Black and Blue [Intrigue III - Terminé]

Black and Blue

Bruce Wayne & Richard Grayson

« Sous les dépôts de fret du Gotham Piere, 07 août 2022»

Je dois prévenir. Je ne veux pas encore avoir à guérir. Je leur fais confiance, dans une certaine mesure du moins, à toute cette jeune génération qui s’est mise en avant pour nous remplacer, pour tenir la barre quand nous ne le pouvions pas, absents et perdus dans l’espace et dans le temps. Pendant que je rapiéçais une armure comme je le pouvais, que je mangeais du gibier et des racines sur un feu de camp improvisé, que je contemplais les étoiles inconnues d’un monde qui l’était tout autant, je me demandais. Tiendront-ils, sans nous ? Plusieurs fois, j’ai douté. Plusieurs fois, j’espérais simplement. Toujours, je me torturais de savoir si tout le monde était toujours en vie. Je me rassurais en me disant que j’avais laissé un monde globalement en paix, bien protégé par des gens que j’avais pu pour certains former.

Et puis, je suis rentré. Deux ans pour eux. Dix, pour moi.

Je n’ai pas eu le temps de tous les revoir, de tous les retrouver. De prendre le temps. Joker et Bane ont détruit un peu plus ma vie, et n’en ont laissé que des ruines saturées de traces et d’indices pour que je me lance à leur recherche. J’ai compris, dans le piège tendu le 15 juillet par Joker, que je dois désormais devenir autre chose pour l’arrêter, lui comme tous les autres. Et puis il y a eu l’assaut sur la prison. Les histoires, et les rumeurs. Et ce plan que j’ai dessiné. Ces contacts que j’ai noués.

Je vais devoir repartir, je vais devoir tout miser à nouveau. Parce que le combat que j’ai commencé est aujourd’hui plus désespéré que jamais. Je vais rejoindre Talia et Nanda Parbat, et affronter un destin que l’on a jadis essayé de m’imposer. Aujourd’hui, je suis prêt. Aujourd’hui, je sais ce que je dois faire. Je ne suis plus dans la réaction. C’est à mon tour de leur imposer mon rythme. Mais je ne peux pas m’engager dans cette croisade noire seul, comme jadis. Les menaces sont bien plus nombreuses, et bien plus puissantes. Pour avoir partagé huit ans d’errances et d’horreurs avec elle, je sais que Diana est marquée. Arthur et Barry, tout comme Victor, ont leurs propres soucis. Je ne parle pas de Clark. Qui lui m’inquiète plus que tout autre. Et si je dois désormais compter sur d’autres alliés, plus jeunes, moins expérimentés, je sais aussi que je dois les ménager. Le contexte de leur propre combat est différent du mien. Et il n’y a pas que ça. Ils sont simplement différents de moi.

Alors, puisque je sais que les Titans et Nightwing avant tout utilisent les anciennes planques de Batman à Gotham, j’active délibérément l’alarme de l’une d’elles. Je ne suis pas venu en tant que Batman, ce soir. Car Bruce Wayne, en rachetant sa propre entreprise perdue durant ses propres errances, vient de rendre public un accord de fusion avec Vanaver Corporation, et qu’il se trouve engoncé dans des démarches juridiques, comptables et médiatiques sans arrêt depuis quatre jours maintenant, presque vingt quatre heures sur vingt quatre. Je suis fatigué. Plus ou moins qu’en survivant à la belle étoile, dans un monde peuplé de monstres affamés ? Plus ou moins qu’à une époque où je me battais seul contre la pègre de Falcone, contre les premiers clowns et les hommes de Riddler ?

Tout se mélange dans ma tête, les anecdotes, les cauchemars du passé comme du futur, de mon inconscient malmené par deux décennies d’horreurs et de mauvaises nuits. Je reste là, à l’entrée du sous-sol, devant un entrepôt désaffecté. Engoncé dans un caban noir, malgré l’été, je vois à l’horizon, sur l’océan, les nuages noirs qui couvrent le crépuscule et les flashs épisodiques qui en agitent les masses noires. On voit le rideau de pluie couvrir l’horizon ; la tempête arrive. Gotham est belle, en été. Et c’est aussi là qu’elle est la plus terrible.

Je le sens derrière moi. Je l’ai formé, jadis. Mais je n’ai eu qu’à développer des talents déjà présents. Je ne me retourne pas, admirant à quelques miles le spectacle qui ne tardera pas à nous atteindre.

| Salut, Dick. |

Comme toujours, une voix calme, maîtrisée. Une inspiration profonde, claire. Quiétude bien plus éloignée de ce que je ressens.

| Je suis content de voir que tu surveilles toujours cet endroit, et les autres. |

Je me tourne face à lui, regard habitué déjà à la pénombre crépusculaire.

| Tu es seul, ou d’autres Titans sont avec toi ? |

On ne sait jamais, au cas où il aurait craint une véritable intrusion…

(c) DΛNDELION

I'm Vengeance. I'm the Night. I'm Batman.

Don't say goodbye. Don't say I didn't try... These tears we cry. Are falling rain. For all the lies you told us. The hurt, the blame! And we will weep. To be so alone. We are lost! We can never go home. The Dark Knight (c)codage - Kanala - texte (c)Long Ways to Go Yet, Howard Shore

Black and blue

@Bruce Wayne

« Black and white creates a strange dreamscape that color never can.» Jack Antonoff

Les difficultés s’étaient amoncelées depuis le départ de la Justice League et finalement aujourd’hui j’avais le sentiment qu’il restait bien plus de ruines calcinantes du monde ancien que l’on avait connu plutôt que d’espoir à miser sur un avenir meilleur. Sempiternellement, le bien et le mal se sont défiés, affrontés, confrontés, heurtés. Ultimement, le bien semblait toujours braver tous les dangers pour revenir à un statu quo qui semblait éternel. Je l’avais beaucoup abhorrais celui-ci, le trouvant finalement peu confortant, permettant toujours l’éclosion nouvelle du mal et par suite logique, une augmentation toujours plus grande d’un nombre de victimes que nous aurions dû protéger. Désormais, il n’existait plus et j’en étais encore moins heureux. La lumière n’avait pas su braver l’obscurité du grand plan, laissant le chaos et l’injustice se répandre de partout, en tout point, comme un poison se déversant dans les veines à l’échelle des grandes villes du pays. Tandis que les héros, les grands, étaient partis combattre à des lieux d’ici une menace lointaine, la nouvelle génération n’avait pas réussi à empêcher les racines du mal de s’étendre et de croître. Nous avions échoué, j’avais échoué. Orgueilleusement, j’avais envie de dire que cela m’avait plus marqué que les autres, mais ce n’était pas vrai. Nous avions tous subis des pertes importantes, incapable de prévenir le sombre avenir qui arrivait, d’empêcher la tempête de balayer des proches… Rachel… puis Jason. Pourtant face à la puissante des déferlantes, tout repos nous été interdit. Nous avons tenu du mieux que nous avons pu, en sachant que cela ne serait jamais assez. Combien de fois ai-je rêvé du retour de la Justice League ? Des jours, des semaines, des mois, des années. Chaque réveil ressemblait à un cauchemar éveillé. Dernièrement, ils étaient revenus, sains et sauf pour la plupart. Et pourtant peu ou proue n’a changé.

Il était pour moi difficile de faire face à ses héros qui ont obtenu mon admiration et qui pourtant étaient à l’origine d’une profonde amertume. Batman en était la tête de gondole, une idole qui désormais perdait pied dans mon estime, l’inverse devant certainement être tout aussi véridique. En fait c’était peut-être pire, je ne savais pas sur quel pied danser ou quoi penser à son égard. De la reconnaissance il y en avait. De la sympathie, également. De l’amicalité même. Et pourtant, j’avais le sentiment d’un abîme nous séparant. Comme si nous étions devenus deux personnes définitivement étrangères l’une pour l’autre. Nos liens ont toujours été ambiguës. J’avais refusé de le considérer comme un père véritable, chose que j’avais parfois clamé haut et fort lors de la fin de mon adolescence. Pourtant à bien des égards, Bruce a été la principale figure paternelle de la seconde partie de ma vie, après avoir quitté le cirque. Même lorsqu’il n’était pas là, même après la destruction du manoir Wayne, c’était ses planques et ses réseaux que j’utilisais, avec les Titans, pour faire prévaloir une forme de justice encore, certes balbutiantes. Toujours son ombre rassurante avait été là, non loin. Difficile de reconnaître qu’aujourd’hui celle-ci avait plus un côté inquiétant désormais.

Alors que la nuit semblait moins agitée que d’ordinaire, ce qui veut dire que l’on restait bien loin d’un calme plat, une alarme de l'une de nos planques se déclencha et il apparut assez tôt que l’individu ayant commis cette action l’ai fait avec pleine conscience ce qui n’était pas forcément chose rassurante quand l’on savait toute l’affection dont faisait preuve les pires tordus de l’univers pour s’amuser avec leurs antagonistes. Pourtant mon intuition m’indiquait tout autre chose. C’est seul, et un peu contre l’avis de mes camarades, que je me dirigeai vers l'entrepôt désaffecté. Agissant avec prudence je pu observer un homme dont la silhouette m’était bien trop familière pour ne pas le reconnaître. Ordinairement, je l’aurais rejoint tout de suite, pourtant tout comme il a l’air de contempler le monde l’entourant, je reste béat quelques minutes à l’observer, à me questionner sur le sens de cette visite impromptue. Puis je finis par me mouvoir. Certainement m’avait-il déjà remarqué, le protagoniste me connait depuis longtemps et il m’a formé. Par des pas lestes, je m’approchais de lui alors que son regard était toujours perdu sur l’horizon.

Il me saluait et je fis de même. « Salut Bruce. » Il était en tenue civil tandis que j’étais Nightwing. Il y a 16 ans, c’était l’inverse et ce trait d’esprit m’amusait un peu. Il était allègre d’apprendre que je surveillais toujours les lieux, mais la réalité c’est que les choix restaient limités. Et je ne parlais malheureusement pas que de liens de nostalgie. Le multimilliardaire restait égal à lui-même tant dans les formes que le ton. « Je suis venu seul. » Et je ne manquais pas de rajouter. « Je ne pense pas que l’un de mes camarades Titans m’ait suivi. Il n’y avait que toi pour te faire repérer aussi vite. » Puisqu’il se posera probablement la question. Ce n’était pas très dur de comprendre que ce qui l’intéressait c’était une conversation privée. « Tu as de la chance que l’on surveille encore cette planque. Ce n’est pas le cas de toutes. C’était ton premier essai ? » J’hésita à envoyer une légère pique afin d’aborder le sujet de la technologie moderne, des portables… mais rien qui n’offrait une sécurité aussi absolue qu’une rencontre fortuite au clair de la nuit. Je pris place à ses côtés, tous deux debout, le dévisageant malgré la pénombre des lieux. « Que me vaut le plaisir de ta visite ?»

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Bruce Wayne & Richard Grayson

« Sous les dépôts de fret du Gotham Piere, 07 août 2022»

Il n’est pas encore l’heure de faire les choses différemment. Ce n’est pas encore le moment d’avancer dans la même direction. Au Grand Plan, je réponds par ma propre planification. Aux mystérieux rouages d’un édifice sans nom bâti par un adversaire qui se tient encore dans l’ombre, je réponds par mes propres préparatifs. Je ne suis certes pas en position de savoir contre qui ou contre quoi je me bats… Pas encore, du moins. Mais ça n’empêche pas que je doive me préparer à cette confrontation, comme à toutes les autres. Et dans l’attente de savoir qui s’en est pris à nous tous, de la Ligue de Justice, je peux bien me préparer au pire, et toujours faire en sorte que les choses se passent pour le mieux. Ou en tout cas, pour le moins pire.

C’est pour ça et pour bien d’autres choses que j’essaie de voir Dick avant de partir. Beaucoup de choses vont changer. Tout va changer, en vérité. Je me dois maintenant d’avancer. Les criminels et les fous ont tous fait ce qu’ils pouvaient pour profiter de la situation, en mon absence.

Maintenant, c’est mon tour de répliquer.

Le jeune homme arrive. En tenue ; il y a un très discret bruit quand il bouge. Je le reconnaitrais toujours, pour en avoir jadis développé une première version avec Alfred. Je le laisse continuer. Me tancer, un peu. Il est presque arrogant, s’il n’est pas simplement sur ses gardes.

| Oui. Je sais ce que vous surveillez. Je sais aussi ce que vous ne surveillez pas. Du moins, j’en sais suffisamment. |

Je me retourne vers lui et vois qu’il me dévisage. Je regarde sous son masque, ou plutôt au travers, pour bien distinguer ses yeux.

| Je suis venu pour te dire que je pars à nouveau. Pas pour trop longtemps, normalement. |

Je lâche ses yeux du regard, souris d’un millimètre ou deux seulement, mais c’est bien assez. Dick sera peut être en colère. Ou peut-être qu’il s’y attendra. Je n’en sais rien. J’ai le sentiment de ne plus le connaître, si seulement je l’ai déjà connu.

| Je ne peux pas te dire où. Pas encore. Mais je travaille à des solutions, et je ne veux pas perturber votre quotidien, ou les actions en cours. |

Je me fais la réflexion à moi-même que tout ça est encore terriblement énigmatique, et que le jeune homme va sans doute encore rire jaune.

| J’ai conscience du risque et du danger que mon retour a induit. Je sais que vous pâtissez tous d’un regain d’activité de mes adversaires. Je suis… Pour ce que ça vaut, je suis désolé, Nightwing. |

je suis repassé au pseudo comme j’ai vu la tenue… On ne sait jamais.

| Je n’aurais jamais pensé partir si longtemps, ni que ça aurait de telles conséquences… Et pourtant, Joker m’a fait comprendre, avec tous les autres, que je devais explorer de nouvelles solutions. Je ne suis pas là pour en débattre ; vous avez vos méthodes, et elles se perfectionneront encore avec le temps. Mais je voulais te prévenir ; je pense être absent deux semaines, environ. |

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Don't say goodbye. Don't say I didn't try... These tears we cry. Are falling rain. For all the lies you told us. The hurt, the blame! And we will weep. To be so alone. We are lost! We can never go home. The Dark Knight (c)codage - Kanala - texte (c)Long Ways to Go Yet, Howard Shore

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@Bruce Wayne

« Black and white creates a strange dreamscape that color never can.» Jack Antonoff

Le revoir après tout ce temps était un peu crève-cœur. Difficile de savoir si je suis content ou au contraire si je devais me méfier du pourquoi de cette rencontre. Les conditions ne présageaient rien de bon. Il y avait le sceau du secret déjà. Le lieu, la manière de se faire remarquer qui était loin d’être innocente. Ce n’était pas un rendez-vous d’amabilité même si nous conservions un curieux lien familial se rapprochant d’un paternel et de son fils. Difficile pour moi de le regarder en face quand j’ai été bien incapable d’agir effifacement lorsque le grand plan s’était enclenché et que nous avions tous été incapable d’y faire face. Alors le retrouver là, en pleine nuit, loin des conventions établies, offrait un développement de sentiment contraire. « J’imagine bien. Nous… je n’ai guère innové pendant ton absence. » Constat amère, mais l’urgence avait plutôt conduit à se replier sur les intemporelles bastions plutôt qu’à l’innovation. Peut-être était-ce là ce qui m’avait tant fait défaut durant les derniers mois. On ne le saura jamais cependant, les regrets étaient bien présents eux, et nombreux de surcroît. Bruce n’était pas vraiment réputé pour exprimer ses émotions cependant, comme autrefois, j’aurais bien apprécié recevoir une tape dans le dos pour avancer. Présentement, c’était chose inimaginable.

La chauve-souris m’annonçait qu’il s’apprêtait à partir de nouveau, loin de tout sans me détailler quoique se soit. Je soupirais, pas vraiment surpris de l’information. Je ne m’attendais pas à grand-chose, difficile d’être déçu dans ces cas-là. « On est habitué, ne t’en fais. » narrais-je en haussant les épaules candidement. Batman avait un plan et nous n’étions que des spectateurs qui parfois jouaient le rôle d’acteur. Rien qui sortait de l’ordinaire donc. Il s’excusait platement. Était-ce sincère ? Je ne sais pas. Néanmoins, je n’avais pas particulièrement la force d’houspiller contre lui. La situation actuelle n’offrait guère ce luxe. « Inutile de demander plus de précisions que ça je suppose. On tiendra la baraque pendant ton absence. C’est ce qu’on a fait pendant plusieurs années. Ce n’était pas très glorieux, donc j’espère que tu reviendras rapidement. On a besoin de toi. Nightwing et moi inclus. » J’enlevais mon masque. Deux semaines c’était long. Et la dernière fois aussi l’aventure devait être courte. Pourtant elle s’éternisa.

« Je prendrais soin de la batfamily pendant ton absence. Mais tu as intérêt à revenir avec un sacré plan pour encore nous laisser tomber une fois de plus. » Le ton était humoristique mais il n’en restait pas moins que dans le fond, il traduisait bien une partie de ma pensée. Non pas que j’accusais son absence des dernières années, il n’y était pour rien. Cependant, il fallait souvent que beaucoup de choses tournent uniquement autour de sa famille, oubliant que c’était en famille que l’on était plus robuste. « J’en conclus donc que je dois faire comme si nous n’avions jamais eu cet échange et ne rien changer à l’ordinaire. Barbara et Tim sont au courant ? » Ou bien était-ce moi qui allait devoir leur expliquer la situation. Il ne serait pas vraiment étonnant que Batgirl soit déjà au courant, le contact passait mieux entre Bruce et elle. « Est-ce que tu as pu voir les progrès de Robin ? Il grandit vite aussi. C’est un peu étrange de se retrouver à ta place je dois dire, même les circonstances sont différentes. J’espère que j’aurais autant de carrure que toi pour supporter cette tâche. »

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Bruce Wayne & Richard Grayson

« Sous les dépôts de fret du Gotham Piere, 07 août 2022»

Toujours concentré sur ce que j’ai à faire, rarement porté sur l’émotion, je fais comme je peux pour que l’on ne m’en tienne pas trop rigueur mais c’est parfois peine perdue. Je sais depuis toujours que mes enfants adoptifs, des adolescents ou jeunes hommes maintenant, avec les années qui passent, ont toujours eu besoin d’une figure paternelle, voire de grand frère. Je n’ai que rarement été en mesure de la leur donner. Je me rappelle quelques anecdotes, mais j’ai une excellente mémoire. Ce qui veut dire surtout, plus tristement… Que nous n’avons pas tant de moments partagés en dehors des entraînements, des moments de préparation divers et variés, des cours aux ateliers et à tout ce qu’il pouvait y avoir eu dans leur apprentissage. Un bon mentor ? peut être. Certainement pas la figure qu’ils attendaient tous de moi. J’avais toujours vécu avec cette connaissance de fait. Je ne réagis pas aux premiers mots de Dick, et je ne trouve rien à dire non plus quand il me dit qu’il est habitué au fait que je parte. Je sens toute la puissance de sa résignation.

Je rumine quelques instants, avant de trouver de quoi lui répondre.

| Je vous expliquerais tout à mon retour. En parler maintenant serait… Prématuré. Je ne sais pas du tout ce que mon départ va provoquer. Je ne sais pas s’il portera ses fruits. |

bref, prématuré. Je ne veux pas générer d’attentes qui ne se retrouvent trompées pas plus que je ne souhaite produire de réticences voire de méfiance exacerbée. Dans tous les cas, je sais qu’ils sont si habitués justement à ce que je m’absente, surtout depuis la création de la Justice League, qu’ils ne risquent pas de me mettre des bâtons dans les roues, consciemment ou non. J’essaie de me montrer plus avenant. J’essaie d’esquisser un sourire. C’est encore plus difficile qu’avant. Car toujours aux côtés de Dick je vois Jason… Jason qui s’est fait battre à mort à coup de barre à mine par le Joker et ses hommes. Alors, j’essaie quand même de répondre correctement à ses questions, à son besoin non pas d’information mais plutôt de… Réassurance ?

| Je compte sur toi, oui. Mais aussi sur tous les autres. Je ne vous ai pas entraînés ensemble pour que vous agissiez séparément… L’idée, c’était de ne pas reproduire mes propres débuts avec vous. Vous êtes plus forts en équipe. Vous l’avez toujours été. Et sans vous, pendant ces di… deux années d’absence, et bien, Gotham serait dans un état terrible. |

Je détourne le regard, distingue la nuit de Gotham et ses multiples lumières nimbant son ciel depuis le sol.

| Il faut être exigeant avec soi-même, Dick… Mais pas trop dur. |

Quant à Tim… Ca me serre le cœur, et c’est extrêmement douloureux. Tout me renvoie à Jason, les concernant. Ils sont tous différents. Ils l’étaient, du moins. Et la manière dont est mort Jason ne fait que le souligner un peu plus. Mais ça reste un crève-cœur. Ca ne me fait pas moins aimer ou respecter les survivants, loin de là. Je souffre simplement des conséquences de ma propre absence et de mes insuffisances, quelles qu’elles soient.

| Je n’ai que croisé Tim, pour le moment. Comme Barbara. Comme tous les autres. |

Je pose ma main sur l’épaule de Dick.

| Il faut que tu sois meilleur que moi, pourtant. Car c’est de toi dont ils ont besoin aujourd’hui, et pas de moi. |

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Don't say goodbye. Don't say I didn't try... These tears we cry. Are falling rain. For all the lies you told us. The hurt, the blame! And we will weep. To be so alone. We are lost! We can never go home. The Dark Knight (c)codage - Kanala - texte (c)Long Ways to Go Yet, Howard Shore

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@Bruce Wayne

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Pour lui faire face, j’enlevai mon masque. Pourquoi ? C’était difficile à dire. Peut-être pour me montrer plus humain que ce qu’il n’avait été autrefois ? Ou simplement parce que je ne savais pas vraiment comment aborder cette rencontre. Pour une fois, ce n’était pas tant à cause de lui mais plus de ma faute. Le sentiment de ne pas avoir réussi les tâches qui devaient être faites pendant son absence -protéger Gotham, les nôtres-. Alors, je ne savais pas vraiment sur quel pied danser, retombant dans la nécessité d’avoir un phare que pourtant de nombreuses fois j’avais rejeté, à raison ou tort. La stabilité dont il savait fait preuve malgré les évènements était un élément que j'abhorrais chez lui mais qui en faisait un leader né et en qui l’on pouvait assez facilement placer sa confiance. Une situation que je n’avais pas réussi à faire avec les Titans en 2019 et dont la tâche aujourd’hui me faisait craindre de nouveau de ne pas être à la hauteur de cette famille d’adoption. Je n’étais pas du genre à être réservé, et j’étais même celui qui se portait autrefois plus facilement à des pensées optimistes mais depuis déjà quelques années, tout me semblait plus gris.

Il me racontait que tout serait expliqué à son retour en prétextant une excuse. Je ne parvenais pas à dissimuler un léger rictus. « Comme d’ordinaire, je t’ai dis. » Nouveau haussement d’épaule. Qu’est-ce que je pouvais bien répondre d’autre de toute manière. Les secrets avaient toujours été pléthore avec lui et souvent son tempérament de chevalier solitaire de la nuit le poussait à écarter les membres de la famille qu’il avait lui-même formé pour favoriser ses actions. Combien de fois avec Alfred avions nous discuté de ce sujet ô combien frustrant pour moi. Ses mots et son ton perpétuaient une forme de dureté néanmoins, je pouvais sentir une forme d’effort sur le choix de ses derniers invoquant la nécessité de garder une proximité avec les autres en évitant les errements de Batman à ses débuts… et même parfois encore dans le présent. Je me taisais cependant. Tant par respect que parce que l’envie de faire une pique dessus n’était pas présente. Un bref aveu de faiblesse dans la carapace de l’homme d'affaires se fit entendre lorsqu’il parla de dix ans et non de deux. « Certes, mais il y a aussi une place pour toi dans cette équipe. Même si elle ne sera plus tout à fait la même qu’avant les événements que nous avons connus. » Mon regard se porta vers la nuit obscure. « Et elle est importante. »

Mon interlocuteur narra ensuite qu’il était nécessaire d’être exigeant avec soi-même mais pas trop dur. « Ce n’est pas trop dur de deviner de qui je tiens ce défaut. » La boutade était peut-être mal placée, mais derrière l’humour il y avait un fond de vérité. Sa main venait se poser sur mon épaule après que Bruce me raconta, presque avec une pointe de regret, qu’il n’avait que croiser ses proches. « C’est un objectif en cours de réalisation, je t’assure. » En bonne voie, rien n’était moins sûr ceci-dit. « Je ferais ce qu’il faut le temps qu’il faudra. Mais tu as intérêt de revenir avec de sérieuses explications. » Je réfléchissais avant de poursuivre la discussion. « Mais j’ai confiance. Confiance en toi. »

« Est-ce qu’il y a des tâches dont je dois m’acquitter pendant ton absence ? Outre veiller sur eux bien entendu. »

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Bruce Wayne & Richard Grayson

« Sous les dépôts de fret du Gotham Piere, 07 août 2022»

C’est un drôle de rendez-vous. Je pars beaucoup moins loin, et beaucoup moins longtemps, que lors de mon précédent départ qui n’était qu’un plongeon de plus vers l’inconnu… Et pourtant, j’ai « peur ». Et pourtant, je crains plus de ne pas revenir. Ce n’est pas une peur véritable. J’ai fait mon temps. J’ai la rage, qui atténue toute trace de prudence et de retenue, depuis que j’ai su pour Alfred et Jason. Et pourtant, je sais que les chances ne sont pas pour moi. Je sais à quoi je vais me confronter. A qui, aussi. Et ma discussion avec Zatanna pour me ménager une porte de sortie en cas de problème n’a rien fait pour rehausser les chances de s’en sortir, finalement. Il y a des tonnes de raisons qui peuvent pousser la situation à mal tourner. Une mauvaise réaction des assassins, de Ra’s, des déités qui hantent l’endroit, une félonie de Talia, ou tant d’autres variantes. Je sais plus ou moi dans quoi je me lance. Et je me doute que ça ne passera jamais comme une lettre à la poste… Alors je préfère prendre les devants. M’ouvrir un peu à Dick, qui devra bien reprendre, du fait du rôle qu’il a pris par le passé, le flambeau de notre lutte commune si les choses tournent mal.

Je passe contre sa mauvaise tête, quand il insiste sur le fait que je ne change pas. Que je ne change jamais. Je ne peux pas lui donner tort. Mais ce n’est pas très encourageant pour la suite, ni pour changer. Pas maintenant… Je sais que rien n’est parfait. Je sais aussi que j’en porte une responsabilité plus grande que n’importe qui. Mais je ne suis pas encore prêt à m’amender. Ca demanderait du temps et de l’énergie, une forme de mise en retrait dans mon implication et une demande tacite que les autres, quant à eux, prennent plus de place et donc plus de risques. Je n’y suis pas prêt. Pas encore. Ca viendra, peut être. Je l’espère autant que je le réfute. Je hoche la tête aux mots de Dick. A sa main tendue, en quelque sorte, dont la sincérité est plus encore soulignée par son absence de masque, par sa tête nue.

| Je pensais devoir gérer les choses à une autre échelle, avec la Justice League. Mettre un peu d’humain dans tous ces surhommes et déesses. Et puis, finalement, Gotham m’a rattrapé en mon absence. |

Je me tourne pour lui faire face.

| J’ai déjà usé des services de tes camarades. Pour libérer Fox de Blackgate. Mais peut être aurais-je encore besoin d’un coup de main, après mon retour… Nous en reparlerons. |

J’ai un mince fantôme de sourire, à la taquinerie de Dick.

| C’est notre fardeau, fils. Parce que nous avons les épaules pour l’endurer. |

Nous concluons. Il a confiance en moi. Il me demande s’il a d’autres tâches, si j’ai des attentes. Malgré les années qui passent, malgré tout le reste, le jeune homme reste dévoué à sa tâche, à la mission que je lui ai imposée jadis par mes propres décisions, peu importe comment on regarde les choses et l’importance que l’on prête à son libre arbitre ou à ma propre influence.

| Veiller sur eux, oui. Mais aussi prendre soin de toi. Comme toujours, les choses vont se précipiter, et empirer, avant que la situation ne tourne à notre avantage. Il faudra se faire confiance. |

Je pose ma main sur son épaule, la serre doucement, en serrant mes lèvres et fronçant les sourcils, pour hocher la tête dans un signe de fierté et de cooptation que je ne feins pas.

| Je suis fier de ce que tu es devenu. Continue à être ce que tu es. Gotham a besoin de ça. A bientôt, fils. |

Et je me détourne de lui, drapé dans ma cape, tendant le poing vers le toit le plus proche pour y propulser mon grappin et m’élever dans le ciel.

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Sujet: Re: Black and Blue [Intrigue III - Terminé]

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