter la pente.

Nous avancions tranquillement, jusqu’à ce que je ressente soudain le changement d’air et que je nous fasse arrêter pour nous couvrir de boue de la tête aux pieds afin de camoufler notre odeur et réussir à duper le flair de Cerbère.

Lorsqu’enfin, nous pénétrâmes dans l’Erèbe et nous y avançâmes suffisamment pour nous mettre à l’abri de Cerbère, je lâchai un profond soupir de soulagement. C’est alors que j’avisai l’appareil photo de Clark et que j’éclatai de rire. Ca faisait du bien, de relâcher la tension ainsi.

Mais le répit devait être de courte durée…

Je les entendis… D’abord des murmures. Des voix incompréhensibles qui semblaient surgir de toute part, prenant peu à peu de l’ampleur jusqu’à devenir parfaitement audibles. Troublantes, douloureuses, piquantes… Si criardes de vérité. C’était comme si je me parlais à moi-même, comme si les pensées que je refoulais constamment se formulaient soudain et envahissaient mon esprit. Et les paroles devinrent des hurlements. La tueuse des unagrs, la fausse déesse, l’usurpatrice…

-Assez ! maugréai-je, la main posée sur le pommeau de mon épée.

Je peinais à réfléchir, j’avais envie de me recroqueviller sur moi-même et de me laisser sombrer dans le torrent des accusations portées contre moi. Mes yeux se posèrent sur les Erinyes.

-Je vous ferai taire par la force s’il le faut, les menaçai-je en heurtant l’une des créatures de plein fouet avec mon bouclier.

Il y eut des bruissements d’ailes, les entités se dispersèrent et finirent par disparaître de notre champ de vision. Je m’accordai quelques secondes de répit pour reprendre mon souffle. Elles ne nous avaient pas attaqué frontalement… Je devinais que nous n’étions pas de vraies proies pour elles, plutôt des amusements. Mais leur petit jeu pouvait nous faire du mal.

-Elles sont parties… pour l’instant. Allez, Clark, il faut continuer !

Je le poussai sans délicatesse vers l’avant, direction les escaliers. Nous poursuivimes notre route, descendant toujours plus profondément vers les abîmes. Jamais nous n’étions complètement plongés dans le noir, mais jamais nous n’étions exposés pleinement à la lumière non plus. Les Erynies se manifestèrent à nouveau quelques heures plus tard, se riant de nous et de notre projet stupide. L’agacement me poussa à déployer le lasso et l’artefact divin parut les effrayer suffisamment pour qu’elles prennent leur envol une bonne fois pour toute.

Nous marchions depuis des heures peut-être, ou bien des jours ? J’avais perdue toute notion du temps, je me sentais vidée tant physiquement que moralement. Cet endroit drainait mes forces, j'étouffais. J’avais de la chance que Clark soit avec moi, sa conversation et les plaisanteries que nous échangions m’aidaient à garder le cap. Je pris même la liberté de nous prendre tous les deux en selfie couverts de boue non sans rire de bon coeur au passage.

-Nous allons tenter de trouver Charon, expliquai-je à Clark sur le chemin. Il faudra le convaincre de nous prendre sur sa barque même si nous sommes vivants…

Et payer le droit de passage avec un obole. J’avais une bourse remplie de pièces accrochées à ma ceinture.

Nous nous perdîmes plusieurs fois, contraint à revenir sur nos pas jusqu’à trouver les chemins descendants. Nous posâmes le campement, éreintés, nous reposant à tour de rôle pendant que l’autre montait la garde et consommant eau et nourriture que j’avais emporté avec moi du monde des vivants. Ce n’est qu’un très long moment plus tard que nous entendimes le son familier de l’eau en mouvement.

-Par les dieux ! Le Styx, enfin ! m’exclamai-je soulagée. Rappelle-toi, ne boit pas l’eau du fleuve.

Je n’hésitai pas cependant à me déshabiller sans ressentir la moindre pudeur à ma nudité afin d’aller me laver dans les eaux sombres, avant de m’attaquer au nettoyage consciencieux de mon armure et de mes vêtements. J’en aurai dansé de joie ! Un peu d’hygiène, enfin !

-C’est dans ces eaux qu’on raconte que Thétis aurait plongé Achille pour le rendre invulnérable.

Je lançai un regard taquin en direction de Clark.

-Qu'est-ce que ça fait de visiter un mythe vivant ?

Une fois secs et rhabillés, nous longâmes le fleuve un long moment en volant jusqu’à aviser une queue de silhouettes spectrales… et au loin, une embarcadère.

-Nous y sommes. Veux-tu tenter de négocier le droit de passage ? proposai-je à mon ami en lui souriant, bourse en main. Le passeur connais le chemin, sans son aide nous risquons de nous perdre…

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-Je n’aurais jamais pensé poser le pied dans le royaume des morts de mon vivant, soufflai-je.

C’était une chose de m’être fait conter et d’avoir lu toutes les légendes et les histoires de jadis, s’en était une autre de visiter l’un des lieux les plus mystérieux et redouté par mon peuple. L’Hadès était un pays que les vivants n’approchaient jamais de leur plein gré… Quand mère saurait que j’étais venue ici, et je ne doutais pas qu’elle finirait par l’apprendre, j’allais me faire sermonner. Il me coûtait de l’inquiéter sans cesse…

Je n’avais pas la retenue et la pudeur de Clark. Les amazones ne s’imposaient pas les tabous des Hommes, et si j’avais appris le siècle dernier à m’adapter aux moeurs occidentales, mon passage dans le multivers et plus spécifiquement les huit dernières années sur Una m’avaient fait largement revenir à mes anciennes habitudes. La pudeur était un véritable luxe lorsqu’on évoluait dans un univers où chaque petite étendue d’eau pouvait cacher un monstre. On évoluait en groupe, avec des guetteurs… Et quand chaque plaie pouvait s’infecter, il fallait se laisser soigner à l’ancienne. Bruce m’avait vue nue et vice-versa bien des années avant que nous cédions à notre attirance.

-Tu veux dire, comme devenir soudain intouchable ? Oh attend voir… Tu l’es déjà ! le charriai-je pour désamorcer ses inquiétudes.

Voir toutes ces âmes en attente du passage me laissait une impression morose. Chacune de ces créatures éthérées avait vécu il n’y a pas si longtemps et avait laissé son empreinte. Et voilà tout ce qu’il restait d’elles… Un jour, je ferai partie de tout ça moi aussi…
Nous allions en voir de plus en plus désormais, nous nous rapprochions du but.

Charon était là, drapé dans son manteau sombre. Ses yeux semblaient lire en nous, ils me glaçaient de l’intérieur… Un frisson me parcourut. Il fallut mener des négociations rudes pour parvenir à décrocher une place sur sa barque. Notre quête, aussi héroïque soit-elle, pesait peu dans la balance… Mon ascendance et l’intérêt que me prêtaient certains dieux sembla en revanche jouer en notre faveur. Ma légende semblait être arrivée jusqu’aux oreilles du passeur. Il nous embarqua finalement, non sans avoir au préalable déblatéré de sinistres paroles quand au fait de nous avoir prévenu si nous ne revenions pas… En faisant la traversée, nous abandonnions une partie de nous-même…

-Non…

Mon regard parcourait les environs alors que nous glissions sur l’eau dans un silence lourd et pesant. J’étais assise, dans la barque, observant un paysage sombre et monotone. Pas une once de végétation, tout était si… mort… Je me sentais vide à l’intérieur, las. Les enfers drainaient mes forces sans que je ne sache si l’environnement influait magiquement sur moi ou si c’était simplement la conséquence de la confrontation avec le monde des morts lui-même qui sapait mon moral. Je ne cessai de me répéter intérieurement “alors c’est ici que je finirai par échouer…”.

-Ces âmes sont en attente de jugement. Une fois le verdict donné, les plus valeureuses seront envoyées aux Champs Elysées, les autres iront aux champs des Asphodèles… C’est vers un troisième lieu, que je tente de négocier une entrée pour notre ennemie… Le Tartare. C’est la prison des dieux… Là-bas sont retenues les créatures les plus dangereuses de l’histoire de l’antiquité, ainsi que les mortels qui ont courroucé les dieux. A ma connaissance, personne n’en est jamais ressortie sans l’accord des Olympiens.

Je levai les yeux vers lui pour lui lancer un long regard pénétrant.

-Tu persistes à penser que la mort est le pire des châtiments que tu puisses infliger à quelqu’un ?

Je gardais à l’esprit nos débats houleux de la veille et son argumentation. Il connaissait les légendes antiques qui avaient survécu jusqu’à son époque. Bien que certaines aient été largement déformées par le temps, il avait forcément entendu parler du Tartare… Ce n’était pas un lieu de joie… Certaines entités y purgeaient une peine éternelle, souffrant mille maux par la volonté des dieux. Je n’allais pas plaider ce genre de traitement pour notre adversaire, j’espérais seulement pouvoir emprisonner son essence dans un environnement dont elle ne pourrait jamais s’évader. Enchanteresse n’était pas de ces êtres capables de rédemption. Elle était un danger pour les autres, il fallait donc l’isoler de tout individu qui pourrait devenir sa victime.

-Oui, tu as raison… Nos erreurs et nos victoires passées seront des sources d’apprentissages pour nous même ainsi que pour les générations futures. Mais… Je ne suis pas convaincue de vouloir encourager d’autres personnes à entreprendre la quête de l’Hadès… C’est une entreprise suicidaire pour qui n’appartient pas au monde antique… Et même pour ceux qui en font partie comme moi.

Je jetai un coup d'œil vers Charon qui continuait à pousser l’embarcation sans nous accorder l’ombre d’un regard. Morne.

Je soupirai.

-J’ai caché mes plans à ma reine. Elle m’aurait interdit de venir. Ma mère a parfois du mal à faire ce qui est nécessaire quand je suis dans l’équation. Je pense qu’avoir les faveurs des dieux nous a grandement facilité le passage.

C’était du moins mon hypothèse pour expliquer à quel point les choses s’étaient bien passées jusqu’à présent. Nous n’avions eu aucune réelle épreuve à surmonter, tout avait été plutôt facile. Hadès nous avait-il ouvert la voie ?

Une éternité semblait s’être écoulée lorsque la barque s’arrêta près d’une nouvelle embarcadère. Nous avions cessé de parler depuis un moment, je somnolais…

-Où sommes nous ?

Je levai les yeux pour parcourir les environs du regard. Non loin de là se tenait un somptueux palais et pour la première fois, je réalisai un détail nouveau… De la végétation éparse. Des plantes enracinées et des champignons qui poussaient sur les parois des murs et au bord de l’eau. L’oeuvre de Perséphone, probablement.

Il nous avait conduit là où nous voulions aller.

-Merci.

Je sautai hors de l’embarcation et pris une grande inspiration.

-Nous sommes arrivés, dis-je à Clark.

L’heure de vérité… Si Hadès était dans de bonnes dispositions, il saurait entendre notre requête… Dans le cas contraire, il pourrait nous chasser de sa demeure et nous serions perdus dans son royaume sans Charon pour nous guider. Mais j’appréhendais plus encore le scénario où le dieu déciderait de nous punir pour notre intrusion. Et s’il nous enfermait dans sa prison ?

Je fermai les yeux et me massai les tempes.

“Respire, Diana… Ce n’est que le tout puissant Hadès après tout…”, pensai-je ironique.

Je proposai à Clark de faire une pause et de nous restaurer un peu avant de continuer. Mieux valait reprendre quelques forces avant de nous engager dans cet ultime bras de fer… J’avais l’estomac si noué que la viande séchée eut du mal à passer.

Lorsque nous fûmes fin prêts, nous finîmes par gagner les portes du palais et j’interpellai un garde.

-Nous demandons une audience avec Hadès.
-Qui le demande ?
-Diana, princesse de Themyscira, fille de la reine Hyppolite et de Zeus, et Kal-El, dernier enfant de Krypton et connu sur Terre sous le nom de “Superman”.
-Pourquoi le demandez-vous ?
-C’est une affaire privée que je n’ébruiterait pas ici.

Je savais que les entités divines n’oeuvraient pas toutes en faveur de l’humanité et il me déplairait fortement de savoir que nos plans avaient été ruinés par une langue un peu trop pendue…

Sans un mot, l’un des gardes se retira pour porter le message et nous n'eûmes plus qu’à attendre… Un long moment. Le messager revint enfin.

-Hadès va vous recevoir.


J’échangeai un regard avec Clark, cherchant un peu de courage en la présence de mon ami. J’enfilai alors le masque de la guerrière et m’avançai d’une démarche sûre et confiante jusqu’à la salle d'audience où l’on nous fit entrer…

Et enfin, nous le vîmes.

Et comme à chaque fois que je me retrouvai nez à nez avec un dieu qui ne se dissimulait pas, je ressentis de plein fouet sa puissance. Elle me heurta comme une vague… Il était chez lui ici, cet endroit, cette dimension… J’imaginais qu’il en tirait en partie son pouvoir, qu’il la contrôlait.

Je fis pourtant mine de ne pas être affectée par ce que je ressentais et conservais ce masque d’assurance.

-Hadès…

Je m’inclinai légèrement pour marquer ma déférence. Les esclaves rampaient… Je n’étais pas une esclave, mais je respectais la suprématie de mon hôte.

Et je réitérais les présentations en employant nos titres et ceux du monarque, espérant ne pas faire de faux pas… Rien ne m’avait jamais préparé à ce moment, j’improvisais.

-Nous sollicitons ta bienveillance et ton écoute.

Je tendis la main pour lui montrer le sachet que je tenais. Brodé par mes sœurs, une oeuvre d’art en elle-même… Mais l’offrande était le contenu et non le contenant.

-Ce sont des graines d’Isflar, prononçai-je avec l’accent de la langue des unagrs. “Les flammes de nuit”, dans la langue unagr. Elles étaient réputées par les habitants d’Una pour offrir longévité et force… Elles sont effectivement très nourrissantes. Mais la plante a surtout la propriété unique de pouvoir s’épanouir même dans les lieux les plus sombres. Ses fleurs sont époustouflantes, elles brillent de mille feux.

Je me mordis la lèvre. Le sujet m’étais toujours difficile à évoquer, même après tous ces mois.

-La planète a été envahie par une force extérieure toute puissance en vue d'une colonisation… Ses habitants ont été exterminés. Ces quelques graines sont peut-être parmi les dernières à exister. C’est l'un des rares et précieux souvenirs du monde où j’ai passé les huit dernières années de ma vie que j'ai pu emporter avec moi sur Terre. Je souhaiterai te faire cadeau de ce trésor, seigneur. Pour Perséphone.

J’avais tout misé sur l’amour légendaire du dieu pour sa femme. La suite me dirait si mon offrande était à la hauteur ou si j’avais tout raté. Le dieu était-il disposé à entendre ma requête ?

Descente aux Enfers

L’accueil d’Hadès n’est pas chaleureux. Cela ne me surprend guère, le monde infernal n’a pas la réputation d’apprécier la présence des vivants. Nous n’avons pas le choix, néanmoins. Puisque les olympiens n’ont pas donné signe de vie lorsque nous avons tenté de les appeler à Themyscira, il me faut trouver le moyen d’entrer en contact par une autre voie afin de soumettre ma requête à Hadès. Il me semblait plus polie de passer directement par lui plutôt que de chercher désespérément à capter l’attention de mon père ou des protecteurs des amazones qui auraient pu se montrer plus à l’écoute de mes problèmes…

C’est notre première rencontre. Hadès n’a jamais porté d’attention directe à mon peuple, il ne s’est manifesté à nous à aucun moment, contrairement à d’autres olympiens. J’ignore si c’est par manque d’intérêt ou s’il préfère seulement rester dans l’ombre là où se tiennent les décisions et loin de nos yeux.

La première image qu’il me renvoie est celle d’un homme charismatique et acerbe. Il n’est pas ravi de nous voir, il nous le fait savoir. Je soupire intérieurement en pressentant que les négociations vont être rudes.

Au moins finit-il par accepter notre offrande… C’est un début.

-Et nous sommes navrés pour cette intrusion, mon oncle. Malheureusement, il n’y avait pas de sonnette à l’entrée de ton domaine.



Je me risque une plaisanterie pour détendre l’atmosphère. Hadès est un dieu qui impressionne de par ses fonctions, mais les histoires le décrivent comme quelqu’un de juste. Je veux croire qu’il nous écoutera. Quant à savoir s’il nous donnera satisfaction en revanche…

Mes yeux parcourent l’environnement avec une attention curieuse. Je me surprends à découvrir un ciel loin au-dessus de notre tête et me demande quel genre de magie est à l’oeuvre.

-C’est beau… soufflai-je. C’est comme si nous n’étions plus sous terre. Est-ce de la magie ?

Je ne ressens pas le pouvoir à l'œuvre mais mon affinité avec la magie reste limitée. Il s’agit peut-être d’une technologie… Je n’aurais peut-être jamais le fin mot de l’histoire.

-Merci de prendre le temps de nous écouter, dis-je sincèrement. Et mes hommages à Perséphone que je ne peux remercier personnellement pour sa générosité.

Je ne vois nulle trace de la déesse. Je ne la connais pas, la dame des enfers ne s’est jamais présentée à Themyscira.

Puisqu’il nous en donne la permission, je prends place sur un fauteuil.

L’hospitalité grecque…  Il est d’usage de boire du vin coupé à l’eau. La boisson est un gage de respect envers des invités et un symbole de convivialité. Refuser un verre pourrait être pris pour de l’irrespect envers l’hospitalité de notre hôte, l’accepter revenait à risquer le sort de la compagne d’Hadès, si tant est que la légende soit vraie. Nous nous retrouvons face à un premier dilemme alors même que nous n’avons pas encore formulé notre requête.

-Le vin est-il produit ici ? lui demandai-je curieuse.

Perséphone a hérité de l’affinité avec les plantes de sa mère, cela ne me surprendrait pas qu’elle fasse pousser quelques souches de vigne. J’ignore où le dieu peut se fournir autrement, probablement à de nombreux endroits, à commencer par les offrandes qu’on lui fait. Je me demande quel goût peut avoir un vin issu de fruits qui ont poussé dans un environnement sans soleil.

-Peux-tu nous promettre que nous pourrons quitter ton domaine et retourner sur Terre sans nous enchaîner aux enfers si nous consommons boissons et nourriture ?

J’ai promis à Clark que je ferai tout ce qui était en mon pouvoir pour le ramener chez lui, je ne peux pas risquer un assujettissement pour un verre de vin. Je ne connais pas assez Hadès pour savoir s’il est de nature fourbe ou non, alors je me risque à poser la question. J’espère qu’il comprendra mes questionnements. Je serai prête à lever mon épée pour nous tailler de force une sortie jusqu’au monde des vivants s’il le faut, mais s'aliéner le roi des morts est une terrible idée… Les conséquences seraient terribles pour moi… Et je ne peux être certaine qu’il ne chercherait pas aussi à se venger sur mes sœurs.

Je décide finalement d’entrer dans le vif du sujet.

-Nous ne sommes pas porteurs d’heureuses nouvelles, mon oncle. Tu le sais peut-être, mais la Ligue des Justiciers, un groupe de protecteurs de la Terre auquel j’appartiens, s’est exilée pour empêcher le multivers de s’effondrer. Si nous avons pu résoudre la crise, nous avons longtemps été dans l’incapacité de rentrer chez nous, contraint à l’errance en sautant de dimension en dimension. Pendant deux ans, les ennemis du bien ont eu le champ libre pour agir. Le mal a grandi et prospéré sur Terre.

Les Olympiens ne peuvent pas ne pas avoir eu vent de tout ça. La crise du multivers s’est forcément répercutée à grande échelle, les conséquences auraient été dramatiques pour tous si notre ennemi était allé au bout de ses projets.
Quant à la situation présente sur Terre… Comment savoir si Hadès y porte la moindre attention ? Dans le doute, je préfère lui présenter la situation dans son ensemble.

-Un groupe, The Darkness, est en train de prendre une ampleur considérable. A sa tête, une entité cruelle et malfaisante qui se donne pour nom “Enchanteresse”. Nous ignorons d’où elle vient mais nous pensons qu’elle n’est pas originaire de notre réalité. Elle se prétend de nature divine et était vénérée à l’ère antique par un peuple d’Amérique latine. Au prix d’un terrible sacrifice sanglant et avec l’aide de Tupä, le peuple est parvenu à sceller l’essence de l’entité pendant des millénaires, mais elle a réussi à s'échapper en parasitant le corps d’une mortelle. Aujourd’hui, elle aspire à supplanter les autres dieux dans le coeur des mortels et à être vénérée à nouveau. Elle traque métas-humains et magiciens pour absorber leur pouvoir et accroître sa puissance… Nous l’avons déjà affronté, je ne minimiserai pas les faits en prétendant que nous maitrisons la situation. Enchanteresse est redoutable, immorale et a le pouvoir nécessaire pour aller au bout de ses ambitions.
The Darkness compte d’autres créatures très dangereuses, mais c’est Enchanteresse qui nous inquiète le plus pour l’heure. C’est une entité immatérielle, détruire son enveloppe ne suffira pas à l'éliminer, elle ira parasiter un autre corps…

Je me mords la lèvre un bref instant, nerveuse en pensant à The Darkness et à la puissance qu'est en train de réunir l’organisation. Cette dernière fait parler d’elle et trembler de peur la population. Sa réputation ne cesse de croître.

-Nous avons cherché des solutions pour emprisonner son essence mais nos pistes se sont toutes soldées par des échecs. C’est pourquoi nous venons à toi, divin Hadès. Je te supplie de nous ouvrir les portes du Tartare une fois que nous aurons arraché l’essence de cette sorcière à son hôte innocent. Nul ne s’échappe de la prison des olympiens et aucun de ses alliés ne prendrait le risque de venir la chercher ici…

J’ai présenté notre requête. Clark aura peut-être quelque chose à ajouter, des détails auxquels je n’ai pas pensée ou des arguments supplémentaires.

Descente aux Enfers

Et bien et bien… Pas facile à dérider, le dieu des enfers. Les olympiens que j’avais jadis rencontré étaient autrement plus affables (excepté Arès et ses mignons qui avaient essayé de me tuer). Je soupirai intérieurement, sentant que le combat que je m’apprêtais à mener allait être autrement plus difficile que les autres. J’aurais préféré affronter physiquement quelqu’un plutôt que de m’infiltrer dans les enfers pour supplier le seigneur du royaume des morts. Qu’imaginait Hadès ? Je ne prenais guère de plaisir à cette visite, le chemin pour le trouver avait été long et épuisant.

Je restais muette devant sa déclaration. Regarder au-delà des préjugés ? Qu’est-ce que cela signifiait ?

Je coulai un regard surpris en entendant Clark demander au dieu une bouteille.

-Je ne cherche pas à te vexer, Hadès, répondis-je honnêtement. Puisque les termes sont posés, j’adorerai goûter à ce vin.



J’étais de nature franche et directe à l’instar du peuple fier et honorable qui m’avait éduquée. Les grondements d’Hadès ne m’intimidait pas, mais je demeurais prudente. Je n’avais aucun intérêt à fâcher celui qui accueillerait mon âme, un jour, si je venais à périr l’arme à la main.

-J’imagine que Perséphone n’est pas étrangère à la maturation des vignes, supposai-je en humant l’odeur délicate de l’alcool avec une grande curiosité et un air appréciateur.

Il avait raison, le goût était agréable en bouche, je notai différentes saveurs et pu en énumérer quelques-unes. Je ne pus m’empêcher de penser que Clark aurait intérêt à servir modérément Lois, si tant est qu’Hadès lui fasse la grâce de lui offrir une amphore. Les alcools divins étaient autrement plus forts que les terrestres et l’organisme humain bien moins résistant.

J’exposai rapidement les raisons de notre venue. Hadès n’avait pas de temps à perdre et nous non plus.

-Une menace majeure, oui. J’ignore si elle est de nature divine bien qu’elle se prétende l’être.

Elle venait probablement d’ailleurs, c’est tout ce que nous avions trouvé avec Zatanna. La bibliothèque de Themyscira était incroyablement fournie, et la magicienne avait une vaste connaissance du monde occulte, pourtant ni l’une ni l’autre n’avions obtenu la moindre information.

Je gardai le silence, ne pouvant qu’acquiescer au résumé du dieu.

Son intérêt ?

Je fronçai les sourcils, plus affectée par ses mots que je ne l'aurai dû. Son INTERET ? Ils m’avaient tous envoyé au devant d’Arès et de ses séïdes pour empêcher le monde de sombrer parce qu’aucun d’entre eux n’avait le pouvoir nécessaire pour l’arrêter et il s’interrogeait sur le pourquoi je me tournais vers eux aujourd’hui ?

Superman présentait ses propres doléances, mais je devais répondre à Hadès. Je ne pouvais taire ce que je pensais être juste.

-Il fut une époque où les peuples étaient divisés et isolés. La technologie s’est développée depuis, les humains peuvent communiquer en quelques instants d’un bout à l’autre de la planète, ils parlent de globalisation. Le commerce, la guerre, tout se fait à l’échelle planétaire. Enchanteresse ne se contentera pas de l’amazonie, mon oncle, elle prendra la Terre si elle le peut. Si ses séides infiltre les bons réseaux, elle pourrait avoir accès à des armes de destruction massive capable d'annihiler un pays. Elle soumettra par la force, absorbera les pouvoirs de ceux qui lui résisteront et tuera le reste. Qu’arrivera t-il alors à la foi des mortels si personne n’est en mesure d’arrêter l’entité ? Qu’arrivera t-il aux Olympiens si les Hommes cessent de croire en eux ?

La foi était l’un des vecteurs du pouvoir des divins… Sans elle, leur puissance était bien amoindrie,  leur capacité d’intervention sur la planète limitée.
Je fermai les yeux un instant, visage crispé.

-Les dieux ont créé les amazones pour protéger les Hommes et servir la paix. Il y a un siècle de cela à peine, vous m’avez envoyé arrêter Arès pour l’empêcher de dévaster la Terre. Depuis, je suis restée aux côtés des mortels pour veiller sur eux et j’ai œuvré sans relâche. Aujourd'hui, l’entité que j’affronte est hors de ma portée. Je ne peux tuer une créature qui peut survivre sans corps… Je t’en conjure, Hadès… Si tu ne peux accueillir Enchanteresse au Tartare, mets moi sur la piste d’un artefact qui pourrait faire office de prison ou d'une arme capable de détruire son essence. Héphaïstos ne pourrait-il forger pareil objet ?

Descente aux Enfers

Mon plaidoyer semblait avoir touché notre interlocuteur. J’arquai cependant un sourcil en me demandant les raisons de cette tendance systématique à ne pas s’inclure dans le reste du panthéon. Lui non plus n’avait pas répondu à l’appel des amazones… J’avais dû me présenter personnellement chez lui pour lui exprimer ma requête et mes arguments et nous avions été accueilli comme des indésirables. Devais-je le lui rappeler ?

L’apparition de Perséphone ne manquait pas de poésie. Elle dégageait un charme magnétique, une candeur qui jurait presque avec l’environnement austère des enfers. Je comprenais pourquoi Hadès avait été attiré par elle, elle était belle…

J’avais l’impression que les choses commençaient à s’arranger et prenaient une tournure positive…
Et puis Hadès mentionna le combat.
Je soupirai intérieurement, pas tant pour l’épreuve en elle-même que pour sa justification. Ça n'avait aucun sens, voilà longtemps que j’avais prouvé ma valeur aux dieux. Fallait-il que j’ai disparu une poignée d’années de cette planète pour qu’ils m’aient oublié ? J’avais affronté et vaincu la Guerre en personne, failli devenir sa nouvelle incarnation, je m’étais confronté encore et encore au danger en leur nom et en celui des mortels…

Que cachait réellement ce défi ?

Evidemment que j’allais accepter. Quelle autre réponse aurai-je à lui fournir ? S’il voulait me voir combattre à mort, je le ferai. Quant à Kal-El, la décision lui revenait… Il était diminué dans l’Hadès, loin des rayons du soleil… C’était à lui de choisir… Je m’en voulais de le forcer à se soumettre à pareil choix, c’était moi qui l’avait entraîné dans ce péril… Si je venais à revenir sans lui…

Par les dieux… Comment pourrai-je regarder Lois dans les yeux s’il arrivait quelque chose à son compagnon ?

Nos regards se croisèrent, le mien chargé de regrets… Et de détermination.
“Pardon”, articulai-je avec les lèvres sans prononcer un mot.

-Soit, lâchai-je sans broncher. Je me battrai.

La question ne se posait pas, je ne ferai pas demi-tour après tout ce chemin parcouru.

“S’il faut cela pour mériter l’aide du grand Hadès…”

J’observai la grenade sur la table, ce fruit devenu le symbole même de ces lieux… J’ignorai ce qui m’attendait quand j’aurai consommé un grain, mais je me battrai. Aujourd’hui, demain. Je me battrai pour rester en vie, pour protéger ceux que j’aimais et tous les innocents qui méritaient de vivre en paix. Je me battrai pour la Terre, toujours.

Le monde se transforma autour de moi à peine eus-je avalé le fruit infernal. Difficile de dire depuis combien de temps j’étais là, comment et quand étaient partis les autres… Je fronçai les sourcils, désarçonnée. Je ne savais plus.

-Kal-El ? ne pus-je m’empêcher de m’exclamer.

J’étais seule ou presque. En face de moi, une hydre colossale…

-Je ne te veux pas de mal… soufflai-je en saisissant mon bouclier.

La bénédiction d’Artémis me donnait une connexion toute particulière avec les animaux, il m’était habituellement facile de les calmer et de communiquer avec eux…

Pas celui-là.

Je vis les yeux de la créature s'embraser et levai à la hâte mon bouclier pour bloquer... un laser ?! 

L'affrontement était inévitable, je sentais que la créature ne s'apaiserait pas. Allais-je devoir procéder à la manière d'Héraclès qui avait courageusement combattu l'hydre de Lerne ? Trancher les têtes et les brûler ? Mais avec quoi ? Mes yeux bifurquèrent vers les torches qui ornaient les murs et éclairaient l'environnement. Le feu des enfers brulait il ?

Je tirai mon épée de son fourreau et bondit pour tenter de trancher la tête.

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Récap’ : WW démarre le combat avec 14 PdD. Elle parvient à esquiver l'attaque de Kal-El et attaque en retour.

Descente aux Enfers

Mes poils se hérissent alors que je sens tout mon être se focaliser sur le combat. Je suis une amazone, la discipline guerrière est un acquis de mon peuple, inculqué depuis le plus jeune âge. Toutes les amazones sans distinction portent les armes et pratiquent un entraînement rigoureux pour discipliner corps et esprit. Nous sommes des guerrières, mais nous n’oeuvrons pas dans les traces d’Arès. Nous sommes nées pour protéger, nous ne détruisons pas pour le simple plaisir d’assouvir une soif de sang.

Relever un défi dans une arène me parle peut-être davantage que Clark. C’est culturel chez moi, de s’affronter pour la compétition en chaque instant. Les amazones aiment se mettre au défi, les plus méritantes sont alors mises à l’honneur. C’est par les jeux que j’ai été choisie pour guider l’aviateur jusqu’à son monde et pour affronter Arès. J’ai gagné les épreuves et j’ai démontré à mes soeurs et aux dieux que j’étais la meilleure et la plus digne…

Alors pourquoi mon coeur se sent-il si lourd ?
Je ne comprends pas les réactions des dieux depuis mon retour, ou plutôt leur non réaction. J’ai le sentiment d’avoir été abandonnée après avoir tout sacrifié pour sauver le multivers. Cette impression me ronge un peu plus chaque jour…

Je fais face à l’hydre, tente de lui asséner un coup d’épée mais l’entité parvint à l’esquiver. Je suis bluffée par la rapidité d’une si grosse créature. Elle est véloce ! Et aussitôt la contrattaque arrive, un coup de tête dévastateur m’envoie valser contre le mur. Je tousse, le souffle coupé.

Je me relève. Ce coup a eut le mérite de me ramener dans l’instant présent…
Perdre n’est pas une option. Jamais !

Je resserre la prise sur mon épée, bondis, prends mon élan en un saut périlleux pour tenter de venir me jucher sur le dos de l’entité et lui asséner un autre coup d’épée.

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Récap’ : WW a 12 PdD. Elle attaque à nouveau avec son épée.

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