"Basic Instinct"

La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

         Sous l'ambiance tamisée du casino... Je fixais encore le message de Zatanna Zatara, la gorge nouée. Embarrassée par l’idée qu’elle sache où creuser pour faire mal, alors même que le mal en question n’était aucunement physique. Pourquoi cette histoire me travaillait tant, pourquoi avais-je l’impression d’être subitement attachée à une humanité que je croyais avoir rejeté jusqu’à présent. Mais tout revenait à cette question… Qui étais-je ? Étais-je la Faith née dans un Coven impie plusieurs siècles auparavant ? Ou bien cette gamine qui sortait à peine de l’adolescence, hantée par les souvenirs d’une autre, celle que je fus, celle que je n’étais plus, mais que j’aspirais à redevenir ? Je n’en savais rien… J’étais moi et à la fois elle, c'était sans doute le problème. En fait, ne pas savoir, créait au fond de moi un conflit entre ma personnalité et celle que j’avais avant toutes ses réincarnations. Des personnalités voulant prendre le dessus sur celle que j'ai présentement et aujourd’hui, j’en étais là, à ne pas savoir si je voulais être une pure sorcière sans foi ni lois, ou bien répondre aux attentes de mon entourage, dont celles de mère qui ne semblait pas vouloir m’accompagner dans les ténèbres auxquelles je me destinais.
           Pire encore, elle m’avait longtemps caché mes origines sorcières dans cette vie… Me forçant à découvrir ma magie sans son aide. Elle disait avoir voulu me préserver de la terrible vérité, mais je ne voyais pas ce qu'il y avait terrible à être une sorcière, je ne voyais pas où était le mal à pratiquer la sorcellerie dans sa plus sombre des magies... Et par sa faute, j'étais coincée entre deux mondes désormais : celui où j’ai grandi entourée d’humain que je n’ai jamais pu cerner et celui que mère a tenté de m'éloigner, tout en l'entretenant dans l’ombre en pensant que j’ignorais ce qu'elle faisait. Au final, j’ai grandi en affrontant de terribles souffrances sans qu’au début, je n'en comprenne les origines. Il aura fallu attendre l’incident du 13 mars 2018 pour que je réalise que les cauchemars où j’agonisais, n’était autre que les derniers moments de mes précédentes vies. Mais mère avait réussi à créer ce mur qui m’empêchait pleinement de me sentir moi-même, de sentir à nouveau la sorcière que le Coven avait élevée et nourrie. Car c'était là la triste vérité, je n’avais pas l’impression d’être cette sorcière qui hante mes souvenirs tant la magie était encore une notion que je continuais à réapprendre.

           Mais à côté, dans l’ombre, des créatures me connaissaient parfois avant même que les souvenirs d'eux me reviennent... Pour certains, comme Minerva, il y avait ce sentiment de retrouvailles comme si les voir rendait une part de mon identité perdue. Donnant cette impression que mon âme, me semblant si incomplète, était un peu plus proche de la résurrection. Je sais qu’un jour, je devrais faire un choix… Accepter de renouer avec celle que je fus ou bien sauver celle que j’ai appris à devenir avant que les souvenirs menacent les fondations de mon esprit et me plonger de cette confusion, cette guerre intérieure entre ce qui pourrait s'apparenter au Bien et au Mal. « Putain, sérieusement, ça empeste le Lycan, ce soir. » Crachais-je avec dédain alors que j'observais le casino d'un regard sévère, Jasper se contenta de retirer son chapeau et le porta à sa poitrine en guise de salutation. « Des Loups-garous, madame, à la table dédiée au Poker. » Répondit-il simplement, j’acquiesçais silencieusement de la tête, observant les lieux animés par les croupiers. « Baba, est-elle passée ? » Demandais-je, ce ne fut pas le cas d’après la réponse de l’automate de bois enchanté, je rajoutais alors. « Si elle me cherche, tu lui diras que je suis sortie. »
           Il s’inclina légèrement avant de surveiller les lieux à nouveau. Je quittais le casino, remontant à l'hôtel ou des clients humains n'avaient pas la moindre idée de ce que les entrailles des lieux recelaient. J'avais jeté un dernier un coup d’œil à la table où se trouvaient les goules, avant que l'ascenseur ne ferme ses portes. Me remémorant ma première rencontre avec cette sous-espèce de démon, dans le cimetière où mère avait enterré mon précédent corps. Ce fut à une époque où je ne connaissais encore rien du monde surnaturel et de ces dangers, je n'étais qu'une enfant avide de rencontrer les spectres de l'au-delà, que je prenais pour des amis imaginaires. J’étais une proie facile et sans défense, mais mère me sauva. Voilà qu’aujourd’hui, ces mêmes créatures demandaient asile et que mère avait fait de moi leur garant. Baba avait retrouvé ses forces récemment, ainsi que sa jeunesse, mais elle n’était encore guère en état de gérer l’hôtel d’une main de fer. D’où le fait que je veillais encore moi-même à ce que les monstres sous l’hôtel ne se décident pas à s’entre-tuer ou pire, à remonter à la surface via l'hôtel.

          Clope en bouche, cul posé sur le banc de l’arrêt de bus, j’attendais le transport qui emmenait au Black Cat, du moins son quartier. J’avais envie de boire quelque chose de solide, mettre mon cerveau en arrêt le temps d’une soirée. Cessez d’être la sorcière un moment et juste la gamine qui s'en fout de ce qui l'entoure. Ma tenue était à l’image de ma personnalité, j’ignorais laquelle ceci dit. Était-ce la Faith de cette ère la gothique ou bien avais-je toujours porté un amour pour ce qui était sombre dans mes précédentes vies ? Même cela, c’était une question à laquelle je ne pouvais toujours pas donner de réponse. Une fois dans le Night Club, accueillit par l’ambiance, je me dirigeais vers le bar où je m'apprêtais bien à passer le reste de ma soirée, me noyant à travers un océan de cocktail. Des regards se posaient sur moi ? Était-ce parce que l’on se demandait si j’avais l’âge de boire ? Ou bien parce que mes formes mises en valeur par ma tenue, attiraient l'attention ? Le barman avait bien dû poser la question de l'âge, mais il était simple de porter les esprits à confusion à l’aide d’un touché et d’une phrase enchantée par quelques sortilèges oraux.
         Et puis, soudainement, je sentis comme un frisson traversé mon corps, à la manière dont les flots ésotériques vinrent caresser ma peau et couler dans mes veines à l'usage des malices. Je sentais de la magie, une différente de la mienne, mais une magie quand même. Qui était à l’origine de ce frisson ? J'étais incapable de le dire. La curiosité l’emporta finalement sur la raison, prenant le risque de révéler ma nature, mes yeux revêtirent un manteau obscur, donnant l’impression d’être les pupilles du néant dans leur complète noirceur. Ma vision changeait alors, apercevant les spectres de couleur que l’espèce humaine ne pouvait percevoir à l’œil nue, ni même avec l’aide de leur technologie. Je déchirais alors le voile qui recouvrait bon nombre de regards… Ce voile qui empêchait d'ailleurs les vivants de voir le monde des morts. Je le vis alors, brillant de mille éclats. Un sorcier ? Non, un magicien très certainement. Impossible de le deviner ce qu'il était. Mon corps tremblait face à l’essence qui émanait de lui.

           Le désir traversa mon corps comme un maelström dans lequel ma raison se faisait emporter et engloutir. Je compris que ce n’était pas ce que j’éprouvais moi, mais plutôt ce que cette chose trop longtemps garder dans cette cage intérieure voulait ardemment. La bête étrangère à mon cœur et pourtant, si familière… Et comment lutter quand la chose en question n’était autre qu’une part de moi-même ? Je m’installais au côté de l’homme, mes yeux longtemps redevenue ordinaire. « Que cache ce regard qui se perd dans ce verre ? » Mes yeux d’un noisette sombres fixaient alors les siens. « T’as les yeux d’un type qui semble déjà avoir trop vécu. Tu ne sembles pas avoir dépassé la quarantaine pourtant ? »   

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La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

         Je souriais face à sa remarque, quelque part étant intérieurement rassurée qu'il ne fasse pas partie de cette catégorie d’homme ne pensant qu’avec le cerveau se trouvant en dessous de leur ceinture. Je n’avais en vérité aucun respect pour ce genre de personnage qui, à mes yeux, n’avait rien de plus comme qualité que d’être des proies. Pour certains, il suffisait de voir mon look, mes formes volumineuses mises en valeur par un accoutrement osé et le tour était joué. Car dans la plupart des cas, les hommes ne cherchaient pas à savoir l’âge de la personne en face d'eux par soucis personnelle ou par déni. Ceux-là n’étaient que des prédateurs en quête d’une nuit sensuelle, leur raison mit de côté jusqu’à ce qu’un autre jour se lève et efface les regrets. Et puis, il y avait des hommes plus censés, plus responsable, plus respectueux de leur propre condition et qui ne se laissait pas facilement emporter par des choix guidés par des pulsions primaires.
           Lui était de ceux-là, en plus d’avoir quelque chose de plus rare encore que les autres. « Mon corps est jeune, mais pas mon esprit. » Au sens propre du terme, il était même possible que je puisse être ici la plus vieille de nous deux. Et si je ne voyais là qu’une simple possibilité, plutôt qu’un fait, c’était qu’avec les sorciers ou les magiciens en général, la longévité était l’une des bases même de l'existence mystique de ces derniers. Je préférais donc ne pas m’avancer quant à la possibilité qu’il puisse être plus vieux que l’âme que je possédais. Ma réponse avait été donnée sous le ton de l’ironie, mais à bien y réfléchir : songeait-il que j’étais véritablement une ce que mon corps donnait l’impression que j’étais ? Peut-être ne ressentait-il pas le flux ésotérique qui émanait de mon corps ? Et si c’était le cas, ce n’était pas un cas très rare… Ma magie est différente de celle de Zatanna par exemple, sans expérience, j’aurais pu ne pas remarquer que ses tours durant ses spectacles étaient de la magie réelle.

             De la même manière que j’avais tardé à réaliser l’existence du Qi, plusieurs siècles auparavant en Chine, et ce, durant l’une de mes précédentes incarnations. Le Qi, ou plus populairement nommé le Chi, était un type de magie qui touchait les arts-martiaux et la médecine chinoise, la manière dont son flux était utilisé, rendait pour une sorcière plus traditionnelle comme moi, impossible à remarquer sans la vision du Bouc qui permet de voir à travers le voile des spectres. Les yeux noirs comme du charbon n’était pas qu'un simple héritage physique de mon père, elle m’offre la vision, c'était d'ailleurs ce qui me permettait de voir les serviteurs de père ou les esprits. Et c’est sans doute parce que j’ai appris à discerner le Qi sans avoir à faire usage de ses yeux, que j’ai pu apprendre à reconnaître d’autre type de magie comme celle de Zatanna ou ce type devant. Mais généralement, la capacité de reconnaître la magie est un trait que beaucoup de magiciens acquièrent avec le temps et l’expérience même sans passer par une initiation au Qi.      
              Du coup, quelle était son histoire à lui ? S'il était incapable de voir ma magie, était-ce parce qu’il était inexpérimenté ou bien n’avait-il jamais rencontré une sorcière issue du Coven LaSombra. Une sorcière qui était le fruit de la semence de celui qu’on nommait aujourd'hui Baphomet à tort, l’idole à tête de Bouc. Quand j’y réfléchissais, ma magie était particulièrement unique et pas tant que ça à la fois. Les magiciens que j’avais rencontrés durant mes vies précédentes avaient une manière bien à eux d’utiliser la magie, mais pas uniquement, leur source magique différait de la mienne. Mes pouvoirs étaient issus de père, il est notre première source… Sans père, se sont ses serviteurs, ombres malsaines et êtres impies nés de ténèbres qui se chargeaient de nous apporter notre source de magie en échange d’un sacrifice. Sans sacrifice, les sorcières de notre clan finissaient par perdre leur pouvoir ou pire, comme celle qui sont immortelles comme mère : vieillir sans mourir, être affamée sans pouvoir se nourrir, être épuisée sans pouvoir dormir et j’en passe. La sorcière monstrueuse dans Blair Witch le second film, était une bonne représentation de ce qui pouvait réellement nous arriver sans le soutien de père.
 
             Sans Père, nous étions à la merci d’une terrible existence et ce qui était alors une bénédiction ténébreuse, devenait une infâme malédiction que nous redoutions mes sœurs et moi-même. Ma magie était différente de celle des autres magiciens, car notre vie en dépendait. Il y a aussi une troisième hypothèse : le fait que je sois faible au point qu’il ne ressente rien. Si lorsque j’étais encore une sorcière du Coven, je faisais partie des sorcières les plus puissantes de LaSombra, dû au fait que j'étais de la génération née de la première-née, tout cela était loin derrière moi. Aujourd'hui, pour ne serait-ce qu'allumer un feu dans une cheminée, il me fallait aujourd’hui égorger un rat en guise de sacrifice tant je manquais de force. Et à chaque fois que je réussissais à approcher la moitié de ce que j’étais autrefois, la mort m’arrachait à la vie pour me faire renaître dépourvue de force à nouveau. C’était-là ma propre malédiction, bien moins difficile que ce que mère devait supporter, mais qui était tout aussi cruelle pour une personne comme moi dépendante de l’existence de la sorcellerie.
              « Je viens observer la débauche dans sa plus sensuelle représentation. » Lui répondis-je, alors quittant son regard pour me tourner vers le reste du club de nuit. « Aujourd’hui, des mouvements féministes vont promouvoir l’égalité de genre et des femmes vont se définir forte et indépendante, rejetant cette patriarchie qu’elles semblent voir partout. » Mon regard balayait le paysage et je rajoutais alors : « Regarde-les… La plupart des femmes présentes ici sont celles qui prônent cette idéologie en partie et pourtant, elles sont les premières à vouloir solliciter le jeu de la séduction, à vouloir que l’homme paye la boisson, à considérer être le prix qu’ils doivent gagner… Mais se sentir délaissées quand aucun homme ne les aborde. » Je pointais du doigt une personne.

            « Cette femme à l’air sévère sur son téléphone là-bas, assise seule dans son coin. Elle est souvent présente… Mais peu accoster à cause de l’atmosphère qu’elle dégage. Est-ce qu’elle est sur son téléphone pour ne pas qu’on vienne l’aborder ? C’est une possibilité, il y a bien des gens qui fuient leur souci et ne vienne décompresser qu’on se noyant dans des verres alcooliser… Seulement, elle ne boit jamais rien d'autre qu’un seul mojito de la soirée. Aussi, pourquoi mettrait-elle une telle robe moulante si ce n'est pas ici pour se mettre en valeur ? Pourquoi lève-t-elle un regard curieux à chaque fois qu’un homme passe à côté de sa table ? Je crois qu'elle a passé tellement de temps à rejeter à la masculinité, qu'elle ne sait plus comment l'aborder socialement parlant. Triste, non ? » Je ne pus alors m’empêcher de ricaner. « J’ai lu que les féministes comparaient les sorcières aux femmes fortes d’autrefois, oppresser et diaboliser par les patriarcats… Quelle bêtise… » Si elle savait à quel point les sorcières, du moins celle de mon clan n'étaient rien sans Père, au point d'accepter d’être sa fille et amante, lié à jamais à son autorité pour l'éternité. Mes sœurs, qui pouvaient en plus avoir richesse et puissance, n’y renonceraient pas, car elles savaient ce qui les attendait dans le cas contraire.
           Et la plupart des femmes que l’on nommait Gold Diggers, n'étaient que la juste représentation de la dure réalité dont faisaient aussi partie les sorcières. « Ces gens ont conscience que pour avoir ce qu’ils veulent, ils doivent accepter d’être des manipulateurs, car il n’y a pas de séduction sans jeu de manipulation. » Mon regard revint vers le monsieur à mes côtés… Fixant un moment le verre qu’il avait repoussé et l’attrapa. « Mais il est possible que je vienne aussi juste me défoncer la gueule de temps en temps. » Dis-je en avalant le contenu d’une simple gorgée, déposant le verre l’air enjouasse sans le lâcher. « Pourquoi ne pas en faire autant et oublier ce qui vous préoccupe. » Je repoussais alors le verre que j’avais vidé à sa place à nouveau vers lui, ce dernier étant à nouveau rempli de son contenu sans qu’il y ait d’explication logique sur la manière dont il avait justement été rempli à nouveau.    

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La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

         La beauté est superficielle, elle attire les regards, provoque l’intérêt, puis le désir. La beauté une arme que j’ai souvent moi-même utilisé quand je devais corrompre les cœurs à l’époque où j’étais au Coven. Je me rappelle que ma sorcellerie à son paroxysme altérait mon apparence, j’étais plus grande, plus sulfureuse, aux traits plus doux et aux formes plus volumineuses. La succube que j’étais était avide d’âme à dévorer, plus elle se nourrissait, plus elle gagnait en puissant, devenant irrésistible à l’égard de ses proies suivantes. Je n’étais plus rien de tout cela, pire encore, j’avais l’air d’une simple gamine avec un look de gothique introverti de petite taille et qui était encore vierge dans cette vie. La beauté était bien sûr qu’une question de goût et de perception, ainsi que de culture et de tradition. Ce que l’homme indigène trouvait beau, était bien différent de ce que le citadin bourgeois pouvait quant à lui désirer, critère de beauté n’étant finalement qu’une simple probabilité.
          Mais la succube en moi avait toujours su émerger en des formes que désirait profondément sa proie, comme une malédiction qui persistait encore aujourd’hui à une plus petite échelle. Je ne saurais expliquer ce qui en était la raison, mais cet homme était capable de résister naturellement à cette malédiction. Même moins puissante qu’autrefois, mon odeur avait encore cette particularité d’endormir la raison et pousser à la pulsion, à ce désir parfois malsain qui se propage dans l'esprit des hommes. Comment expliquer cela ? Il faudrait au moins avoir des protections du même acabit que celle qui préservait de la possession démoniaque. Pour autant, c’était ce qui rendait cette rencontre plus existante encore. Ma faible condition magique et sa résistance posaient ici un challenge qui me semblait des plus amusants. Ma raison me disait de cesser de laisser cet instinct ressurgir, mais l’appel de la succube résonnait comme une vile tentatrice. Mère m'interdisait à la dépravation, mais pour lui, ce soir, j'avais honteusement envie de lui désobéir et de laisser la bête à ses folies.

           « Naturellement, ce n’est pas tant le fait d’être forte et indépendante qui est à critiquer… Ce qui vaut le détour, c’est l’hypocrisie derrière le choix de certaines les conduisant à sombrer ici. » Répondis-je quand il me demanda, sans doute plus par rhétorique qu’autre chose, qu’il en fallait bien. Après tout, quoi de plus marrant à contempler que l’échec de nos propres choix quand on s’emmerdait comme je m’emmerdais chaque soir ici. Oui, il y a des femmes fortes et indépendantes, parfois des modèles qui ont inspiré bon nombre de petites filles et ma mère est pour moi mon modèle. Mais mes sombres pensées n'avaient pour souhait que de mettre en lumière cette parfaite incohérence dans ce qui se jouait ici. Puisque ce sont bien les gens présents ici, déchus entre les nombreux verres d’alcool, que je pointais du doigt. L’homme s’avère plus preux à défendre l’indéfendable que je vins à me demander s’il n’était pas béni en ce 21 siècles d’un esprit un peu trop naïf. Pourtant, il semblait avoir la tête du type qui avait vécu assez de choses qui en aurait fait frémir les plus tenaces. L’expression de son visage était celui d’un homme qui n’avait plus l’âge pour toutes ces conneries.
          « Juger ? Par mon père, je préfère laisser ça à l’autre barbu céleste. » Ma langue fourche rien qu’à l’idée d'être comparée au grand manitou primordial. « Analyser les individus serait plus adapter dans mon cas. Je suis en école de psychologie après tout et il n’y a pas meilleur lieu d’observation qu’entre ses murs. » Un véritable terrain de jeu, l’une des raisons de ma présence d’ailleurs, en plus du fait de me défoncer à l’alcool jusqu’à me croire sur la lune… L’ivresse, seule échappatoire à la souffrance qui gangrenait mes nuits sans rêve, sommeil hanté à la place de souvenirs insoutenables d’époques longtemps révolues, soumis au rappel de mes propres morts passées. Et oui, je me rappelais inéluctablement que la mort viendrait me chercher encore une fois pour me forcer à la renaissance. Il mentionna les sorcières d’autrefois, il n’avait pas totalement tort. En Ukraine, il y avait se coven portant en son cœur les filles de Baba Yaga, la vraie, du moins c’était ce qu’elle prétendait être. Leur mode de vie était fort inspirant.

           Elles se soutenaient, s’épaulaient et s’éduquaient à vivre une vie simple, loin des complexités du monde des hommes. Grand paradoxe que celui du fait qu’elles étaient les pacifistes filles d'une créature, cauchemar de bons nombres de gamins. Il y avait beaucoup à apprendre de ces sorcières. Est-ce que je pouvais en dire autant de ma race, de mon Coven ? J’étais sans doute moins sûre quant à ce sujet et donc moins d’accord avec lui. Quant à sa question concernant le jeu de séduction, je laissais échapper un petit rire… « La manipulation est bien moins manichéenne que ça… Certaines personnes font le choix conscient d’être manipulé, parce que l’être humain est ainsi. Certaines personnes désirent être sous l’emprise d’une autre que ce soit de ce rapport de politicien à citoyen ou d’amant à amante. Par exemple : l’homme est irrésistiblement attiré par les formes qu’une femme mettra en valeur justement pour attirer son attention, elle sait ce qu’elle fait et elle en joue. Et l’attention que portera l’homme à sa conduite envers celle qu’il désire séduire est tout aussi contrôlé : se montrer avenant envers elle, s’il décèle qu’elle le type de femme à aimer les compliments ou bien, sciemment l’ignorer pour embraser les flammes du doute dans le cœur arrogant de celle qui se sait déjà bel et bien trop convoité. »
         Un geste de la main en direction du barman afin qu'il remplisse mon verre et je poursuis. « La séduction est un terrain miné, l’on sait que l’on va se faire manipuler consciemment ou inconsciemment et l’on souhaite se faire manipuler. Pourtant, on ne veut jamais vraiment se laisser prendre au jeu totalement, surtout si ce dernier est médiocre. On veut être surpris, être pris au dépourvu, se sentir confus ou étonné. Et au fond, qu’est-ce qui te pousse à continuer à m’écouter parler depuis quelques minutes ou à participer à cette conversation ? Si ce n’est que par la force d’un intérêt qui ne demande qu’à être dirigé hors de zone de confort, sans doute dû à une curiosité innocente ou une envie d’être conquis. »

           Conquit, mais pas nécessairement par la beauté ou le sexe, mais aussi par la simple conversation, l’intervention intellectuelle. La séduction peut avoir des formes étranges, un philosophe peut-être conquis par le savoir d’un autre et une paroissienne par le charisme de son prêtre. Quoi qu’il en soit, c’était une forme de manipulation, toutes ne sont pas nécessairement néfastes ou perverses. L’on manipule un enfant afin qu’il comprenne souvent un danger, en grimaçant pour mimer la douleur par exemple. Il me demandait ce qui me poussait à croire qu'il voulait oublier quelque chose. « Il n’y a pas tellement de raison qui pousse les gens venir ici ? Encore moins ceux qui viennent seuls juste pour contempler un verre qu’il n’ose à peine toucher… Ça sent une histoire qui reste en travers de la gorge. » Il y a comme une sorte de lassitude en lui, mais je ne m’avancerais pas plus dans la théorie. Et ce fut un verre que je lui dérobais avant de le remplir à coup de baguette magique invisible. Sa phrase me poussa au rire. Un rire bref, mais qui m’égaillait un peu. « Je l’ignore, je ne le fais jamais devant les inconnus normalement. »
        Sa dernière question provoqua en moi l’intense besoin de trahir mon Coven et de révéler mon nom véritable… Mais je me contentais de mon identité humaine. « Faith Cross. » Annonçais-je heureuse d’enfin faire les présentations, lui tendant ma main. « Et t’es ? »   

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La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

         J’en étais donc à entretenir la discussion avec cet homme depuis maintenant quelques minutes. Et il me semblait que tout se passait bien, je me surprenais même à garder le contrôler sur les pulsions qui traversaient mon corps. Si bien que je commençais à me dire que mère s’inquiétait peut-être pour rien concernant cette part démoniaque en moi ? Ou peut-être était-ce là ce que j’aimerais croire ? Mais au fond, mère n’avait jamais tort… Et même si j’avais véritablement envie de me laisser aller à mes pulsions, ma raison m’incitait à être en accord avec mère. Oui. Dans cette vie, j’étais différente. Du moins, plus mes souvenirs du passé émergeaient, plus j’étais conscience d’être aujourd’hui différente. Pour autant, aujourd’hui, cette essence ténébreuse, cette grâce corrompue, me poussait au désir impie. Discuter me permettait de tenir en laisser la succube tentant de chaparder toute pensée rationnelle, pour me chuchoter ses sombres intentions.
          L’homme me demanda quelle était la raison même de ma présence ici… Au fond, je n’étais pas mieux moi-même que tous ces gens présent. Et j’étais probablement la pire parmi eux. Mon apparence si frêle était trompeuse, ce visage juvénile n’était rien de plus qu’une farce. Là où ces gens voyaient une adolescente, moi, j’y voyais un monstre. Un monstre qui chassait désormais des monstres. Je me demandais si ce n’était pas finalement ici un moyen inconscient de ma part d’expier mes fautes passées. Honnêtement, je l’ignorais. Je me contentais de soulever mon verre et de le secouer pour indiquer à l'homme le liquide à l’intérieur, pris dans le mouvement que j’exerçais sur le récipient transparent. « Moi, je suis tout simplement en quête de répit. » S’il savait de quoi était fait mes rêves sans doute qu’il me laisserait volontiers tous les verres qu’il pourrait commander. « Et peut-être qu’observer ces gens ici, m’aidait à trouver mon existence bien moins pitoyable… Qui sait ? »

           La discussion se prolongeait tranquillement, il écoutait avec attention mes fameuses analyses sans émettre de jugement, innocemment curieux. J’écoutais en échange ses retours, je me surprenais à apprécier cette conversation. Il est surpris d’un discours comme le mien alors que je n’avais, selon lui, qu’à peine vingt ans… Devais-je lui dire qu’en début d’année, je n’avais que 18 ans ? Surtout pas, la seule raison pour laquelle j’avais le droit de boire, c’était parce que j’avais fait usage d’un subterfuge magique afin de changer temporairement ma date de naissance sur ma carte d’identité. En effet, aux yeux du barman, j’étais une jeune femme adulte de 21 ans. Foutu pays. Être encore mineur à 19 ans, c’était profondément stupide. Mais pour en revenir au propos de mon camarade, je me contentais de répondre. « Croyez-moi, il y a pas mal de gamins dans cette ville qui ont vécu assez des choses pour être capable de tenir des propos aussi matures que le mien. Il n’y a rien d’extraordinaire chez moi. »
          Ce qui était vrai… Mais il était tout aussi vrai que les souvenirs de mes anciennes vies m’apportaient assez de notions pour parler comme une femme qui avait vécu déjà les doubles de l’âge de ce type. Apparemment, il testait sa volonté sans doute face à son désir de boire. Était-il une sorte d’alcoolique qui avait peur de rechuter ? Le genre de type qui participait à des réunions pour parler de sa dépendance aux boissons éthyliques. Il n'avait pas choisi l’endroit le plus approprié pour tester ses convictions et sa détermination. C’était le genre d’endroit où le diable aimait chuchoter à l’oreille, j’étais moi-même un diable qui cherchait à le corrompre présentement. Quand il m’annonçait que ce que les humains ne comprenaient guère, ils le détruisaient... Je plongeais mes lèvres dans mon verre sans répondre. Je le savais que trop bien. Temnikov, Bamberg, Bagnes, Stockholm, Errenteria, Rome, Paris, Salem, se sont tous des lieux où j’étais fini par être brûlée vive sur un bûcher.

          Je crois même avoir rêvé qu'on avait tenté de me noyer, mais que je finissais par remonter à la surface malgré le poids de la roche… Prouvant aux yeux des paladins cette nature impie qui ne pouvant être purifié que par le feu, seul moyen de tuer une sorcière. Alors, je savais que trop bien, ce que les humains étaient capables de faire par peur de l’inconnu ou pour l’amour de l’église. Il se présenta comme étant John Constantine, avant de parler de la nature de ma magie. « L’essence magique, du moins celle que je peux utiliser, me vient de mon père. » J’en avais trop dit en une phrase… Aussi, mieux valait que je me taise, laissant ainsi libre d’interprétation ce que je venais de révéler. Il pouvait croire que j’étais une Homo-magi et penser que j’avais donc hérité mes dons de mon père par ce qu’il était lui-même un homo-magi. Mes pensées étaient toutefois toujours tournées vers son nom. Pourquoi le connaissais-je ? C’était ce que je me demandais quand une soudaine douleur traversa ma tête comme s’il l’en venait soudainement d’enfoncer une lame dans mon crâne.
          L’instant d’après je me trouvais dans un lieu sombre. J’avais froid, j’avais peur et j’étais seule. Je me sentais différente. Mes jambes et mes bras étaient plus courts. Mes mains et mes pieds, plus petits. J’étais dans une robe sale, pieds nus, recroquevillée, dos au mur. « Madame, je l’ai trouvé… » Annonça un homme dans une tenue distinguée, mais qui ne semblait guère contemporaine. Il était au bout de la ruelle, me barrant le seul chemin où je pouvais potentiellement fuir. Une femme arriva, je ne la reconnaissais guère, ne percevant d’elle que sa silhouette en contre-jour. Elle approcha alors que j’étreignais un peu plus mes jambes. L’homme tenta de stopper cette femme dans son élan, annonçant. « Ne l’approchez pas trop Madame… N’oubliez pas que c’est l’une des progénitures du Mal. » Mais elle ignora les propos de l’homme et s’agenouilla devant moi, devant ce que j’étais présentement. Étais-je une enfant ? « Mais d’après Dream, elle possède aussi une âme qui mérite autant d’attention que celle des Hommes. »

            Elle tendit une main vers moi, je ne voyais toujours pas son visage, ce dernier plongé dans les ténèbres, pourtant, je voyais tout dans l’obscurité même la plus totale. C’était comme si ma mémoire en supprimait ses traits. « Tu n’as rien à craindre de moi, je me nomme... » Son nom résonne dans mon esprit comme en écho qui me forçait à en chuchoter les mots. « Johanna… Constantine. » Qui était-elle ? Pourquoi hantait-elle le souvenir d’une de mes précédentes vies ? Je l’ignorais. La douleur au crâne me privait de toute réflexion quand je perçus de nouveau mon verre et le bar devant moi. « Je... heu... » Je n’arrivais plus trouver les mots, la douleur n’était pas comparable à ceux que j’éprouvais durant mes nuits agitées, mais elle était malgré tout douloureuse. Après tout, un souvenir venait de forcer le chemin pour trouver avec force une place dans ma mémoire actuelle, il n’y avait aucun moyen que cela se fasse sans douleur. « Je… Je suis désolée… Il… Il faut que j’aille prendre l’air. »   

copyright Bloody Storm

"Basic Instinct"

La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

         Je devais avoir sept ans quand le premier souvenir d’une de mes vies précédentes à commencer à émerger. Le premier de toute une série où je me voyais mourir, parfois d'une morte lente et atroce. Dans ce premier souvenir, je voyais et ressentais ma chair dévorer par les flammes. Incapable de mourir d’asphyxie comme les humains normaux à cause de cette condition liée à ma nature, subissant les flammes jusqu’à ce que mon cerveau cède sous la chaleur qui la consumait. Le plus terrible, c’était l’image de ma propre mère en l’arme, incapable de me sauver, de m’épargner l’horreur d’une mort imminente, ses cris de colère et de peines étaient plus terrible à entendre, que de réaliser que ma propre chair sentait peu à peu comme de la viande sous le feu. Et encore une fois, je n’avais que sept ans. Oui. Premier traumatisme d’une vie toujours plus tortueuse, sans l’ombre d’une pitié. Plus tard, ma mère m’apprendra que j’étais maudite et qu’elle-même était maudite à être témoin à ce qu'une mère ne devrait pas assister. Maudite à subir des grossesses, afin de mettre encore et encore au monde cette enfant qu’elle verra mourir dans l’agonie.  
           Elle avait tenté d’empêcher que mes souvenirs reviennent, elle avait tenté de m’élever comme une humaine. Mais la malédiction n’était pas faite pour être clémente, je devais me souvenir, je devais souffrir et faire souffrir la femme qui me donnait vie à chaque fois que la mort me frappait. La douleur à la tête était minime par rapport à la souffrance que je ressentais lorsque je me voyais mourir… Oui, car je revivais pleinement mes derniers instants, comme si j’y étais de nouveau. Qu’était-ce qu’un mal de crâne, face à la mort saisissante, terrible et impartiale ? Je devais sortir face au malaise qui interrompit le petit jeu auquel je m’adonnais avec l’homme. J’avais la tête qui tournait, la vision qui se troublait. Ce dont j’avais besoin d’éviter, c’était de replonger à nouveau dans un environnement onirique et ne plus faire la distinction entre ce qui était réel et ce qui ne l’était plus comme ce qui venait de se produire à l’intérieur du club quelques instants plus tôt.

           Dehors, l’air plus glacial était libérateur, donnant cette impression que j’émergeais enfin à la surface d’une eau agité, manquant de peu la noyade. La voix de l’homme m’interpella, alors que la douleur diminua, portant ma main au niveau du nez sous l’écoulement qui finit sa chute jusqu’à mes lèvres. Saignement de nez habituel qui accompagnait le retour brutal d’un souvenir d’outre-tombe. « Oui. » Avais-je alors dit simplement, tout en m’essuyant… Puis je réalisais qu’il était tout de même venue s’assurer que j’allais bien ? Ce n’était pas tant une action que l’on pouvait aisément avoir avec une étrangère, avec qui l'on avait discuté quelques minutes... On avait aucun lien spécifique, pas eu non plus assez de temps pour établir une quelconque relation. Mais il était là. L’avais-je alors envoûté d'une quelconque façon, et ce, sans l’aide de la succube ? Cela me paraissait grotesque, je n’avais pas la sensation d’avoir été si loin. Ou il y avait autre chose ? Le fait que je sois une sorcière ? Non… Pour les êtres comme nous, croiser nos congénères n’avaient rien de si extraordinaire, sauf si l’on était resté loin du monde occulte depuis la naissance.
         Je me demandais… Avais-je fait ou dit quelque chose quand j’étais plongée dans ce souvenir ? Je n'en avais pas la moindre idée, je n’avais pas envie d’y réfléchir. La seule chose dont j’avais besoin à l’heure actuelle, était une aspirine. « Tu n’étais pas obligée de me suivre, ce petit malaise m’arrive souvent. Pas de raison de s’inquiéter. »   

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La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

         Sa question ne tarda pas à être posée, elle était directe, sans une once de subtilité… À l’image de sa précédente réponse qui manquait cruellement de tact et de délicatesse. Il ne s’inquiétait pas spécialement pour moi, en effet… C’était alors que par intérêt personnel qu’il m’avait rejoint. Le type ne manquait pas d’audace. Je commençais de toute évidence à être légèrement bourrée pour ne serait-ce que m’offusquer. Le mal de tête et l’alcool, mauvais cocktail. La lueur des lampadaires faiblissait à chaque fois que la douleur se faisait ressentir en de petites vagues de tourments à travers mon crâne. Mais rien qui n’échappait véritablement à mon contrôle, je me repris aussitôt que je sentis ma magie s’agiter en moi, à l'image d'une eau en ébullition. Je tournais toutefois mon regard vers l’homme qui avait donc entendu ce que je croyais avoir craché dans cette drôle de vision. Mais au fond, il posait une question, dont moi-même, je n’avais aucune réponse, si ce n’était que des questions.
          « Je vais sans doute te décevoir l’ami. » Répondis-je simplement en inspirant alors pour que la douleur passe, sans grand succès. Le plus surprenant fut son deal et je réalisais alors que c’était un sujet qu’il semblait vraiment lui tenir à cœur. Mais pourquoi ? Était-ce parce que ça le gênait que je connaisse une autre Constantine ? Je ne savais rien de lui, du coup difficile de savoir si cela était si inconcevable que ça. Mais pouvais-je pleinement parler de ce genre de chose avec le premier mage que je rencontrais ? Il était certain que pour qu’il comprenne la raison pour laquelle cette femme hantait soudainement mon esprit, c’était de lui révéler que j’avais vécu d’autres vies avant celle-ci. Ce n’était pas une malédiction qui touchait d’innombrables sorcières, si ce type avait un quelconque contacte avec une de mes sœurs, je prenais alors le risque d’être pistée par ces dernières. Il était hors de question que je trahisse de la sorte ma mère. « Non écoute… Tout ce que je peux te dire, c’est que ton nom à… à… Merde. » Cette souffrance me tapait sur le nerf, j'inspirais de plus belle et repris. « Il m’évoque le nom d'une femme, un souvenir, une époque reculé. C’est tout ce que je sais et c’est tout ce que je peux dire à ce sujet. »

          Les lumières se remettaient à faiblir entre plusieurs clignotements menaçant de faire éclater quelques lampadaires. « Je ne vois même pas son visage. Je n’entends que sa voix. C’est tout ce qui me vient d’elle, une main tendue... Ça ne vaut pas un deal, tu ne devrais pas utiliser ce mot à la légère. » Ce type était fou, il tenait sérieusement à faire un deal avec une inconnue. Il ignorait certes que ce n’était pas le genre de chose que je prenais à la légère. Il était probable qu'il n'utiliserait guère ce mot de manière si volatile en sachant qu’il avait devant lui la fille du diable. Du moins, celui à tête de Bouc. Serait-il si enclin à poursuivre ne serait-ce que cet échange, s’il savait que je pouvais enchaîner son âme via justement un Deal... Pourtant, était-ce dû à ma nature semi-démoniaque si j’avais le sentiment que ce type avait de tout évidence déjà jouer son âme quelque part ? Ce n'était peut-être ici que mon imagination. Difficile à dire sans mes pouvoirs d’antan que mère refusait de m’aider à récupérer. Soi-disant que je devais ne pas redevenir la sorcière que j’étais.
         Mais le simple putain de fait qu’un nom suffit à me replonger à travers l'extrait d'une vie antérieure, me laissait clairement que peu de choix quant à redevenir ou non ce que j’ai pu être selon ma mère. Silencieuse, je réfléchissais à nouveau, me remémorant ce que j’ai pu voir et entendre de ce soudain souvenir. Dream… Ce n’était pas un nom qui m’était inconnu, j’en suis persuadée. Je l’avais peut-être rencontré, je l’ignorais… Ce qui était certain, c’était que sa sœur, elle, je la rencontrais à chaque fois que je perdais la vie. « Je ne peux pas te dire comment ou pourquoi je la connais, je suis désolée... Si par contre, ta motivation est de connaître qui était cette femme, tu devrais interroger Dream, l’Endless. Dans mon sonvenir, cette femme semble connaître Dream. » Son royaume n'était pas facile à infiltrer, mais impossible.   

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         Je les sentais… Sous la douleur et l’agitation d’une magie en ébullition dont je restais maître, les Appendices ailés propre à ma nature démoniaque se déployer dans mon dos. Ceci me faisant comprendre avec gravité Ô combien cette vision de cette Constantine m’avait affecté jusqu’à l’essence même de mon âme. J’étais heureuse que ces ailes en question n’étaient ni visibles, ni tangibles dans leur impalpable existence que seule une lueur divine aurait été en mesure de trahir la présence. Symbole maudit de ma nature impie, à l’image des ailes emplumées de ces créatures célestes qui représentaient à l’inverse leur grâce. Quoi qu'il en soit, ce type avait au moins une chose sur cette femme, la date de sa mort. C’était sans doute la moindre des choses vu leur lien de parenté. Bien qu’il y avait bon nombre de mortels qui ignorait l’histoire de leur ancêtre. 1859 donc… C’était étrange… Je n’avais véritablement aucun souvenir de cette période, pas un flashback hormis celui que j’avais eu dans le club.
          Ce qui était certain, c’était que mère et moi n’étions plus à Salem depuis au moins un siècle… Et je suis presque certaine que maman avait commencé à bâtir les fondations de son hôte au début du 19e siècle. Il était donc possible qu’elle puisse me renseigner sur cette histoire, si elle voulait bien parler. Elle n’était jamais ravie de me voir récupérer un morceau du passé, elle avait cette crainte que je redevienne une sorcière sans la moindre compassion humaine qui me faisait défaut. Mais qu’elle le veuille ou non, cela faisait partir de ma malédiction que je me souvienne peu à peu de ce que j’étais à travers mes vies précédentes. Afin que je me rappelle de tout ce que j’avais pu perdre, mais aussi tout ce que j’avais pu endurer physiquement comme mentalement. Au point que même à travers le sommeil, aucun repos ne m'était accordée. Je sentais enfin mes ailes détendre à nouveau, non sans quelques spasmes désagréables et douloureux.

           La magie se calma, les ailes se rétractèrent et je pus enfin souffler un peu, non sans que la douleur se fane. Je l’entendais parler du fait qu’il doutait que ce deal lui coûte quoi que ce soit de très important. « Avec ce genre de résonnement, tu serais facilement berné par un démon. Pour un verre d’eau, il pourrait réussir à t’arracher ce qui t’est le plus cher et je ne parle pas forcément de l'âme. » Il suffisait de jouer sur les mots afin d’orienter un contrat pourtant inoffensif à la première lecture, pour finir dans des conditions terriblement misérables. Et je savais de quoi je parlais, ils avaient longtemps émergé, ces souvenirs où j’étais celle qui proposait des pactes. Combien de contrats avais-je soumis ? Des contrats si long que la simple vue décourageait tout humain d’en lire ne seraient-ce que les premières lignes. J’ai trompé, volé, dévoré des âmes en jouant sur les mots ou la quantité. Un deal était très dangereux, sachant qu’avec un démon comme avec une sorcière de mon espèce, une simple poignée de main ou un baiser, étaient suffisant pour sceller un accord magique.    
          Si encore, j’avais le contrôle dessus… Ce n’était pas le cas, la magie propre au Pacte était issue d’une force qui me dépassait. Une force que je ne pouvais guère être annulée à l’image de la malédiction qui me frappait. Il prétendait que c’était de famille que de fricoter avec des entités presque inaccessibles, je me demandais quel genre d’entité il avait pu lui-même rencontrer pour cracher cette constatation sans sourciller. Il n’y avait pas beaucoup d’entités aussi étranges et puissantes qu’un Endless, hormis sans doute mon père, les autres seigneurs des enfers ou Lucifer lui-même. Mais Lucifer étant la deuxième entité la plus puissante de la création, il était difficile de ne pas le mentionner. Il me remercia, je me contentais de garder le silence jusqu’à ce qu’il m’annonce que la proposition tenait toujours. Je l’observais alors un moment, en me disant que si j’avais gardé cette humeur taquine, j’aurais trouvé ma situation victorieuse.

        Mais au final, sur le moment, je n’en avais cure… « Pourquoi pas… Je te suis. » Dis-je simplement, léger sourire aux lèvres, déformer par une expression que tentait de masquer la douleur au crâne. Est-ce qu’une aspirine allait réellement marcher ? Je l’espérais très franchement, puisqu’il y avait aussi la possibilité que ce mal de crâne puisse être le fruit de la magie elle-même.   

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         Je le fixais un moment, quelque perplexe face à ce qu’il venait de m’avouer sans l’ombre d’une hésitation. Je devrais sans doute être choquée, ce serait même la réaction la plus sensée dans ce genre de situation. Car non seulement, il avait vendu son âme, mais en plus, il était capable d’en avouer le fait avec la parfaite inconnue que j’étais à ses yeux, et ce, avec une indifférence assez déconcertante. Mais cela expliquait à présent parfaitement son attitude, qu’est-ce qu’il avait à perdre maintenant que sa propre vie allait quoi qu’il arrive terminer entre les griffes du Diable. Mais cette information n’était pas sans me mettre légèrement dans l’embarras… De quel diable parlait-il ? Lequel avait réussi à pactiser avec lui ? Parce que si c’était mon père, je ne pouvais clairement pas rester à ses côtés. Il fallait que j’en sache plus. « Lequel ? » Demandais-je alors, très sérieusement, peut-être avec un empressement qui trahissait une certaine nervosité.
         Si père me retrouvait, alors il allait assurément remettre la main sur sa première-née, mère. L’idée qu’elle soit forcée de réintégrer le Coven par ma faute, ne me plaisait guère. Donc oui, c’était vital que je sache qui était ce diable à qui il avait vendu cette âme qui fut la sienne ? Car en plus de mon père, il y avait Azrael, Beelzebub, ainsi que le premier né et le premier à chuter, Lucifer Morningstar en personne. Sans oublier ce Trigon, seigneur d’un enfer différent. En réalité, j’étais encore loin de connaître toutes ces entités prétendant être le diable ou Satan. Mais j’espérais que Baphomet n’était pas celui que Constantine avait rencontré. Face à sa seconde phrase, je ne pus m’empêcher de ressentir une certaine frustration, sans doute dû à cette part semi-démoniaque en moi. Toutefois, je ne m’attardais guère dessus. Car j’avais déjà rencontré des exorcistes et il était vrai que la plupart d’entre eux faisaient bien leur boulot quand Dieu ne bougeait aucunement le petit doigt pour l’humanité.

         Il n’y avait pas une once d’hésitation dans sa voix, alors il devait certainement dire la vérité. Mais dans ce cas, sa situation était assez précaire. « Peur ? J’en doute... Au final, tu ne fais que les renvoyer en enfer et si tu as vendu ton âme au diable, il y a des chances que ces types attendent patiemment ton arrivée dans l'un des enfers. » C’était un peu comme imaginer un flic qui se retrouvait jeter en prison à cause de certaines circonstances, et ce, avec tous les sales types qu’il avait lui-même foutu en cellule bien avant… Ouais, c’était-là un bien terrible destin qui l’attendait. « Je suis même surprise que ce ne soit pas toi qui craignes l’approche de ta mort, votre espérance de vie est si courte. » Je me rendis compte de ce que je venais dire, faisant claquer ma langue de frustration. Au final, la mienne n’était pas mieux d'espérance de vie. J’avais beau possédé longévité due à ma nature semi-démoniaque, à cause de la malédiction de mon père, ma vie était écourté de manière non-naturelle, me forçant à renaître, à subir à nouveau une enfance et une adolescence.
         J’avais décidé de suivre l’exorciste, le chemin semblait des plus glauques, mais rien d’étonnant avec Gotham après tout. L’obscurité ne me gênait guère de mon côté, le monde à travers mes yeux était toujours clair, nyctalopie démoniaque obligeait. Le chemin s’était fait finalement en silence, l’odeur de cigarette qu'il dégageait me donnait envie de fumer à présent. Sur le chemin, je m’en allumais une. Et de ce bon vieux Marlboro en bouche, je laissais la fumée se répandre comme un vieux pot d’échappement de véhicule à essence. Petit moment paisible, alors même que ces rues n’étaient pourtant jamais sûres. Mais au fond, que pouvait un pauvre criminel de quartier contre un exorciste qui bouffait du démon au petit-déjeuner et une sorcière que l’on considérait à une époque comme le croquemitaine d’un bois qu’il fallait éviter, à l’image de celui qui fut hanté par la sorcière de Blair de ce film de merde.

         Il serait plus exact de penser que nous étions nous-mêmes la menace dans la nuit pour le commun des mortels, c’était pour cette raison que l’on marchait le cœur léger, indifférent à l’environnement. Je terminais cette clope juste à temps, jetant mon mégot avant de lui suivre à l’intérieur du bâtiment. Tout allait bien jusqu’à entrer cette fois dans l’appartement. À peine avais-je franchi le seuil de sa porte d’entrée que je ressentis un léger vertige. Ce fut comme si tout chaleur avait subitement quitté mon corps, ce dernier traversé de frisson. Instinctivement, j’agrippais le symbole du collier que je portais autour du cou, ayant cru que ce dernier m’avait soudainement échappé. Une protection qui empêchait mes instincts démoniaques de prendre le dessus sur ma raison que ma mère m’avait imposé depuis que je tenais sur deux jambes. Mais il était présent, alors ce que je ressentais ne venait pas forcément de moi, mais d’une force extérieure, sans doute intrinsèquement liée à l’appartement.
        Je restais debout, immobile, même lorsqu’il m’invita à faire comme chez moi. Est-ce qu’il y avait des protections contre les créatures de mon espèce ici ? Rien d’étonnant, c’était un exorciste après tout. J’inspirais un bon coup et tentant d’ignorer la gêne. J’observais alors notre ami prendre un verre d’une bouteille de vodka qu’il avait sorti. Et je fus légèrement perplexe alors qu’il s’engloutissait un verre… Finalement, avait-il abandonné l’idée de résister aux séduisants attraits de l’alcool ? Ma foi, ce n’était pas plus mal, seulement s’il partageait sa bouteille. Il revint avec sa boîte d’aspirine et je ne me fis guère prier pour aller me chercher un verre, mais plutôt que d’utiliser l’eau du robinet, c’est la bouteille de vodka que je pris pour en verser le contenu à l’intérieur de mon récipient. Je jetais l’aspire dans mon verre, un mélange qui n’avait rien de sain… Mais je n’étais pas Sainte-Marie mère de Dieu, qui diable allait se préoccuper de ce que je faisais ou non avec mon corps.
 
          J’avalais le tout d’une simple gorgée efficace… Déposant le verre, j’observais Constantine. « Il semblerait que j’aie connu ton ancêtre… Dans l’une de mes vies précédentes. » Avouais-je alors… Seulement parce qu’il m’avait, avant ça, avoué pour son âme. Ce n’était pas le genre de chose que l’on partageait facilement. « Si j’en crois mes souvenirs les plus anciens, je me réincarne dans ce monde depuis plus de 600 ans, dans un cycle sans fin. »  

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         De toute évidence, ce type avait accepté son destin, ce qui était respectable… « Prends-le comme tu le sens, mais tu as peut-être eu de la chance de lui avoir vendu ton âme à lui plutôt qu’un autre. » Je n’avais jamais rencontré Lucifer, mais dans notre monde, il était facile de le connaître. Cela me faisait bien rire d’entendre ces humains dire qu’il était l’incarnation de ce qu’ils étaient eux-mêmes par nature, comme si ce n’était pas de leur faute que de péché en ce monde. Hypocrite créature qui considérait que le péché pouvait être absous et pardonné, soit-disant car ceci était l’œuvre du Malin. C’était ne pas comprendre ce qu’était Lucifer Morningstar par nature. L’église avait souvent associé Lucifer aux actes de mon père et inversement, elle avait associé celle de mon père à l’œuvre de Lucifer. Les mythes allant jusqu’à se mélanger et donner des visages à Lucifer qui n’était pourtant pas le sien. Il était pourtant le vrai seul et unique Satan, mais le temps passait et les hommes traitaient de Diable tout entité à l’origine païenne. Et mon père, était assurément l’une de ces entités...
        Mais je ne pouvais que l’imaginer, personne ne savait ce qu’il était vraiment… Il avait beau avoir adopté le nom que lui donnait les hommes, Baphomet, ce n’était en aucun cas son nom véritable. Et quelque part, rien de plus normal. Connaître le nom d’un démon, c’était avoir sur lui un moyen de le combattre. Mon père était beaucoup trop ancien et trop rusé pour avoir la bêtise de faire comme ses jeunes démons qui vantaient leur identité et se retrouvaient bien embêter face à un exorciste grandement expérimenté. Quoi qu’il en soit, si Lucifer était craint à juste raison et qu’il méritait d’être nommé le Malin pour diverse autre raison. C’était surtout un être n'ayant qu’une parole, qui ne prononçait jamais de mensonge en dépit de ce que pouvait croire le commun des mortels. Mon père lui, était différent, il mentait et il tuait jusqu’à sa propre chair pour s’assurer de rester l’unique mâle vers lequel ses filles pourraient se tourner.

         Père aimait son pouvoir, il convoitait le trône, alors que pour l’archange déchu et premier née du Paradis, c’était un rôle et un trône qui lui avait été imposé dès le départ. Quand j’écoutais mère me parler de lui, je venais presque à me demander si Lucifer aimait réellement sa position de roi de l’enfer. Une idée sans doute un peu folle, issue de ce sentiment qui émergeait dans mon cœur lorsque je me souvenais que l’on m’avait moi-même imposé comme fille et amante de mon père sans me laisser le choix, dès les premières secondes de ma naissance, six cents ans auparavant. Cela dit, après un moment de réflexion, je commençais à véritablement digérer l’information. « Donc, Lucifer en personne voulait ton âme, bah putain… Tu ne dois pas être n’importe qui toi. » Réalisais-je… Avais-je entendu le nom Constantine avant ce soir ? Bizarrement, rien ne me venait à l’esprit, pourtant cela avait du forcément passer sur les lèvres d’une de mes connaissances démoniaques.
       Je n’avais probablement pas prêté attention, n’ayant jamais craint les exorcistes. Non pas parce que j’étais une hybride, ce qui me donnait un certain avantage que n’ont pas les démons pur-blood, mais surtout qu’avec la malédiction que m’a imposé Baphomet, je n’arrivais pas à mourir définitivement. Alors bon, le pire que je puisse craindre véritablement, c’était d’avoir conscience de qui j’étais en avance lors d'une réincarnation... En effet, retrouver une grande partie de mes souvenirs, de mon identité, alors même que je n’étais qu’un bébé, c'était un véritable cauchemar. Mère m’a dit que c’était déjà arrivé deux siècles auparavant et que par conséquent, elle avait dû utiliser un rituel pour me faire prendre de l’âge plus rapidement. En une journée je prenais plusieurs mois au point qu’une année suffisait généralement pour passé de nourrisson à enfant de sept petites années en apparence. Plus rapide que ça et c’était ma santé que je m’étais en danger. Il fallait une grande quantité de ressource biologique au développement d’un corps, alors une croissance accélérer n’avait rien d’inoffensive.

       Mais si je devais mourir encore et renaître avec mes souvenirs de cette vie dès la naissance, il était hors de question que je subisse une croissance normale à nouveau. Et pourquoi ? Me taper à nouveau la crèche et l’école primaire ? Par pitié, non… Plutôt crever à nouveau. Fuck. Et renaître sans doute avec le même problème. Quoi qu’il en soit, une fois chez lui, je cédais à lui révéler un peu plus sur moi. Il n’était pas lié à mon père, alors je n’avais pas à craindre qu’il me balance à ce dernier en lui indiquant où je me planquais. « Yep ! » Répondis-je en me servant de nouveau un verre de cette merde russe. Meilleure médecine contre le mal de crâne, noyer la douleur dans l’ivresse. « Celui que l’église à tendance à confondre avec Lucifer, tu sais, la tête de Bouc. Il n’a pas trop aimé que je me tire de son harem. » Je relevais mon regard vers lui… « A priori, je suis donc en partie un démon, est-ce que ça te pose un problème ? » Question légitime… Combien de puritains m’avaient fait brûler parce que mon crime fut d’avoir vu simplement le jour ? J’avais longtemps perdu le compte.

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         Il y avait cette ambiance un peu chill, une tranquillité qui me faisait oublier la désagréable sensation qui m’avait parcouru en entrant pour la première fois. Mais ce mal de crâne n’était plus si insistant comme si finalement, il fallait que mon mental face le premier pas pour que la douleur se fane telle une plante en fin de vie. Sa question laisse un rire gras s’échapper de mes lèvres… Non pas que j’ignorais le sens derrière celle-ci, j’avais appris que les humains avaient facilement tendance à abandonner l'espoir dans l’agonie. Mais justement parce qu’il dépendait de ce concept d’espoir. Une sorcière telle que moi, était bien plus pragmatique, j’ai toujours cru que s’il y avait un problème, il y avait une solution équivalente. J'ai donc cherché cette solution, alors je lui révélais. « Bien sûr.... il y a même une solution pour détruire cette malédiction, mais ce qui impliquerait une conséquence, dont le désastre est sans doute équivalente à la fin de plusieurs astres. » Et je ne cherchais pas à l’impressionnant ou l’effrayer.
         C’était un fait, un fait que j’avais appris d’une entité qui était justement assez puissante pour en détruire le cycle en question. « Je t’ai parlé de Dream, tu dois sans doute connaître sa sœur… Death. Je la rencontre à chaque fois que je meurs comme tout existence en ce monde en soit… Forcément, en réalisant que je ne trouvais aucune solution sur Terre, je lui ai simplement demandé d’empêcher ma renaissance… Mais elle m’a fait comprendre que si elle était bien en mesure de briser le cycle, elle ne le ferait pas. Selon elle, les chaînes qui me retiennent à ce monde, si elles venaient à se briser, elles pourraient percer le voile qui sépare certaines réalités qui se chevauchent dangereusement. Si cela se produisait, même dans la mort, je ne serais guère en paix. » Alors, oui, j’ai abandonné l’idée, car si j’avais pu me libérer de ce cycle, cela aurait été à quel prix ? Je ne pouvais même pas dire que je détestais suffisamment les humains au point de vouloir les condamnées à une existence étrange et chaotique, car ce serait faux.

           Mais surtout, je savais que ma mère souffrirait aussi de ma décision de briser ce cycle. Et j’aimais ma mère beaucoup trop pour accepter d’être aussi égoïste. Alors non… Je préférais mourir, puis renaître et ainsi, accepter mon éternelle souffrance. De toute façon, je le méritais après toutes les horreurs que j’avais commises en tant que sorcière LaSombra. C’était ça, mon enfer et ma pénitence. Je l’acceptais. Concernant, le fait qu’il n’ait jamais eu à faire à lui, me soulageait. Pas de rancune potentielle particulière qu'il pourrait avoir à mon encontre. Les humains avaient cette tendance et ce besoin de trouver un bouc émissaire à leur malheur et j’avais souvent été la cible de leur mépris et leur haine à cause des méfaits d’un autre. Parce que j’étais ce que j’étais, une entité qu’il considérait impie à la vie. Eux, dont la nature pouvait être plus dégoûtante que celle d’un démon. Eux qui étaient souvent les monstres qu’ils craignaient plus que celle dont ils inventaient le récit pour effrayer leurs enfants dans le noir.
            En cela, j’ai toujours trouvé les mortels hypocrites. « Ouais, genre... Si j’étais un problème, tu serais pas plutôt dans le pétrin ? Il ne t’a pas suffi de grand-chose pour me faire venir ici. » J’étais franche, je pouvais tout aussi bien feindre mon attitude, ce qui aurait pu être le cas si j’étais celle que je fus à l’époque du Coven. Une sorcière. Ce nom n’avait plus le sens qu’on lui donnait autrefois, aujourd’hui, c’était stylisé, parfois un mage était un sorcier ou un sorcier un magicien. Ça n’avait pas de sens. Pas pour ce que j’étais. La sorcière était la chose dans les bois que l’on devait éviter, au point même de s'abstenir d’en prononcer le nom, elle qui était aux lèvres des toutes les superstitions. La sorcière était une entité à l’origine de bien de paranoïa collective, la simple évocation de ce nom faisait naître l’hystérie… Chacun allant de bon grain, accuser un proche d’être les suppôts de Satan. Aujourd’hui… Eh bien, Harry Potter. Please. « Encore heureux que je ne désire pas la pitié des gens. »

            La menace ne m’effleura pas l’esprit, ce n’était pas comme si j’avais envie de vivre, ni même de mourir. Le temps m’avait rendu indifférente. Mourir et renaître, rendait le concept en lui-même bien moins spécial ou unique. Et pour avoir rencontré à la personnification de la Mort elle-même, il n'était presque pas normal d’en avoir encore peur après six siècles de cycle. Il n’y avait pas non plus d’hostilité de ma part envers ses propos, j’avais simplement haussé les épaules. S’il était capable de briser le cycle sans conséquence, je serais même la première à le remercier. Je restais un démon et dans la mort, je devenais plus forte, me rapprochait davantage de ma nature succube. C’était peut-être pour ça que mon père avait fait en sorte que je sois à jamais piégé dans une enveloppe de chair aussi fragile que celui-ci. « Je l’ignore… Le premier souvenir que j’ai d’elle, tu l’as déclenchée au club. Tout ce que je sais, c’était que j’étais revenue au monde il y a peu, je n’étais qu’une enfant quand elle m’a trouvé. Âgée de trois ou quatre années de vie. »
          Elle ne me semblait pas hostile, c’était ce que je pensais… Mais je ne pouvais me fier à ce simple flashback pour émettre ce genre de jugement. « De toute façon, mes souvenirs de mes anciennes vies et ma nature semi-démoniaque commencent à émerger à l’adolescence, sauf à quelques exceptions. J’étais donc aussi vulnérable qu’une humaine de cet âge lorsqu’elle m’a trouvé. »

copyright Bloody Storm

"Basic Instinct"

La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

         L’on pouvait croire qu’avec un comportement comme le sien, il n’y aurait pas d’entente possible entre moi et ce type. Mais en réalité, c’était bien tout le contraire. Sa franchise, la dureté de ses mots, son attitude désinvolte, étaient ce que j’appréciais le plus chez une personne. Peut-être parce que j’étais pareille. Je haïssais l’hypocrisie, se montrer généreux en espérant quelque chose en retour était ce que j’exécrais. La générosité inconditionnelle avait aussi tendance à provoquer de la frustration en moi. Cependant, ces personnes qui agissaient pour le bien des autres en dépit des épreuves qu’ils subissaient en retour, sans rien attendre, avait quant à eux tout mon respect. Leurs âmes étaient d'ailleurs un bien des plus précieux, bien plus que le commun des mortels. C’était une chose que je savais personnellement, ayant souvent moi-même condamnée ces personnes si altruistes à l’autel du sacrifice. Leur âme ayant nourri tant de fois ma magie. Oui… J’étais un monstre, c’était bien pour cette raison que j’avais acceptée mon sort quant à ce cycle de réincarnation.
            Mais en cette vie, j’avais déjà commis des atrocités, c’était sans doute pour cette raison que je cherchais à le pardon en rendant service à ces êtres, qui dans la mort, n’arrivaient guère à trouver le repos. Je me disais que s’il y avait une petite chance qu’ils traversent le voile, destin qui m’était interdit, alors je le ferais. Constantine annonça que c’était le lot de toute malédiction qui se respectait. Ce n’était pas moi qui allais lui donner tort. Lancer des malédictions a toujours été l’apanage des sorcières, j’avais en plus de cela était bercé depuis l’enfance dans l’utilisation de la magie noire. Forcément, j’étais la première à savoir à quel point il était simple d’en lancer une, mais extrêmement difficile, voire impossible d’en annuler une avant qu’elle n'ait fait son œuvre. Souvent, il était plus simple de la briser après coup, mais pas sans conséquence pour les plus terribles d’entre elle. Il y avait ce principe d’échange équivalent dans l’alchimie, un principe qui s’appliquait tout aussi grandement avec ce genre de malice.    

             Quant à sa question sur la condamnation du monde si la malédiction est brisée, je me laisse tomber sur son canapé. Faisant finalement comme chez moi, comme il me l’avait si bien proposé. Je tendis mes jambes avant de porter mon verre à ma bouche, ma voix se noyant progressivement à l’intérieur du récipient. « C’est ça ! Papa devait certainement savoir… » Je pris ma gorgée et poursuivis. « … Savoir que je trouverais un moyen de briser sa malédiction, il l’a renforcé par précaution, j’imagine. » En réalité, ce n’était pas tout à fait exact… Il savait surtout que Kassandra chercherait un moyen de briser la malédiction, sa première-née, ma mère, n’était pas la mère suprême du Coven sans raison. Un titre donné uniquement à la sorcière la puissante et la plus érudite d’un Coven. La plus âgée de mes sœurs, n’avait que 900 ans, j’en avais 600 de mon côté. Mais Kassandra, était âgée de deux millénaires. Elle avait beau être une semi-démone, elle avait longtemps rendu son existence similaire à un pure-blood d'où son immortalité physique.
            Ma mère était pour mon père, sa reine… S’il pouvait nous tuer sans sourciller, Kassandra était celle qui voulait à ses côtés dans l’éternité. Et je savais pertinemment qu’il la cherchait depuis ses derniers siècles, c’est pourquoi mère et moi vivions une vie de nomade jusqu’à construire l’hôtel de Baba. Donc s’il avait renforcé la malédiction, c’était surtout pour ne pas que sa première-née brise ce dernier. Si j’étais prête à parler de moi à Constantine, il était hors de question que je lui mentionne l’existence de ma mère. Pour elle, j’étais prête à brûler le monde s’il le fallait. « Je sais, je sais… Tu es le grand Constantine. » Me moquais-je gentiment quand il me demanda de regarder autour de moi. Me prélassant un peu plus sur son canapé quand il rétorqua à raison qu’il ne m'avait pas fallu grand-chose pour le suivre. « Je suis une sorcière, je suis un cas désespéré de base. » Ricanais-je alors à mon auto-dérision, rajoutant. « Peut-être qu’on est tous les deux irrécupérables. »    

          Il faut être un peu dérangé pour faire ce qu’on fait… Lui chasser les démons, moi, les ordures de la pire espèce. Il annonça que ce n'était pas son rôle et je me pris à nouveau une gorgée, me concentrant sur la sensation de brûlure au niveau de ma gorge. « Ça devrait être le rôle de personne. » Au final, beaucoup payent le prix d’une pitié mal placée. Je payais encore le prix du mien. La discussion se poursuivit, mon verre se vida de nouveau, mais cette fois un simple chuchotement et ce dernier s’était de nouveau remplie de son contenu. « Non, uniquement, quand je dors normalement... Tout ce que je sais de mes vies antérieures me viennent de plusieurs journals intimes des précédentes ‘‘moi’’ et souvent, ce que je me rappelle pendant mes nuits, sont des moments traumatiques ou d'obscur flashback. » J’avalais d’une traite mon verre avant de me lever, les effets de l’alcool commençant à faire effet. « Des fois, je reviens à la vie avec la mémoire intacte et la personnalité que j’avais dans ma précédente vie. Sans ces exceptions, celle que je suis aujourd’hui, n’est pas la même que celle que j’étais avant. Pas les mêmes lobbies, des goûts différents et un caractère opposé. »
         Je me levais pour m’approcher de lui… « Si je revis souvent mon enfance et mon adolescence, l’expérience est toujours différente, par conséquence le caractère et la personnalité que je me forge n’est plus la même. Mais il arrive des fois que je revienne au monde avec tous mes souvenirs d’une vie antérieure en particulier et dans ce cas, je suis consciente de qui je suis, je reste la même que celle que je fus, mais c'est rare… » Dans ces cas-là, je suis littéralement une adulte dans le corps d’un enfant. « Dans cette vie, je n’ai pas eu la chance ou la malchance de garder la conscience que j’avais durant mon existence précédente. Toutefois, dans la mort, les limites du corps humain ne sont plus, je me rappelle alors de toutes mes vies sans exception.  » Je restais un moment silencieuse... Je ne savais pas trop si c'était l'alcool, mais je me souvenais plus du tout s'il m'avait donné une explication sur la raison pour laquelle il avait vendu son âme. « Pourquoi as-tu vendu ton âme à Lucifer ?  »

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La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

         J’ignorais si John avait raison ou tort ? La peur définit par les humains étaient un concept différent de celle des démons. Tout simplement parce que la psychologie humaine était par essence différente de celle d’une autre créature qui n’aurait pas appris à vivre de la même manière qu’eux et de ressentir le monde comme il le ressentait. Par exemple, il y avait la peur du noir chez les enfants et qui persistait parfois chez les adultes. Mais comment avoir peur du noir si on y voyait comme en plein jour ? C’était l’expérience que l’on vivait au quotidien qui forgeait ce que nous devenions, que ce soit ce que nous aimions, détestions ou même ce qui nous angoissait. La peur du noir ne partait pas de nulle part, elle était liée à une expérience ou même instinct ancestrale latente chez les humains qui devaient souvent survivre la nuit face au prédateur du temps des cavernes. Mais le démon, s’il n’est pas l’incarnation de leur peur, il en est l’un des instruments.
         Est-ce que mon père avait ses propres peurs ? Sans doute, mais elle n’était probablement pas associable aux concepts psychologiques de nature humaine. L’on disait que l’on ne pouvait comprendre les intentions de Dieu, que sa volonté divine était pour vue d’une sagesse qui dépassait la réflexion des pauvres mortels. Ils avaient une phrase pour ça, je crois : ‘‘Les voies du seigneur sont impénétrables’’, n’est-ce pas ? Ce n’était pas à prendre au sens propre du terme… Le monde physique était différent de celui spirituel, les défauts de l’un était ignorée par l’autre. Par conséquent, l’on ne pouvait s’attendre à ce que l’un comprenne la nature de l’autre. Et à raison, mon père avait beau prétendre connaître les hommes, leur perfidie, leur faiblesse, etc... Il était bien loin de savoir à quel point l'esprit humain était complexe, puisqu'au final, il ne m'avait jamais compris moi, mes sœurs ou même sa première-née, ma mère. Mais est-ce qu’ils avaient renforcé cette malédiction parce qu’il avait peur de quelque chose ? Je l’ignorais. Tout comme au final, j’ignorais s’il m’aimait comme sa fille ou si d’ailleurs, il était même capable de faire preuve d’amour.

           En effet, l’amour était encore un concept inventé par les hommes. Au final, ce que je ressentais aujourd’hui pour ma mère, est-ce qu’il en était de même dans mes autres vies ? Puisque ce que j’étais aujourd’hui était dû au fait que ma mère avait choisi cette fois de m’élever comme une humaine, avant que la mémoire surnaturelle me force à me rappeler en partie de qui j’étais et de ce que je pouvais faire. J’écoutais les théories de l'homme sans rien rajouter… Après tout, ce n’était pas le genre de question à laquelle je pouvais répondre dans l'instant. Je ne savais même pas qui était réellement mon père et en soit, c’était un peu ça le plus triste. Il n'a jamais été sincère avec nous. La suite de la conversation s’attarda sur ma mémoire… Et le cruel destin auquel m’avait condamné justement ce père indigne. Mourir et redevenir moi, sans vraiment l’être. Finalement, ce n’était pas moi qui étais punie dans l’histoire. Je n’avais jamais vraiment conscience de ce que j’étais à chaque renaissance, sauf exception.
         Qui devait être témoin de chacune de mes morts ? Et qui donc devait me porter au sein de son utérus, supportant la grossesse cyclique du même enfant destinée à périr devant ses yeux ? Qui devait supporter d'éduquer cette enfant qui jamais n’était la même et pourtant, aux traits faciaux toujours identiques ? Cette malédiction était avant tout destinée à faire souffrir Kassandra, le véritable amour de mon père, si l’on considérait qu’il était capable d’un tel sentiment. Sinon, le terme plus exact, serait sans doute ‘‘obsession’’. Je m’étais levée et je m’étais cette fois intéressée au cas de l’exorciste. Pourquoi avait-il cédé à la facilité, lui qui pourtant devait connaître ce monde mieux que la plupart des autres mortels ? Sa réponse me laissa quelque peu dubitative… Au final, même lui était humain et pleine de faiblesse. Ce n’était peut-être pas un défaut en soit… La valeur de l’âme humaine était si grande, justement à cause de leur défaut qui les rendait uniques.

        Il y eut un silence à la fin de sa réponse, presque trop long en soit… Je déposais alors mon verre et je commençais alors à me diriger vers la porte d’entrée. J’annonçais entre temps. « J’imagine qu’on a tous un peu nos problèmes, je te souhaite bonne chance en tout cas pour régler les tiens. » Je me retournais une dernière fois pour lui indiquer mes remerciements, mais alors je m’étais abstenue pour une raison que j’ignorais, comme s'il était soudainement trop maladroit de me montrer polie avec lui. « Tu me trouveras certainement au Black Cat un de ces quatre, si tu veux tuer le temps, l’exorciste. »

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