Don't be afraid of the Dark † Parvati [Terminé - Intrigue III]

"Don't be afraid of the Dark"

La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

       C’était une nuit relativement et étonnamment silencieuse à Gotham. La circulation était moins intense, les passants plus discrets. Il y avait cette étrange monotonie comme si chaque individu était enfermé ce soir dans une bulle isolante, coupé de toute interaction humaine potentielle. L'on pouvait entendre chuchoter le feuillage des arbres, balayé quelquefois par de timides bourrasques. L’air était frais, provoquant quelques frissons aux plus frileux des citadins et des citadines. Les rues étaient éclairées par des lanternes souvent peu entretenues, l’on pouvait entendre le son particulier du courant électrique passant entre les ampoules respectives. Si bien, que le clignotement d’une d'entre elle attirait autant le regard par sa luminosité précaire que par sa sonorité quelque peu désagréable. Bientôt, des pas raisonnèrent en des claquements distincts de la semelle sur le sol en béton. C’était d’ailleurs là, des retentissements qui s’élevaient dans la ruelle en un écho inconfortable à l’ouïe, non-naturel, presque déformé.
          Ce fut si net que l’on pouvait désormais se rendre compte qu’on entendait plus aucun autre son. Le vent, les lampes, la circulation, tout avait cessé, tout avait disparu. Il n’y avait plus âme qui vive, les lampadaires faiblissaient jusqu’à perdre leur source lumineuse. Il n’y avait soudainement plus que les ténèbres, la ville était plongée dans une obscurité presque palpable, que le faisceau lumineux d’un smartphone peinait à percer le voile. L’on ne discernait guère les sommets des gratte-ciel du ciel lui-même. Des chuchotements s’intensifièrent progressivement, l’on pouvait au début penser qu’il s’agissait à nouveau du feuillage des arbres aux alentours, agité par quelques courants d’air. Mais il n’y avait pas un vent, pas un souffle et pas un son, si ce n’est que celui de la respiration de celle qui était témoin de ce phénomène contre son gré. De petits pas se faisaient entendre autour d’elle, à mesure que les chuchotements s’approchaient.

14 septembre 2022, Gotham, appartement 201…

          Le silence était pesant, la tension rendait presque l’atmosphère lourde et oppressante. Faith avait commis une erreur, celle qui, pourtant, était évitée grâce à sa vigilance. Sa mère, non loin, observait sans un mot les conséquences de cette erreur. Elle était calme, semblant imperturbable. Mais Faith connaissait assez bien sa mère pour distinguer la colère qui venait de prendre place en elle. « Comment ceci a bien pu se produire ? Je n'ai pas souvenir de te savoir si négligente. » La voix de Kassandra s’éleva enfin, ses yeux se posant sur Faith qui n’osait guère croiser son regard, non pas par peur, mais par honte. Elle avait caché jusqu’à présent à sa mère ce qui la perturbait, le fait qu’elle était soumise à un être qui pouvait dévorer les âmes. La sorcière était inquiète que la moindre faille de sa part pourrait conduire cette déesse à découvrir l’existence de sa mère. Pourtant, c’était en voulant éviter de commettre une erreur qu’elle avait provoquée ce désastre.
          « Comment expliques-tu cela ? » Insista la sorcière millénaire, pointant du doigt le corps gisant devant elles. Il ne restait pas grand-chose à contempler de la victime, sa chair avait été sauvagement dévorée au niveau de la poitrine à l’abdomen. Ses côtes étaient exposées, une partie du visage était déchiquetée. « Je n’ai aucune excuse mère. » Répondit la sorcière, voulant absolument garder pour elle ce qui tourmentait son esprit. Elle n’avait aucune idée de ce que pourrait chercher à faire Kassandra si cette dernière venait à savoir que la vie de sa fille était entre les mains d’une bête divine insatiable. « Nous en reparlerons plus tard, vas les chercher. Je m’occupe du corps. » Faith acquiesça silencieusement, se dirigeant vers la salle de bain. Fermant la porte derrière elle, elle se servit d’une serviette pour obstruer les fentes où la luminosité extérieure pouvait encore passer. Elle s’observa un moment dans le miroir avec colère, chuchotant des insultes envers elle-même pour sa bêtise, et ce, avant de se concentrer.

         « Semitae ad Tenebras ! » Les mots sortirent de la bouche de Faith dans un écho surnaturel, ils furent suivis d’un vent tout aussi improbable et surnaturel. La lampe clignota jusqu’à s’éteindre dans un flash soudain et aveuglant, plongeant la pièce dans une obscurité la plus totale pour l’œil humain. Les origines démoniaques de Faith lui offraient une nyctalopie capable de percevoir avec clarté cet environnement. Dès lors que la salle de bain avait plongé dans l’obscurité, le papier peint pourtant si neuf dans la lumière, était désormais, dans les ténèbres, souillé par la moisissure et autres impuretés sans nom. Faith avait franchi un voile qui séparait deux réalités s’enchevêtrant, parallèle l’une à l’autre. C’était ici le monde où sommeillait bien des créatures de cauchemar, dont la plupart étaient à l’origine des histoires sur le croque-mitaine. Créature dévoreuse de chair. Faith elle-même avait été autrefois comparé au croque-mitaine dans une Salem du 17e siècle.
         Sortant de la salle de bain, elle reconnut l’appartement 201, malgré que tout semblait ici bien plus insalubre. Sa mère et le corps n'étaient désormais plus présents. La gothique ne perdit guère de temps et quitta l’appartement pour se rendre à l’extérieur, dans cette Gotham vide de vie, plongée dans une pénombre éternelle. Fermant les yeux, elle se concentra sur ses sens mystiques à la recherche de la moindre essence magique de ces petites créatures qu'elle devait récupérer. Une vingtaine d’entre elles avaient quitté l’hôtel de Baba, Faith savait que ces derniers resteraient groupés pour chasser. Ensemble, leur magie était plus forte, ils pouvaient ainsi plus facilement piéger leur victime dans ce monde pour mieux la dévorer à l’abri des regards. Et plus ils étaient groupés, plus il était simple pour la sorcière de les traquer.       

"Don't be afraid of the Dark"

On pourrait citer de nombreux exemples de dépenses inutiles. Les murs des cimetières : ceux qui sont dedans ne peuvent pas en sortir, et ceux qui sont à l’extérieur ne veulent pas y entrer. - Parvati Mahajan-Jones

La vie à Gotham City n’était pas tous les jours une lutte pour la survie et il se trouvait encore des endroits où l’on pouvait trouver un peu de paix. C’était le cas d’Harmony Street dans le centre-ville de Gotham. Vieille rue datant de la période coloniale, elle avait vu, au cours des décennies, de multiples transformations, ses bâtiments de bois étant progressivement remplacés par de belles maisons en briques mitoyennes où se logeaient la classe moyenne de Gotham. Les rues, bordées d’arbres, accueillaient le vent frais de l’automne, qui faisait doucement s’envoler les feuilles mortes. Au brun et au doré de ces feuilles s’ajoutaient la couleur caractéristique des briques et des pierres de Gotham, sous la lumière blafarde des lampadaires en fer forgé. Sans cet éclairage rassurant et la lumière sortant des fenêtres, toute sortie se révélait être un pari risqué, car même ici, les rues de Gotham n’étaient pas sûres.

Au milieu de cette rangée de maisons mitoyennes à perrons, étroites et profondes, telles des livres sur des étagères, se trouvait le 45bis Harmony Street. Elle ressemblait à première vue à toutes les autres maisons de pierre de cette rue. Un perron donnant sur un rez-de-chaussée surélevé par rapport à la rue, deux étages bien dessinés et une corniche supérieure réalisée avec de belles moulures. Les ferronneries donnant sur le perron étaient visiblement d’époque, de même que les encadrement des fenêtres, dessinés en arc, qui donnaient de la profondeur aux menuiseries en acier. L’entrée, décalée sur le côté, comportait une petite sonnette encore fonctionnelle. Flanquée de deux bâtiments un peu plus hauts, le 45bis Harmony Street était le lieu de résidence de Parvati Mahajan-Jones … un endroit que certains avaient surnommé à juste titre : la maison aux mille-pièces.

La maison aux mille-pièces n’apparaissaient jamais deux fois de la même manière aux yeux des gens. Coincée entre deux bâtiments, les gens passaient tous les jours devant sans la véritablement la remarquer, jusqu’au jour où elle vous sautait aux yeux … Mais à chaque nouveau regard, un détail changeait. La maison semblait ne pas avoir d’architecture fixe : un jour elle possédait un étage supplémentaire, un autre jour une fenêtre en moins, parfois des ornements en plus ou en moins. Etrangement, la maison ne semblait jamais satisfaite d’elle-même et se présentait toujours sous un jour différent … pour ceux qui avaient l’œil.

14 septembre 2022, Gotham, appartement de Parvati…

Assise sur les banquettes d’un bow-window donnant sur le jardin, Parvati Mahajan-Jones essayait de comprendre le mécanisme de cet étrange casse-tête qu’elle avait trouvé dans les tréfonds de la maison des mille-pièces. L’objet, une sphère métallique gravée d’étranges symboles, résistait à sa compréhension depuis quelques jours et elle ne parvenait pas à en percer le mystère. Trouvée dans une commode abandonnée dans l’une des pièces qu’elle n’occupait pas, la jeune femme avait longuement hésitée avant de se pencher sur la résolution de ce mystère. Après tout, il n’était jamais prudent d’étudier ce type d’objet ou d’essayer d’en forcer la sécurité sans en connaître l’origine. Mais la curiosité était l’un des plus gros défauts de Parvati … et l’idée de faire une passionnante découverte primait sur toute autre considération.

Vêtue de sa robe de nuit blanche et de ballerines de même couleur, Parvati finissait son thé en se grattant la tête. La tâche se révélait beaucoup plus complexe que prévue. A vrai dire, mis à part triturer l’objet dans tous les sens et le secouer, elle n’avançait pas d’un iota. Elle aurait besoin d’aide … mais qui appeler ? Il était peu probable qu’elle puisse jouer l’innocente sur la manière dont elle s’était procuré l’objet et elle ne pouvait tout bonnement pas se pointer chez un magicien pour lui demander de lui rendre un service. Peut-être qu’un super-héros aurait la solution, mais à quel prix ? Les gens ne travaillaient que très rarement pour la beauté du geste …

Elle soupira et reposa la sphère métallique sur la banquette.

C’est alors qu’elle les vit.

Au début, elle crut que ses yeux lui jouaient des tours. Des ombres, fugitives et mouvantes, dans le jardin, à l’ombre du grand chêne. Rien qui aurait pu l’inquiéter d’ordinaire. La maison était connue pour être un lieu où l’on pouvait apercevoir de drôles de créatures, passant paisiblement dans le jardin, ne s’arrêtant que pour une courte pause avant de reprendre leur course dans les rues de Gotham. Mais cette fois-ci, quelque chose ne collait pas. Les ombres … étaient nombreuses … et s’avançaient vers le pied de la façade de la maison. Instinctivement, l’apprentie magicienne toucha son annulaire gauche …

Merde !

L’anneau camouflant la Source à l’intérieur d’elle n’était pas à son doigt. Elle l’avait oublié dans la cuisine, alors qu’elle préparait son thé. Elle ne s’en était pas rendue compte, mais elle avait relâché sa concentration, permettant à la magie de se diffuser à l’extérieur de la maison. Les créatures qui se mouvaient dans les ombres, quelles qu’elles soient, l’avait senti, et se dirigeaient désormais vers elle, attirées comme des abeilles avec du pollen.

D’un bond, Parvati sauta sur ses deux pieds et courut vers la cuisine, afin de récupérer son anneau. Mais il était trop tard. Dans la pièce d’à-côté, celle donnant sur l’escalier menant au jardin, la porte venait de s’ouvrir. Quelque chose … ou plutôt des choses … étaient entrées. S’enfuyant dans la cuisine, la jeune femme attrapa son anneau, poursuivie par elle ne savait quoi. Dans la confusion, elle attrapa le premier objet pouvant lui sauver la mise … un balai !

Elle se retourna, son cœur battant la chamade ! Comment ces créatures avaient-elles réussi à entrer malgré les glyphes de protection ? Pourquoi n’avaient-ils pas tenu ? Paniquée, elle brandit son balai et attendit dans la pénombre que les créatures pénètrent dans la lumière. Parvati, elle, défendrait chèrement sa peau ! Tel un chevalier blanc, elle tint sa position !

"Arrière ! J'ai une arme ! Et je n'hésiterai pas à m'en servir !"

"Don't be afraid of the Dark"

La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

          Un autre corps sur le trottoir près d’une ruelle, la victime a aussi été dévoré… Cependant, après observation du corps, Faith réalisa que les morsures n’étaient pas comparables à ceux de ses lutins. Pourtant, c’était bien la trace de leur essence magique qui avait permis à la gothique d’arriver jusqu’ici. Ses saletés de petites créatures avaient bien piégé cette pauvre femme dans cette dimension, mais à l’image d’un groupe de hyènes, ils ont dû abandonner leur proie à cause de l’arrivée d’un bien plus gros prédateur et ce n’était pas ce qu’il manquait ici… Mais au moins, l’idée que le corps était cette fois resté piégé dans cette dimension, rassurait la sorcière. Oui. Mes charognes des ombres allaient terminer d’engloutir ce qu’il restait du corps. Balayant son regard autour d’elle, des lueurs rougeâtres, presque carmin, émergeait de cette obscurité constante. Elles apparaissaient par paire de deux de chaque coin souillé, de chaque fenêtre délabrée ou de ruelles altérées.
           L’on aurait dit des yeux faits d’un feu ardent, perçant ces ténèbres glaciales. Faith connaissait que trop bien ces entités-là, ils étaient les émissaires de son père, le grand démon à tête de bouc. Ils étaient aussi ceux qui offraient à Faith cette énergie impie dont elle avait besoin pour l’utilisation de sa sorcellerie, et ce, en échange de chair à dévorer sur l’autel du sacrifice. Il était un substitut à l’essence de son père, maintenant qu’elle ne pouvait plus s’offrir à lui durant les Sabbats de son Coven. Silencieuse, la sorcière fit tout de même comprendre aux ombres, en se mettant entre eux et le corps, que cette carcasse n’était pas gratuite. Elle pouvait toujours réduire celle-ci en tas de cendre si l’envie la saisissait. La voix des spectres s’élevait dans un dialecte qui semblait mêler sifflement et cacophonie de son chuchoté, se répercutant en des échos surnaturels. Du charabia incompréhensible et inaudible pour les humains, mais que la jeune sorcière entendait et comprenait.

           Elle s’écarta alors de la carcasse et poursuivit son chemin, alors que dans son dos, les charognes se jeter sur le cadavre. Sous le silence obscur d’une Gotham vide de toute agitation, le son des os brisé et grignoté, de la chair arrachée et mâché, raisonnait sur de longues distances. Faith sentait sa magie renforcée par l’énergie des ombres comme il semblait s’être convenu entre eux. De nouveau sur la trace des bestioles qui avaient maintenant fui l'hôtel de Baba, quelques heures plus tôt, elle se concentra à nouveau pour rechercher leur présence magique, non sans s’allumer une petite clope au passage. La faible lueur chaude à l’extrémité de son Marlboro, était devenue l’unique source lumineuse qui en gênait presque la vision nocturne de la sorcière. La gothique se doutait bien que les lutins eussent de nouveau plongé dans la réalité en quête d’une autre proie. Qui ? Cela, Faith n’en savait rien. Ce qui la dérangeait cependant, c’était que la direction qu’elle prenait, était la même que celle d'une traînée de sang au sol.

       Les fées avaient repéré une nouvelle proie dont les émanations magiques affolaient leur sens. Au début, elles furent gênées par les symboles de protection, mais ces derniers étaient rudimentaires et guère adaptés pour repousser complètement la nature féerique de l’existence de ces petits chasseurs. Leur magie ne tarda pas à trouver les failles de la protection, infiltrant ainsi l’immeuble non sans détruite toutes les sources lumineuses auxquelles elles étaient terriblement sensibles, les aveuglants. Tandis que leur peau ne pouvait supporter les rayons du soleil. Armée de son balai, la jeune femme était prête à riposter alors même qu’une à une les lampes recevaient de petits projectiles qui les faisaient exploser en des éclats de verre menaçant potentiellement le visage ou les yeux de l’hôte de cet appartement. Les créatures restaient à distance jusqu’à ce que tout l’appartement soit plongé dans le noir…
       Certaines d’entre elles, les plus audacieuses, s’approchaient d’elle, mais ces dernières étaient rapidement repoussées à coup de balai. Mais lorsqu’elles commençaient à coordonner leurs actions, elles purent agripper le balai et forcer la jeune magicienne à lâcher ce dernier au bout d'un moment… Elle restait toutefois à l’écarte, le temps que leur magie engloutisse les lieux et provoque la téléportation dans l’autre dimension ou elles seraient dans les ténèbres bien plus fortes.

      

"Don't be afraid of the Dark"

On pourrait citer de nombreux exemples de dépenses inutiles. Les murs des cimetières : ceux qui sont dedans ne peuvent pas en sortir, et ceux qui sont à l’extérieur ne veulent pas y entrer. - Parvati Mahajan-Jones

14 septembre 2022, Gotham, appartement 201…


Les créatures ne mirent pas longtemps avant de s’emparer d’elle et de la traîner dans les ténèbres. Le nombre et la ruse avaient primé sur la puissance contondante d’un balais et d’une jeune femme apeurée. Les créatures fermement accrochées à elle, Parvati sentit alors sa vision se troubler et le sol devenir de moins en moins palpable. Le décor commençait à fondre autour d’elle, tandis que les ténèbres se faisaient plus fortes. Trainée de force dans une autre dimension, la jeune femme atterri violemment sur le sol, suivie de près par les créatures grimaçantes.

La chute sur le sol lui arracha un cri. A moitié habillée et désarmée, Parvati se débattait comme une diablesse pour se débarrasser des ignobles lutins charognards. Ces derniers ne perdirent par leur temps. Les ténèbres étaient leur domaine et leur lacheté naturelle était compensée par des tactiques de meutes qui les rendaient efficaces. L’une d’elle mordit le bras gauche de Parvati, qui cria de douleur avant de mettre une baffe à la figure, la faisant valdinguer sur le trottoir poisseux qui avait accueilli sa chute.

Paniquée, la jeune femme tenta de se relever, mais trébucha sous le poids des créatures sur son dos. Celles-ci ne perdirent pas leur temps et plantèrent leurs petites dents pointues et leurs griffes dans la chair chargée de magie de Parvati : un met des plus délicats, hautement addictif et gorgé de magie. Lacérant avec frénésie la chair de l’apprentie, les lutins tentaient de dévorer la jeune femme avec la folie propre à leur espèce, et à la qualité exceptionnelle de leur proie. Parvati n’eut d’autre choix que de se protéger le visage avec les mains.

Il ne lui restait qu’une solution pour s’en sortir.

Parvati, dans un dernier espoir, retira son anneau d’antimagie et libéra la puissance magique qui l’habitait. Elle n’utilisait cela qu’en dernier recours … Et cette fois-ci, elle n’avait vraiment plus le choix.


Soudain, l’énergie de la Source se libéra avec violence, faisant vibrer dangereusement l’air aux alentours. La magie se répandit autour de Parvati, brûlante, acide, avide et pure, contaminant de son étrangeté tout ce qu’elle touchait. Les ténèbres qui entourait la scène se chargèrent d’électricité et se mirent à danser selon les rythmes d’une étrange symphonie tandis que le goudron sur le sol semblait de distordre pour devenir des stalagmites torsadées. Les lutins grimaçants, intrigués par cette émanation, furent les premiers êtres vivants à subir la pression délétère de cette magie brute, qui s’empara de leur corps et les fit horriblement muter. La première créature gonfla comme un ballon de baudruche avant d’éclater tandis qu’une autre se mit à fondre sur le sol dans un râle d’agonie. Les autres lutins ne furent pas mieux lotis, démantelés, tordus et déchirés par la brutalité de la magie qui s’échappait de la jeune femme.

Cette énergie, bien que mortelle, n’avait aucune intention maléfique. La Source qui l’habitait était comme un enfant secouant trop fort un jouet fragile. Les lutins n’étaient pour elle que des brindilles … Ils n’avaient aucune chance contre de la magie pure.

Lorsque les assauts cessèrent, Parvati, blessée et ensanglantée, parvint à remettre son anneau autour de son doigt avant que les choses ne dégénèrent trop. Déjà … les lampadaires dans la rue se mettaient à se courber et à se dédoubler sous les assauts curieux de sa magie. Remettant son anneau au doigt, Parvati sentit la magie refluer en elle et être absorbée par l’artefact. Epuisée, mais vivante, elle resta sur le dos, incapable de bouger, essayant de reprendre son souffle.

Son coeur battait la chamade … Elle eut un rire nerveux.

"Je suis en vie … bordel … je suis en vie …"

Allongée sur un trottoir, au milieu du chaos non-euclidien qu’elle avait généré … Parvati se demanda où elle était.

"Don't be afraid of the Dark"

La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

          Faith observa la scène extraordinaire qui se déroula sous ses yeux, témoin impuissant de la disparition de ses petites créatures domestiques, réduites à néant par une source de magie brute, alors qu’elle venait à peine de poser les pieds sur les lieux. Elle ramassa l’un des corps distordu, soufflant sous un sentiment partager. « Maman va me tuer. » Chuchota la jeune sorcière avec résignation, une acceptation toutefois amère lorsqu’elle releva son regard vers la silhouette de celle qui causa ce triste carnage. Silencieuse, la Cross l’observa avec dédain et méprit, pourtant, elle ne pouvait pas lui reprocher d’avoir fait ce qu’il fallait pour protéger sa vie. Cependant, elle avait quand même détruit les fées de sa mère, ce qui ne pouvait que la révolter intérieurement. Cela dit aux yeux de Kassandra, c’était Faith qui allait être responsable d’avoir non seulement causé la mort de plusieurs innocents, mais désormais la mort des créatures, puisque ce fut son inattention qui causa en premier ce désastre. C'était elle qui n'avait pas veillé à ce que l'enclos des fées soit bien fermé.
          Mais qui était cette femme ? C’était toutefois la question que se posait la gothique alors qu’elle observait ce qui, semblait-il, était une homo magi. Pourtant, une magicienne qui n’avait rien avoir avec celles et ceux que la sorcière avait pu croiser au cours de cette vie-ci ou de ses précédentes. Elle était telle une centrale nucléaire de pure magie, c’était sans doute ce qui avait attiré ces lutins des Cross vers elle. Et dans un lieu comme celui-ci, d’autre prédateur plus dangereux que de simples fées rodaient. Des monstres qui avait bien des raisons d’être piégé dans cette dimension. La jeune femme empestait le sang, même la semi-démone qu’était Faith pouvait le sentir dans l’air.  « Des ténèbres elles surviennent, Attrayantes, mais pas moins voraces, De cendre sont ses impies traces, Les agonies, de ses entrailles, nous parviennent. » Dans une combustion spontanée de flammes blanches, les corps éparpillés des créatures furent réduits en cendres les unes après les autres, dont le petit corps entre les mains de la jeune sorcière vêtue de sa tenue sombre.

          Faith avança par la suite vers l’énigmatique magicienne. La dévisageant un instant, réfléchissant… Si elle était arrivée quelques instants plus tôt, elle aurait pu ordonner à temps aux créatures de laisser la magicienne tranquille avant qu’elle n'explose comme elle l’avait fait. Ce qui agaçait Faith était qu’elle devait maintenant trouver une faille qu’elle pourrait exploiter pour entrer à nouveau dans la lumière et quitter par conséquent la dimension d’obscurité. Là où avec les fées, elle n’aurait eu aucune difficulté à retourner dans leur réalité respective. Elle réalisait après un petit moment à analyser la jeune femme devant elle, Faith réalisa que celle-ci ne la percevait pas. Oubliant que les humains n’étaient guère nyctalopes, alors fit apparaître une boule de feu au niveau de sa main pour révéler sa présence à nouveau. « Tu empestes... » Cracha simplement la gothique, avant de relever son regard en direction des ténèbres qu’elle était sans doute bien la seule à percevoir ce qui s’y déplaçait. Elle le vit au loin, il était immense, sans aucun doute la bête qui avait fait fuir ses lutins pour leur voler cette proie précédente. Faith songeait qu’il serait plus aisé pour elle d’abandonner à son sort cette pauvre fille.
            Certaine que la puissance brute de sa magie ne pourrait cette fois pas grande chose face à cette entité elle-même un concentré de magie brute, mais de pur chaos et de corruption. Son opposé maléfique en toute ironie. La différence étant que cette fille était mortelle, là où cette chose n’avait pour sa part, jamais été vivante… Elle qui n’était rien de plus qu’une pure manifestation obscur, née de la peur elle-même. Le fameux Boogeyman. Le regard de la gothique fixait un moment la magicienne, elle songea alors qu’il était dommage d’abandonner ce qui pour elle, était une étrangeté tout aussi fascinante. « Ta magie et surtout ton sang viennent d’attirer une créature ancienne bien plus redoutable que les petits lutins que tu viens de détruire et son appétit est grande. » La sorcière se pencha avant de poser l’une de ses mains sur la joue de cette femme, et ce, en formulant une incantation dans un langage que la Cross était bien la seule à comprendre. Les blessures de la magicienne ne prirent alors que quelques secondes à disparaître. Cependant, ses vêtements étaient encore imbibés de son sang. « Suis-moi ou reste, mais quelle que soit ta décision, débarrasse-toi des vêtements qu’il te reste. »

             Faith se releva, posant de nouveau son regard vers la même direction, à l’endroit où les faisceaux lumineux des flammes se voyaient étouffés par les ténèbres. Une silhouette grande et mince, presque osseuse avançait d’un pas long dans la direction des deux filles. Faith comprit qu’il était temps de faire disparaître la flamme pour plonger à nouveau les lieux dans l’obscurité la plus totale, avant que la lumière ne trahisse leur présence. Elle accorda quelques secondes à l’humaine pour prendre sa décision.
      

"Don't be afraid of the Dark"

On pourrait citer de nombreux exemples de dépenses inutiles. Les murs des cimetières : ceux qui sont dedans ne peuvent pas en sortir, et ceux qui sont à l’extérieur ne veulent pas y entrer. - Parvati Mahajan-Jones

14 septembre 2022, Gotham, appartement 201…

"Mais … QUOI ?!"

Miraculeusement guérie, mais la peau encore imbibée du sang maculant sa nuisette, la jeune femme se releva difficilement, essayant de distinguer la silhouette de sa sauveuse découpée par les lumières blafardes qui jaillissaient de sa main. Elle n’eut cependant pas le temps de s’appesantir sur la nature de la jeune femme : il y avait urgence !

Elle l’avait sentie avant même de la voir … Une magie ancienne, emplie de souffrance, qui se déplaçait à la faveur des ténèbres. Parvati sentait cette soif de sang emplir l’air, chercher désespérément à combler sa faim. Une créature antédiluvienne, un prédateur qui traquait ses proies et les dévorait sans autre forme de procès. La magie qui la constituait était si puissance et si délétère que Parvati n’avait aucun mal à la distinguer. Elle était comme un phare dans la nuit … enfin … si le phare en question projetait des émanations ténébreuses particulièrement obscènes !

Instinctivement, la peur s’empara de Parvati, lui rappelant que la génétique avait du bon. Elle remercia ses ancêtres, qui avaient développé suffisamment de jugeotte au cours des millions d’années d’évolution pour que l’instinct de peur serve à leur survie. De longs frissons remontèrent le long de ses bras et de son échine et ce n’était pas le froid qui s’exprimait, mais quelque chose de plus viscéral.

Fuir ! Mais où ?!

Les ténèbres s’accrochaient à elle, à peine repoussées par les langues de feu qui jaillissaient des doigts de la sorcière qui venait de lui intimer l’ordre de se déshabiller. D’ordinaire, elle aurait violemment refusé, mais il était clair que sa mystérieuse sauveuse ne cherchait pas à assouvir un quelconque vice caché, mais bel et bien à masquer leurs traces. Le sang de Parvati étant chargé de magie, il attirait à elle les créatures les plus voraces, comme si elle était un délicieux morceau de viande persillée. Ce qu’elle était … indubitablement !

A contrecœur, la jeune femme se débarrassa de sa nuisette, révélant ses sous-vêtements couleur crème. Le vêtement taché de sang tomba sur le sol et elle le balaya du bout de sa ballerine blanche pour le faire valdinguer plus loin. Le froid s’empara d’elle immédiatement et se mêla à sa peur. Instinctivement, elle s’accrocha à la sorcière, apeurée. Non loin, elle sentait la créature approcher, le crissement de ses griffes sur les briques et les pavés se faisant de plus en plus proche. La créature avait faim … si faim …

"Je suis prête … Tirons-nous d’ici et vite."

Son doigt passa sur son anneau. Normalement, l’anneau camouflait complètement sa magie. La nuisette imbibée de sang détournerait son attention, du moins, un temps. Mais il était plus que probable qu’elle s’imprègne de l’odeur de Parvati. Si d’aventure elle remettait les pieds dans cet endroit, il était clair que la créature la prendrait en chasse …

"Don't be afraid of the Dark"

La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

          Si Faith avait longtemps été elle-même l’incarnation du croquemitaine, une des entités associée au diable que l’on craignait de rencontrer dans les bois maudit de Salem. Elle était dans cette vie, loin d’être ce qu’elle fut autrefois. Son humanité la rendait tout aussi vulnérable aujourd’hui que ne l’était cette pauvre magicienne. Il y avait des chances qu’elle puisse être, elle aussi, une proie pour la créature qui approchait et la sorcière ne possédait guère les capacités pour l’affronter. Cette créature était de toute façon en ces lieux, telle une divinité… Même ce n’était pas tout à fait exact, l’on pouvait dire que c’était ici son domaine, son territoire. Les sorcières en ces lieux se contentaient de respecter sa présence comme cette dernière respectait la leur. Mais la situation était différente, il y avait cette magicienne humaine qu’elle désirait et Faith se mettait désormais en travers de son chemin. Car en effet, Parvarti avait choisi de suivre la gothique sans hésiter, sans remettre, ne serait-ce en question la raison pour laquelle l’adolescente était présente.
          Cette dernière l’avait agrippé comme si sa vie en dépendait et dans ce contexte, ce n’était pas à prendre au sens figuré. Faith retira alors sa veste pour recouvrir l’homo-magi, pas par simple courtoisie, mais pour camoufler au possible l’odeur humaine de cette dernière. En effet, l’odeur de Faith était spéciale et bien plus forte. De par ses origines démoniaques, elle dégageait en permanence cette hormone succube qui influençait les humains à des degrés différents, principalement ceux de sexe masculin. Ce n’était toutefois, pas une odeur appétissante pour une créature dépourvue d’organe génital et de notion de sexualité. Il y avait toutefois un souci qui posait problème, Faith avait besoin de se déplacer aussi vite qu’elle le pouvait, mais elle était bien la seule à voir dans cette obscurité absolue. Elle ne pouvait pas créer de source lumineuse, la créature était désormais bien trop proche des filles, si elle détectait leur présence, elle chargerait dans leur direction à toute vitesse.

         Sa grande taille, ainsi que son aspect fragile et maigre, n’étaient qu’un vil leurre. Cette chose était plus rapide qu’un félin et sa force lui permettait facilement de plier l’acier. Ce n’était donc pas une créature qu’elles devaient affronter physiquement ou qu’elles pouvaient fuir aisément. La discrétion était de mise, même si parler était désormais à proscrire. Dans les ténèbres, une simple bougie était un phare. Et dans ce silence, un simple ''pas'' pouvait raisonner comme un bien terrible grondement. Faith posa sa main au niveau des yeux de la magicienne, chuchota rapidement une formule le plus silencieusement possible. « Que le voile qui obscure ta vue, éclaire les voies des imperceptibles avenues. » Retirant sa main, en théorie Parvati devait à présent voir le monde comme les yeux de Faith le percevait. Un monde sans couleur fait de nuance non pas grise, mais de couleur inconnu issue de spectre lumineux qu’un humain n’avait guère accès en temps normal... Le ciel était alors clair comme en plein jour, si l’on oubliait ce à quoi ressemblait véritablement le jour dans le monde humain.
          C’était pas un ciel bleu, ce n’était pas un ciel aux couleurs reconnaissables. « Ne regarde pas le ciel, tu n’es pas habituer à cette couleur. Ne cherche pas non plus à regarder la créature. » Chuchota Faith, tout tirant la magicienne dans une direction afin de s’éloigner de la chose. « LoveCraft n’avait pas totalement tort, concernant la folie. » Rajouta la gothique, estimant que Parvati comprendrait. Le cerveau ne pouvait pas toujours encaisser ce qui échappait en temps normal à sa perception. La peur de l’inconnu avait en réalité une raison d’être, celui de la prévention, voire de la préservation mentale. Observer ce qui était d’une horreur absolue, était un moyen rapide et simple de plonger un homme sain d’esprit dans la folie. La chaleur corporelle des deux filles dégageait une étrange lueur carmin. Celle-ci brillant et faiblissant à répétition, davantage au niveau des veines à chaque battement de cœur. Grâce à cette perception, Parvati pouvait voir que Faith et elle-même brillaient à l’image d’une créature féerique.

         Par chance, peut-être, ce n’était pas de cette manière que la créature ténébreuse percevait le monde, cette perception n’appartenait qu’à Faith, de par ses origines démoniaques. Après avoir observé derrière elle, Faith fit à présent signe d’un geste de la main à la magicienne, qu’il était préférable de garder le silence et d'avancer plus vite. Elle pouvait sans doute comprendre pourquoi au pas de la créature qui semblait désormais bien plus proche. Faith entra dans un bâtiment, en direction de la faille qu’elle ressentait.
      

"Don't be afraid of the Dark"

On pourrait citer de nombreux exemples de dépenses inutiles. Les murs des cimetières : ceux qui sont dedans ne peuvent pas en sortir, et ceux qui sont à l’extérieur ne veulent pas y entrer. - Parvati Mahajan-Jones

Recouverte d’une veste à l’odeur particulière, Parvati resta le plus près possible de sa sauveuse, espérant qu’elle ne l’abandonnerait pas dans l’obscurité. Les frissons qui parcouraient le corps de la magicienne s’intensifiaient : le Boogeyman approchait. Il humait l’air, cherchant à se rapprocher de ses proies avant de les déchiqueter avec violence.

Parvati entendit soudain sa comparse murmurer une incantation dans les ténèbres. La magie qui émergea du corps plongé dans les ténèbres la surprit. Il y avait quelque chose dans cette magie qui n’avait rien à envier aux ténèbres qui les enveloppaient. Quelque chose d’au moins aussi ancien que la créature qui les poursuivait. Les yeux de la magicienne, habitués à percevoir les énergies magiques, avaient déjà vu quelque chose de similaire … il y a quelques années. Peu rassurée, mais n’ayant pas vraiment le choix, la jeune femme se mordit la lèvre inférieure, espérant qu’elle ne jetait pas un maléfice alors que l’inconnue posait sa main sur ses yeux.

Des picotements autour de ses paupières accueillirent la présence de la magie sur ses yeux, dont les pupilles se dilatèrent à l’image de celles des chats en pleine nuit. Lorsque l’inconnue retira sa main, la vue de Parvati fut inondée d’une myriade de couleurs dont l’appartenance au spectre visible restait hypothétique. Les ténèbres s’éclairaient sous un jour nouveau, de subtiles vibrations colorées et lumineuses venant chatouiller son cristallin, donnant consistance à ce qui autrefois, n’étaient que des ombres. Parvati regarda ses mains plonger dans ces vibrations avec un air surpris tandis que sa vue tentait de s’habituer à ces couleurs chatoyantes et mouvantes abritées dans les ténèbres.

Etait-elle en plein trip ?

La demoiselle écouta attentivement les recommandations de la jeune fille et acquiesça silencieusement avant de la suite, d’une cachette à une autre. A mesure qu’elles s’éloignaient de leur poursuivant, la vue de Parvati était captivée par une myriade de petites créatures qui fuyaient, comme elles, la venue du Boogeyman. Tournant dans une rue, puis une autre, avant de descendre des escaliers de pierre flanqués de luminaire projetant d’étranges vibrations noires, le binôme finit par atteindre une placette où se trouvait une bâtisse d’où émanait une énergie magique différente de celle qui étouffait ce lieu.

Parvati connaissait cette sensation … Une faille ! Une échappatoire !

Elle laissa échapper un soupir de soulagement et tira sur la manche de Faith avant de lui murmurer :

"L’avez-vous sentie vous aussi ? Il y a une faille non loin."

La demoiselle ne sembla pas inquiétée le moins du monde et pénétra dans le bâtiment. La porte était ouverte … Visiblement, de l’Autre-Côté, personne ne se souciait de la sécurité de sa propriété. Elles pénétrèrent dans une maison de style victorien, à en juger par les marqueteries sur les murs et la présence des lustres dont les cristaux, sous l’effet sur sortilège, brillaient d’un étrange éclat. L’énergie de la faille se faisait plus présente ici, mais il restait encore à la trouver. Parvati se concentra et laissa trainer ses sens dans la maisonnée, espérant repérer la trace de la magie.

"Par-là ... Dans la bibliothèque."

La jeune femme prit la tête du binôme et tira sur le bras de la sorcière, l’amenant au travers des pièces pour atteindre la bibliothèque. Elle en était sûre : la faille était présente derrière cette porte ! Sans se soucier de sa propre sécurité, elle ouvrit en grand les portes de bois.

"Don't be afraid of the Dark"

La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

          L’enthousiaste de cette fille était amplement normal, ce monde pouvait facilement provoquer une forme de claustrophobie pour eux. La première fois que Faith était entrée dans les ténèbres, elle y avait emmené une humaine sans vraiment le faire exprès. Une petite camarade de sa classe qui avait réagi brutalement avec une angoisse terrible, l'une de celles qui avait échappé à Faith, cette dernière ayant toujours été à son aise dans le noir. C’était Kassandra, sa mère, qui avait sorti les deux filles de la dimension quand elle avait senti ces dernières traverser le voile. Faith n’en garda aucun souvenir, à l’époque sa mère faisait tout pour éloigner sa fille du monde de la magie, quitte à lui effacer une certaine partie de ses souvenirs. Il était simple d’entrée dans les ténèbres, mais difficile d’en sortir. Surtout pour une petite sorcière de cinq ans… Toutefois, même avec les connaissances qu’elle avait aujourd’hui, la science derrière le voile restait complexe.
           Elle observa la magicienne se comporter sans aucune prudence, elle était telle une enfant se déplaçant comme si rien ne pouvait l’attendre. Pourtant, cet endroit était une savane de néant et le Boogeyman n’était pas le seul prédateur qu’elle devait craindre ici. Elle était déjà à l’image d’un steak bien saignant qui se promenait sous le nez de plusieurs félins. La gothique dut réfréner son ardeur en lui attrapant le bras avec fermeté et la conduire à rester silencieuse en plaçant sa main libre sur sa bouche. L’arrêtant de ce fait juste à temps, évitant de peu la catastrophe. Plusieurs entités immobiles dans le couloir menant à la faille se présentaient devant les deux jeunes femmes. Les créatures, à première vue de formes féminines, s’étaient agitées un instant sous les quelques bruits que venait de faire les pas de la magicienne. Faith attendit que les créatures aveugles retrouvent leur immobilité, avant de lâcher Parvati… Il était très intéressant que la magicienne ressente la faille, mais son comportement indiquait lourdement qu'elle ignorait ce que la présence de ses failles signifiait.

         Ne se demandait-elle pas, pour quelle raison les diverses créatures associés à la peur enfantine, à la peur du noir, étaient si connus même des moins superstitieux ? Pas-à-pas, elles passaient discrètement, le plus lentement possible, le plus silencieusement possible. Faith retenait son souffle par moment, jetant un œil de temps en temps au-dessus de son épaule. Elle le sentait approcher, ce qui voulait certainement dire qu’il avait dû comprendre que c’était l’odeur de la gothique qu’il se devait de flairer pour avoir ce qu’il désirait. La sorcière avança légèrement plus vite entre les créatures immobiles quand elle réalisa que le Boogeyman approchait de la demeure de plus en plus vite à son tour. Loin d’être écervelé, il était clair qu’il avait réalisé les projets de Faith. Après tout, les failles étaient perceptibles autant pour elles, que pour les créatures elles-mêmes, attirées par elle comme un phare dans la nuit. Voyant qu’elles manquaient de temps, Faith leva sa main où une onde télékinétique balaya les créatures autour d'elle.
        « Cours ! » Cracha-t-elle alors que les créatures se relevaient pour charger dans la direction, alors que dans le jardin, le Boogeyman fendait jusqu’à la demeure à grande vitesse. Le son d'une porte défoncée, indiqua la violence avec laquelle il était entré. Elles arrivèrent dans ce qui était une chambre à l’étage, la sorcière pouvait entendre les créatures balayées par la plus grande qui les ignorait allégrement pour tenter de rattraper Faith et Parvati. « L’armoire, vite et ne t’arrête pas une fois à l’intérieur ! » L’adolescente laissa entrer la magicienne entrée en premier avant de la suivre, entrant au moment où la créature déferla comme un ouragan à l’intérieur de la chambre au mur pourri par une étrange moisissure. Elle s’enfonça dans l’armoire formant un étrange couloir rempli de fourrure et autres vêtements suspendus. Les rugissements de la créature dans leur dos, indiquaient qu’elle était juste derrière. Cependant, elles arrivaient vers une porte que la sorcière n’hésita pas à ouvrir, celle donnant sur la même chambre, plus neuve, plus colorée, plus lumineuse, baignant dans les rayons argentés de la lune.

          En face des deux jeunes femmes, un enfant dormait paisiblement dans son lit… La sorcière alluma directement les lumières qui, dans ce monde, étaient une arme contre le Boogeyman. Refermant la porte de l’armoire d’où elles étaient sorties. La gothique observa l’enfant un moment et le dessous de son lit, sombre, bien trop sombre… C’était là la triste réalité, la peur des enfants étaient ce qui provoquait l’entrée des cauchemars dans cette réalité, ces enfants apeurés, responsable de bien des apparitions plus monstrueuse qu'effrayante. La lumière commençait déjà à vaciller, faiblir, alors que la porte de l’armoire s’ouvrait légèrement, timidement. Faith soufflait toutefois de soulagement lorsqu’elle ajouta. « On se casse. Reste loin du dessous de ce lit. » Il fallait partir sans tarder, avant que les lampes lâchent ou que les propriétaires de l'appartement remarque la présence d'étrangères dans leur demeure, dont une à moitié à poil. Faith espérait que la magicienne ne chercherait guère à savoir ce qui pourrait arriver à l’enfant si la pièce était de nouveau plonger dans le noir. Elle n’aimerait sans doute pas la réponse.
      

"Don't be afraid of the Dark"

On pourrait citer de nombreux exemples de dépenses inutiles. Les murs des cimetières : ceux qui sont dedans ne peuvent pas en sortir, et ceux qui sont à l’extérieur ne veulent pas y entrer. - Parvati Mahajan-Jones

A peine étaient-elles sorties de cet enfer qu’il fallait à nouveau se farcir une nouvelle péripétie ! Parvati avait le cœur comme sur des montagnes russes et transpirait de terreur. Elle avait cru mourir là-bas, dans la dimension obscure. Sans l’intervention de l’inconnue, elle serait probablement déchiquetée sur le parquet de la maison à l’heure qu’il est. Le cœur tambourinant dans sa poitrine, la demoiselle regardait l’armoire par laquelle elles étaient sorties avec un air terrifié.

Par tous les dieux … C’est pas passé loin !

Elle n’eut cependant pas le temps de reprendre son souffle que déjà, le Boogeyman tentait d’ouvrir avec une terrifiante délicatesse la porte de l’armoire, ses griffes faisant coulisser avec douceur le loquet verrouillé par la sorcière. Parvati recula et butta contre Faith et tandis que sa compagne lui intimait l’ordre de s’enfuir, l’apprentie magicienne ne pouvait s’empêcher de penser à la sécurité du garçon qui dormait à poings fermés dans sa chambre. La créature allait probablement s’en prendre à lui dès qu’elles auraient déguerpi. Il fallait absolument qu’elle fasse quelque chose, et vite ! Elle n’allait quand même pas laisser un enfant entre les griffes du Boogeyman …

"Partez devant, je n’ai aucune idée de si ça va marcher !!!"

C’était une constante chez Parvati. Elle agissait avant de réfléchir et généralement – enfin … parfois – cela produisait de bons résultats. Pas tout à fait les résultats espérés, mais des résultats globalement positifs quand même. Enfin … ça … c’était la théorie. Sans consulter la sorcière qui l’accompagnait et à peu près persuadée que son idée était viable, la magicienne retira son anneau d’antimagie et tendit la main vers l’armoire !

"Je-ne-sais-pas-s’il-faut-dire-une-formule !!!"

La magie brute contenue dans le corps de Parvati profita immédiatement de cet instant de liberté pour s’enfuir par la main tendue de la jeune femme, sous la forme d’une pluie d’étoiles lumineuses et colorées, qui aspergèrent l’armoire. La lumière brûla la main griffue comme de l’acide, qui se retira immédiatement. Les petites étoiles colorées, poussières lumineuses et brillantes, continuèrent de jaillir de la main de Parvati, arrosant les murs de la chambre de l’enfant, créant une voûte étoilée d’un éclat saisissant et rassurant. Commençant à perdre le contrôle de sa magie, Parvati remit son anneau, neutralisant immédiatement la magie.

Elle se retourna vers Faith et la prit par la main avant de franchir le seuil de la porte. La chambre de l’enfant était désormais si lumineuse grâce aux poussières étoilées que la créature y réfléchirait à deux fois avant de tenter de franchir le seuil. Cela ne l’arrêterait pas … mais au moins, cela la forcerait à ne pas s’en prendre à l’enfant … seulement cette nuit.

Les demoiselles débouchèrent dans le couloir de l’appartement et prirent la poudre d’escampette, comme des voleuses. Elle se retrouvèrent rapidement dans les rues éclairées par les luminaires, après avoir dévalés les escaliers quatre par quatre. Reprenant son souffle, la jeune femme s’appuya contre une façade de brique, dans une ruelle éclairée, mais déserte. Les cheveux poisseux, à moitié nue et complètement exténuée, Parvati regarda sa sauveuse avec un sourire épuisé.

"Merci ..."

Assise le cul par terre dans la ruelle, l’apprentie magicienne lui tendit la main.

"Parvati ... je m’appelle Parvati …"

"Don't be afraid of the Dark"

La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

          Faith contempla la scène silencieusement, uniquement curieuse d’observer la magie de cette femme à l’œuvre. Puissante, elle était. Certes, moins que cette déesse, mais puissante malgré tout pour un être humaine. Mais ses compétences manquaient de méthodologie, malgré l’essence immense qu’elle possédait, elle était incapable de puiser correctement. C’était étrange, elle était telle une nourrisson à qui l’on demandait trop tôt de tenir sur ses deux petites jambes. Pour donner une image de ce qu’elle faisait aux yeux de la Gothique, imaginez que la source magique de Parvati était un lac, eh bien la magicienne tentait de s’accaparer cette immense réserve d’eau avec à mains nues… Là où des magiciens entraînés, auraient à leur disposition une pompe à eau avec canon à jet à l’extrémité. C’était affligeant, elle était donc bien une sorte d’apprentie. Faith avait un doute vu son comportement avec les créatures de sa mère. Mais maintenant qu’elle l’avait vu à l’œuvre, cela effaçait de son esprit les quelques incertitudes restantes.
       Mais son action était vaine, les créatures de cauchemars étaient comme leurs surnoms l’indiquaient, des créatures de cauchemars. Si la lumière pouvait empêcher cette dernière d’approche l'enfant, c’était contre elles qu’une arme temporaire. Tant que la peur subsistait dans le cœur d’une personne, alors des failles allaient continuer d'ébrécher la réalité. Pour le moment, le Boogeyman n’en avait pas après les habitants de cette demeure, c’était bien la seule chose de ‘‘positive’’ qu'elle pouvait espérer de cette situation. Mais la réalité n’était jamais aussi simple, aussi plaisante et rassurante. Tant que le gosse était esclave de ses angoisses profondes, sa vie sera toujours menacée quoi qu’il arrive. Si ce n’était pas le Boogeyman qui le dévorait ce soir, ce serait une autre entité qui s’en chargerait. Les créatures à forme féminine étaient, elles aussi, tout près de la faille, et ce, pour une raison. Il était fort possible qu’elles attendaient d’être assez fortes pour traverser le voile et entraîner dans les ténèbres l’enfant.

        Une faille attirait les monstres qui se nourrissaient de la peur qui en sortait, une peur qui les renforçait, les changeait, les poussant à cette chasse sauvage. Mais Faith avait le sentiment, que cette magicienne était de ceux qui avaient besoin de se sentir rassurée, d’imaginer que leur action faisait la différence. Je parie qu’elle n’avait guère pensé sur le long terme, mais l’instant présent uniquement. ‘‘Faisons quelque chose aujourd’hui, mais fermons les yeux demain. Après tout, ce n’était pas bien grave, si l'on ne savait pas.’’ C’était-là le genre de pensée et d’attitude qui dégoûtaient la sorcière. Son petit tour terminé, de cette magie très colorée qui échappait à la sorcière, la débutante entraîna Faith à l’extérieur. Elle remercia la gothique, mais au fond l’adolescente n’était pas certaine qu’elle avait vraiment aidé celle qui était à la base la cible de ses lutins. Alors, elle ne répondit rien. Quand elle se présenta, Faith sortit son téléphone pour y composer un numéro, tout en répondant enfin.
        « Et je ne suis pas intéressée. » Ce n’était pas totalement un mensonge, elle avait évidemment senti qu’une part d’elle avait réagi à cette source de magie, notamment la succube en son cœur, ce qui était tout à fait étonnant. Ce n’était pas quelque chose de sain lorsque sa part démoniaque se mêlait à ses pulsions ou à ses émotions. Elle s’était sentie emballée dans un soudain besoin quand elle ressentit sa magie pour la première, un besoin qu’elle ne ressentait pourtant qu’en présence des hommes. C’était quelque chose qui l’effrayait peut-être un peu, mieux valait ne prendre aucun risque et en ce sens, s’éloigner sagement du problème tant qu’elle le pouvait encore. Le téléphone fut décroché à l’autre bout du fil. « Je suis désolée, il y a eu un imprévu. Je t’expliquerai. Je rentre. » Elle raccrocha, non sans vouloir se tirer les cheveux. La voix de sa mère paraissait aussi calme qu’elle pouvait le paraître, mais il y avait quelque chose dans son intonation qui faisait comprendre à Faith qu’elle allait en chier en rentrant.

          Elle observa la cause de sa situation, il était peu probable que cette dernière veuille lui rendre sa veste, vu ce qui lui restait dessous. « Est-ce que Hermione Granger, saura retrouver le chemin de sa baraque ? » Demanda Faith en rajoutant. « Je te conseillerai de renforcer ses protections avant de t’endormir ce soir. » Parce que si la magie de ses petites fées disparues avait suffi en briser les murs, alors qu'en sera-t-il d'un monstre de puissance obscure comme la créature qui la poursuivait désormais.
      

"Don't be afraid of the Dark"

On pourrait citer de nombreux exemples de dépenses inutiles. Les murs des cimetières : ceux qui sont dedans ne peuvent pas en sortir, et ceux qui sont à l’extérieur ne veulent pas y entrer. - Parvati Mahajan-Jones

"Quoi ? C’est tout ?!"

La jeune femme se releva brusquement dans la ruelle et considéra d’un air furibond la sorcière qui se tenait devant elle. La moutarde lui était subitement montée au nez.

"Je viens de me faire kidnapper ! J’ai failli me faire dévorer vivante par la moitié des horreurs de l’univers ! Je suis à moitié nue dans une ruelle mal éclairée et à moitié nue, complètement terrorisée par ce qu’il vient de se passer et tout ce que vous trouvez à dire c’est de me démerder !?"

Parvati oscillait entre un rire nerveux et un regard courroucé ! C’était forcément la pression et le stress qui redescendaient. Elle était passée si proche de la mort en moins d’une heure que son esprit et son corps avaient du mal à processer l’ensemble des paramètres qui venaient de surgir dans sa vie. Non seulement elle avait échappé à la mort, mais en plus, elle avait réussi à lancer son premier sort ! Elle en aurait presque fêté ça si la perspective de devoir rentrer chez elle à moitié nue dans les rues de Gotham n’avait pas été si dangereuse.

Se rendant compte que sa situation ne s’était pas véritablement améliorée, la jeune femme se mordit les lèvres et râla de plus belle, un râle à mi-chemin entre le désespoir et la frustration liée à la situation merdique dans laquelle elle était. Serrant les poings et tempêtant contre sa malchance, elle finit par se calmer et déclara d’un ton acide :

« Si c’était si simple de protéger sa maison, croyez-moi, j’aurai blindé ma maison de protections si puissantes qu’elles vaporiseraient jusqu’au facteur ! Mais non, désolée, mis à part quelques runes, je n’y connais pas grand-chose ! »

Il était vrai que Parvati n’y connaissait pas grand-chose en pratique de la magie. La théorie, ça, elle maîtrisait à peu près … du moins, elle connaissait suffisamment le monde occulte pour savoir qu’elle était loin d’être en haut de la chaîne alimentaire. Le fait de savoir qu’elle avait été sauvée in extremis par la sorcière au visage d’ange qui se tenait devant elle ne faisait que confirmer sa faiblesse et son inexpérience.

D’ailleurs … Que faisait-elle sur le territoire des cauchemars ?

A bien y réfléchir, Parvati était si concentrée sur ses problèmes qu’elle n’avait même pas pris la peine de détailler celle qui l’avait sauvée. Elle était loin d’être vilaine, malgré ses remarques acerbes et son ton autoritaire. Elle dégageait un je-ne-sais-quoi de magnétique, accentué par son look un peu ténébreux. La sorcière – c’en était une, sans doute possible – ne devait pas avoir plus de la vingtaine, mais Parvati sentait chez elle quelque chose d’ancien … Était-ce parce qu’elle semblait plus mature que les jeunes femmes de son âge ? Possible … En tout cas, les yeux de Parvati ne pouvaient être abusés. Autour de sa sauveuse, une énergie étrange flottait et semblait enlacer le corps de la jeune femme. Quelque chose de sombre et d’enjôleur … un flux qui se dirigeait doucement vers la jeune femme.

Quelque chose de puissant qui s’insinuait dans ses entrailles … Quelque chose qui augmentait imperceptiblement les battements de son cœur et la chaleur de son corps …

Parvati sursauta. Elle s’aperçut que sans s’en rendre compte, elle avait tendu la main vers la sorcière, comme attirée par l’énergie qui émanait d’elle. Confuse, elle retira sa main et chassa de son esprit les pensées étranges qui l’avaient envahi et se concentra sur la première chose qui lui vint à l’esprit.

L’odeur de sa veste … il y avait quelque chose d’entêtant dedans.

« Ecoutez … je suis juste épuisée. Pouvez-vous me reconduire jusqu’à chez moi ? »dit-elle en s’accrochant doucement à son bras.

Elle avait bien remarqué que l’inconnue ne lui avait toujours pas dit son nom, ni l’identité de la personne qu’elle avait contacté à l’instant. Mais après tant de péripéties, Parvati n’était pas du genre à faire la fine bouche.

« A tout hasard, vous n’auriez pas un sortilège pour des vêtements ? J’aimerai finir ma soirée ailleurs qu’au poste de police pour exhibitionnisme … »

"Don't be afraid of the Dark"

La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

          Faith fit claquer sa langue alors qu’elle subissait les colères de l’homo magi, comme s’il était de son devoir d’agir pour la rassurer. La gothique était pourtant la mineur de l’histoire, elle qui n'avait même pas encore 21 ans, de ce fait, une adolescente qui n’était aucunement tenue d’assurer la sécurité de celle qui avait quelques années de plus qu’elle. Certes, elle avait causé ce qui était arrivé à cette pauvre magicienne, mais ce n’était pas quelque chose qu’elle allait ouvertement avouer. C’était peut-être la peur qui la rendait si brèle et irraisonnable. Cependant, il était guère sage de dépendre ainsi d’une étrangère. C’était la pensée qui traversait la sorcière alors qu’elle s’attarda sur l’allure de celle qui se nommait Parvati. Cela dit, voir l'homo magi si vulnérable et sous cette détresse délicieuse, donnait fortement envie à la gothique de la dévorer elle-même à la place du Boogeyman, comme elle le ferait en temps normal avec un homme, ce qui était absurde. Pourtant, la sorcière se surprit à s’attarder sur les courbes de l'ancienne proie de ses lutins disparus.
            Faith sentait son appétit grandir, l’appétit de la succube aux instincts qu’elle devait garder enterrer au plus profond de son cœur meurtri. Elle ne remarquait même pas qu’elle relâchait ses hormones magiques à la manière dont elle prenait en chasse la proie masculine. La sorcière l'écouta à peine justifier son incompétence, lutant grandement pour garder sa lucidité. Une bataille comparable à celui d’un homme résistant à l’épuisement, un homme se forçant à ne pas sombre dans le sommeil, alors qu’il conduisait possiblement un véhicule sur une route nocturne et silencieuse. Céder au sommeil, c’était risquer l’accident ou pire. Elle était clairement une magicienne débutante, encore apprentie d’un art complexe. La jeune Cross avait du mal à le croire, mais la femme devant elle était sans maître. Car de toute évidence, un mage aguerri et fort expérimenté aurait consolidé aisément ses runes de protection.

            Cela dit, si elle était seule, elle n’était pas si différente de Faith qui avait du réapprendre l'usage de la sorcellerie sans l’aide de personne. Oui, sa mère avait refusé de l’aider à retrouver ses pouvoirs d’origines, songeant que la gothique aurait eu plus de chance d’échapper à sa malédiction si elle menait une vie humble et humaine. Cependant, même écarter de tout enseignement mystique et impie, le temps avait fait en sorte que la sorcière retrouve progressivement sa mémoire et par conséquent, ses connaissances magiques disparues. Le plan de sa mère était donc voué à l’échec depuis le début. La réaction de Parvati était étrange par la suite, alors qu’un silence s’installa, forçant la gothique à prêter une attention un peu plus importante envers la demoiselle. Son regard, ainsi que cette réaction, Faith les connaissait que trop bien. Normalement, son odeur et sa présence magique ne devraient aucunement affecter la gente féminine.
             Mais il y avait des exceptions incroyables et inédites dans toute chose. Mais l’adolescente pouvait-elle être maudite au point que celle qui faisait réagir ses instincts de succube puisse être elle aussi une victime de ces charmes surnaturels. Elle n’y avait pas pensé, mais peut-être que c’était une femme transe ? Oui… Même le genre était celui d’une femme, si biologiquement elle était un homme alors ça expliquerait des choses. Mais au fond, qu’est-ce que ça changeait. Eh bien, le fait que Faith courrait un risque elle aussi. Comment résister à ses pulsions, si derrière l’autre en était bien incapable ? Lorsque Parvati tendit son bras vers la jeune sorcière, celle-ci eut un léger mouvement de recul, retenant sans souffle, le sourcil plissé. Avec un homme comme avec une femme, Faith avait interdiction de céder à ses pulsions. Par chance, l’apprentie magicienne retrouva sa lucidité. La sorcière fut si soulagée qu’elle souffla légèrement, désormais plus détendue. L’homo magi reprit, demandant malgré tout à Faith de l’accompagner, ce qui fit soupirer la concernée, consternée par l’attitude médiocre de la magicienne qui ne semblait pas voir le danger à rester auprès de la sorcière.

             Et pourtant, la sorcière ressentait l’irrésistible besoin de recouvrir de ses ailes démoniaques, invisibles et impalpables, la pauvre créature devant elle. Elle claqua de nouveau de la langue. « Bon arrête de me vouvoyer, ça me saoule. Montre-moi juste la direction. » De toute façon, Faith n’était pas pressée de rentrer à l’hôtel de Baba et confronter sa mère. La dernière question de Parvati, la sorcière ne se fut guère priée pour lui répondre. « Non ! » Un sortilège pour avoir des vêtements, ce qu’il ne fallait pas entendre. Épuisez une précieuse ressource pour se fringuer, il n’y avait que les Mages avec de la magie à gaspiller qui perdait leur temps dans ce genre de nullité et surtout, absurdité. « La magie a un prix, je ne vais pas gaspiller mes forces pour quelque chose d’aussi dérisoire. Si la police arrive, une illusion fera l’affaire. »  
      

"Don't be afraid of the Dark"

On pourrait citer de nombreux exemples de dépenses inutiles. Les murs des cimetières : ceux qui sont dedans ne peuvent pas en sortir, et ceux qui sont à l’extérieur ne veulent pas y entrer. - Parvati Mahajan-Jones

Parvati, visiblement déçue et agacée, gonfla les joues et se détourna de la sorcière. Toujours vêtue de sa nuisette, de ses ballerines et de la veste de Faith, elle s’avança vers la sortie de la ruelle, où le vieil éclairage municipal menaçait ruine. Passant à côté des poubelles qui débordaient d’immondices, l’apprentie magicienne scruta au travers des éclairages blafards le moindre indice sur sa localisation.

Strangler’s Street … charmant …

De mémoire, Strangler’s Street était située dans un quartier au nord de Gotham non loin de son appartement. Vingt minutes à pied à tout casser, ce qui n’était pas si dramatique. Elle aurait très bien pu atterrir à Métropolis, avec sa poisse infinie, et les dieux savaient à quel point elle avait la poisse ! Parvati se retourna vers la sorcière, pointant du doigt la plaque émaillée de la rue fixée sur un mur en briques.

« Mon chez-moi ne doit pas être bien loin. Je dirai vingt minutes à pieds vers le sud. »annonça-t-elle d’un ton boudeur.

Frigorifiée, mais bien décidée à rentrer chez elle, Parvati, accompagnée de la sorcière, se fraya un chemin dans les rues enténébrées de Gotham. Entre les immondices laissées par une municipalité à l’agonie et les bandes de rats qui s’affrontaient avec les chats pour des bouts de territoires, les rues de Gotham n’étaient jamais sûres. Les rares passants qui se trouvaient dans les rues à cette heure-ci étaient vraisemblablement des voyous, mais comme d’habitude à Gotham, moins on posait de questions, mieux on se portait. Seuls les idiots allaient voir des inconnus la noirceur de la nuit gothamite pour leur poser des questions. Et Parvati, elle, n’était pas idiote … Juste malchanceuse.

Atteindre sa rue ne fut pas bien compliqué, mais l’apprentie magicienne était frigorifiée. Malgré les fumeroles qui s’échappaient des plaques d’égout mal vissées et des gaz d’échappement des voitures s’élançant dans la nuit, les soirées gothamites étaient fraiches … trop fraiches. La jeune femme commençait à grelotter, son corps n’arrivant pas à se réchauffer malgré son pas sûr. Silencieuse tout au long cette marche nocturne, la sorcière conservait une distance de sécurité avec elle. Pourtant, Parvati pouvait aisément sentir sa présence car son aura magique continuait à tenter de s’accrocher à elle, sans parvenir à l’atteindre de nouveau. Malgré la protection offerte par sa Source, Parvati n’était pas spécialement rassurée quant à la nature de cette aura qui émanait de la sorcière, mais étant donné qu’elle n’était pas en position d’objecter quoi que ce soit, elle garda pour elle ses questions et ses réflexions.

On y est.

Sa maison était enfin en vue. La porte n’était évidemment pas fermée à clef, car les runes de protection auraient normalement dû faire leur office et protéger le lieu, mais ces dernières n’étaient visiblement pas assez puissantes, vu que de simples lutins démoniaques avaient pu pénétrer dans ce qu’elle croyait être son sanctuaire. La demoiselle remonta quelques marches sur le perron et, sans se retourner vers la sorcière, effleura du doigt l’une des runes de protection qui de trouvait sur le dormant de la porte.

Plus de magie.

De ses yeux, la magicienne ausculta les runes, les unes après les autres. La magie avait bel et bien disparu des runes qu’elle avait placé autour de sa maison. Intriguée – et quelque peu inquiète - par ce phénomène, elle se retourna vers la demoiselle qui l’accompagnait.

« Je vis ici ... Mais vois-tu … ces runes … elles ne fonctionnent plus. Pourtant, je suis persuadée qu’elles fonctionnaient lorsque je suis rentrée chez moi, dit-elle d’un ton perplexe. Oh, désolée, je suppose que ce ne sont pas tes affaires et que tu n’en as rien à foutre. »

Elle tira la langue, afin de montrer qu’elle pouvait avoir le dernier mot face à une gamine.

La demoiselle ouvrit la porte de sa demeure et considéra un instant la jeune femme sur le perron. Elle sourit discrètement et fit un pas de côté, l’invitant à entrer dans sa demeure. Au moins pour boire quelque chose de chaud … C’était la moindre des choses pour la remercier. Parvati n’était pas une ingrate mais elle était loin de se douter qu’elle avait invité la fille du Diable chez elle.

"Don't be afraid of the Dark"

La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

          Elle faisait pitié de part cette attitude que la sorcière exécrait chez les humains et pourtant, c’était aussi paradoxalement une fragilité qui la fascinait. Hélas, Faith avait cédé à ce qui semblait être tout bonnement un vulgaire caprice. La bonne nouvelle, c’était que la magicienne semblait savoir où elles étaient toutes deux par rapport à chez elle, estimant ainsi une heure d’arriver approximative, ainsi qu'une direction. Quelques minutes de marche à pied allaient suffire pour la ramener chez elle. La sorcière jetait silencieusement un regard à cette camarade de fortune qui grelottait excessivement, semblant vaincu par de simples courants d’air. C’était difficile à observer tant, ceci était gênant pour la gothique. Parvati voulait donc des vêtements non pas à cause d’un complexe de nudité, mais parce qu’elle avait froid. Faith était ébahie, voire presque consternée qu’une magicienne capable de jeter des étoiles, était incapable ici de faire circuler son énergie magique à travers son corps, ce qui était pourtant la base quand on voulait apprendre à jeter des sorts.
         Était-elle novice à un point qu’elle était incapable de réguler la température de son corps via la plus basique des méthodes de circulation magique ? Mais comment avait-elle fait pour jeter ce sortilège quelques minutes plutôt sans pour autant contrôler son énergie magique ? La gothique se demandait si ce qui s’était passé dans cette chambre n’était pas le fruit d’une simple et première expérience. L’idée en énervait silencieusement la jeune Cross… Que se serait-il passé si c'était autre chose de moins inoffensive qui serait sortie de ses mains à la place des étoiles. C’était absurde. On ne pilote pas un avion sans avoir au préalable appris à le faire. Le problème étant que sa magie à elle était différente, brute et instable. Si elle ne savait pas encore maîtriser l'énergie de sa source, elle devait avoir interdiction de faire usage même de la magie tout court. Même un magicien moins puissant qu'elle qui ne savait pas maîtriser les bases et qui décidait de se lancer directement dans l’apprentissage d'arcane magique, allait être responsable de bien des catastrophes.

            Après tout, la formule n’est que la recette du plat, le résultat va dépendre de la quantité d’ingrédient quand met dans ce plat. Sans maîtrise des bases de la circulation magique, on peut soit mettre trop de puissance ou pas assez dans une incantation. Et avec une bombe nucléaire comme Parvati, tenter un truc qu’elle n’a jamais fait auparavant, aurait très bien pu rendre, cette soirée, bien plus dramatique qu'elle ne l'aurait imaginé. Mais que pouvait dire la sorcière, au fond, elle s’en foutait un peu. Apprentie magicienne ou non, Faith n’était pas responsable de ses actes. Les choix et les conséquences de Parvati n’étaient, en aucun cas, liés aux décisions de l’adolescente. Aussi, Faith songea qu’elle n’avait aucune raison de sermonner la magicienne qui souffrait déjà de son incompétence en magie. Cross avait longtemps appris à contrôler sa magie de sorte à ce qu’elle ne souffre ni du froid, ni de la chaleur. Son contrôle était tel que son corps pouvait supporter le froid de l’Antarctique.
             Mais il était aussi probable que la source de Parvati puisse poser problème quant à son apprentissage… Cependant, la jeune sorcière n’en était pas sûre. On aurait tendance à croire que plus la magie et puissante, plus il serait aisé de la maîtriser. En réalité, c’était tout le contraire. La magie demandait de la précision, de la délicatesse et de la finesse, tout cela était plus simple sans la pression d'une force titanesque. Il était bien plus aisé et moins dangereux d’apprivoiser le petit flot d’une eau sortant d’un robinet, que celui provenant d’une cascade. Toutefois, le problème était peut-être autre. Faith avait remarqué qu’à chaque fois que cette Homo-Magi avait fait usage de la magie, elle avait retiré cette bague. Est-ce que cela voulait dire que cette blague ne se contentait pas uniquement de camoufler sa source, mais de bloquer sa magie ? Perdu dans ses pensées, le trajet se fit en silence. Les rues étaient peu animées, mais déjà bien plus vivantes que sa parallèle consœur ténébreuse. Ici, les nuages étaient visibles, malgré la nuit…

             Pour Faith, ça ne changeait rien, sa nyctalopie était la même ici ou dans l’autre monde. Elles arrivèrent et Faith s’attarda sur l’architecture de l’appartement. Elle observa celui-ci, décelant quelque chose d’énigmatique. Ce dernier avait l’air enchanté, ce n’était peut-être que son imagination. Elle préféra ne pas s’attarder dessus. Des manoirs magiques, il y en avait autant qu’il existait de lieux hantés. L'Homo-Magi montra ses runes à la petite sorcière qui resta un moment dubitative. Ce genre de runes devait s’activer via un système de nœud. À l’image d’un cercle de protection qui perd de son pouvoir si le cercle est brisé, il suffisait qu’une rune soit endommagée pour en annuler les effets du reste des Runes. Il était donc probable qu’un de ses lutins avait attaqué une rune en particulière. La dernière phrase de l’Indienne fit lever un sourcil à la sorcière qui fixait cette langue qu’en lui tirait. Une provocation qui ne laissait pas Faith insensible, la sombre part de son âme ressentit comme un besoin vil de faire de cette langue sienne.
            L’idée de dévorer son innocence fit vibrer un instant ses ailes. La sorcière s’approcha de l’entrée sans que ses yeux ne lâchent ceux de l’Homo-Magi, comme si elle s’apprêta à fendre sur ses lèvres. Ne se détournant d’elle qu’au moment d’entrée dans l’appartement. « Tes runes viennent de symboles puissants, mais un piège à rats ne va pas s’activer à cause d’une simple fourmi et il sera inefficace face à un animal plus gros et plus fort qu'un rat. Est-ce que tu vois ce que je veux dire ? » Faith n’avait jamais été très pédagogue, elle ne voyait pas trop comment expliquer les choses sans faire des comparatifs relous pour elle. « En gros, tes runes semblent repousser qu’une catégorie d’être surnaturelle. En plus de ne pas prendre en compte la particularité féerique des créatures qui t’ont attaqué, elle semble désigner celle qui sont maléfiques. Ça peut-être efficace sur un démon ou un vampire, mais pas un ‘‘concept’’… Le Boogeyman n’est pas maléfique, c’est un concept lié à la notion de cauchemar... À l'image de la Mort elle-même, un concept qui n'est pas bon ou mauvais, mais nécessaire à la vie. »            

            Bref, ça demandait tout un chapitre qui s’étudiait sur plusieurs semestres et Faith n’avait pas la patience de lui en expliquer davantage aujourd'hui. « Passe-moi, juste un papier et un stylo, je te marquerais les ajouts à apporter à ta protection… Mais seulement contre le Boogeyman. » Oui, une décision toute réfléchie, car ce serait assez complexe de rajouter de nouveau symbole magique sans déséquilibrer le tout avec les anciennes runes.  
      

"Don't be afraid of the Dark"

On pourrait citer de nombreux exemples de dépenses inutiles. Les murs des cimetières : ceux qui sont dedans ne peuvent pas en sortir, et ceux qui sont à l’extérieur ne veulent pas y entrer. - Parvati Mahajan-Jones

"Don't be afraid of the Dark"

La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

          Faith était une succube, tout son être était capable de ressentir le désir que dégageaient ses proies, une forme d’énergie faible qui émoustillait ses sens. Plus ils avaient de désir pour plus la faim de la succube grandissait, rendant Faith davantage plus désirable aux yeux de ses proies. Un cercle vicieux dont la sorcière arrivait à garder un certain contrôle uniquement dû à l’objet que sa mère lui avait imposé de porter dès l’enfance. Un talisman qui permettait à Faith de rester maître de ses décisions face aux trop nombreuses pulsions qui pouvaient rapidement corrompre son esprit rationnel. Il était donc évident que Faith avait conscience de l’effet qu’elle avait en cet instant sur la magicienne, mais elle s’était retenue de jouer davantage de ce magnétisme mystique. Il était déjà étrange qu’une femme puisse autant réagir à son charisme démoniaque, elle préférait ne prendre aucun risque. L’obsession qu’elle pouvait créer dans le cœur de ses proies pouvait facilement se retourner contre elle, surtout si la dite personne était pourvue d’une puissance qui surpassait la succube.
          Est-ce qu’elle avait peur que l’Homo-Magi la séquestre à cause d’une pulsion dont elle aurait potentiellement perdu le contrôle ? Non, mais elle préférait éviter toute situation saugrenue avec celle qui demandait une attention particulière face à la curieuse source de magie qu’elle détenait. Aussi, Faith se contenta de se concentrer sur son explication, principalement pour forcer ses pensées à dériver sur un sujet autre que la langue de cette fichue gamine qui hantait maintenant son esprit. Ridicule subterfuge pour tromper l’agitation de ses neurones. La gothique n’avait pas fixé une seule fois la concernée, et ce, jusqu’à qu’elle quitte la pièce pour chercher ce que la sorcière lui avait demandé. Mains dans les poches de son short en cuir, l’adolescente observait avec un peu plus d’attention la décoration, faisant quelques pas avec cette nonchalance habituelle. Elle avait envie de s’en fumer une, mais elle se souvint assez vite qu'elle n’avait pas pu prendre avec elle son paquet de clope à cause l’incident avec les fées nocturnes.

           La magicienne passa devant Faith, un peu plus dénudée, pieds désormais nus. Intérieurement, la sorcière se demandait si ce n’était pas l’inverse qui aurait dû se passer. Maintenant, qu’elle était enfin chez elle, n’aurait-elle pas dû chercher à se vêtir immédiatement. Après tout, c’était elle qui semblait grelotter à la mort quelques minutes plus tôt. Son odeur sur sa veste était probablement ce qui poussait Parvati à garder sur elle ce vêtement, même si elle n’en avait plus utilité. Au final, cela ne gênait aucunement la créature hybride qu’était la Cross, voir la magicienne en petite culotte et jambes nues, restait un plaisir coupable pour ses yeux. Si bien que lorsque Parvati s’éloigna à nouveau, Faith ne se priva guère quant à une petite observation sur ce postérieur qui avait failli finir, ce soir, ingéré non pas par une, mais plusieurs créatures surnaturelles. Faith reprit la direction de la sortie où elle prit le temps d’observer les runes à l’extérieur, particulièrement celles endommagées.
           Elle revint dans l’appartement quelques minutes plus tard avec des inscriptions sur sa feuille, au moment même où le son d’une théière se fit entendre au loin. Parvati réapparut toujours inchangé au niveau de sa tenue, déterminée à connaître le nom de la gothique. Pour un démon, l’identité était sacrée, si bien que connaître leur nom donnait du pouvoir à ceux qui en avaient connaissance. Encore heureux que l’identité que l'adolescente portait, était purement fausse. Son nom originel, qui fut donné par son père, n’était pas une fois en six siècles sortis de sa propre bouche. « Faith Cross. » Finalement, était-ce véritablement une fausse identité ? Faith Cross avait toujours été le nom et prénom qu’elle employait depuis qu’elle avait fuit le Coven. L’on pouvait aujourd’hui dire qu’il s’agissait de son identité humaine, après tout, elle était en partie humaine de par son métissage. La gothique se servit un verre avant de tendre la feuille qu’elle avait remplie.

            « J’ai noté des symboles qui colleront à l’énergie mystique qu’utilisent ceux déjà installés. Avec ça, tu pourras dormir sur tes deux oreilles. » Elle devra les graver ce soir si elle voulait justement dormir ce soir. Il était probable que la créature, même depuis l’autre côté, ait fait le chemin inverse pour infiltrer la version parallèle de cet appartement et creuse une faille jusqu’à cette réalité. Faith s’avança alors de nouveau vers la magicienne, déposant sa tasse finalement sans la toucher. Ne s’arrêtant qu'une fois quelques centimètres de Parvati, au point d'en sentir sa respiration effleurer sa peau. La sorcière posa ses mains au niveau de la taille de l’homo-magi. « Je récupère ça, veux-tu ? Je pense qu’il est temps que j’y aille. » Pensait-elle que la sorcière tenterait quelque chose de peu catholique ? Certes, il était sans doute un peu vrai que la situation amusait probablement un peu trop la gothique qui était d’une vile humeur taquine.   
      

"Don't be afraid of the Dark"

On pourrait citer de nombreux exemples de dépenses inutiles. Les murs des cimetières : ceux qui sont dedans ne peuvent pas en sortir, et ceux qui sont à l’extérieur ne veulent pas y entrer. - Parvati Mahajan-Jones

"Don't be afraid of the Dark"

La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

          L’environnement changeait, non guère par sa température ou par l’ambiance, c’était une sensation au niveau mystique que la sorcière ressentait. Une légère vibration ésotérique qui frôlait les six immenses ailes métaphysiques de la sorcière, replier sur elle-même. Ses plumes impies dansaient sous le vent invisible d’ondes qu’elle recevait par vague étrange. Cela venait de Parvati, de cette magie qui lui était assurément propre. Le regard de la gothique fixait un moment la main de l’hôte de cet appartement, elle avait toujours à son doigt cet anneau qui semblait empêcher sa magie de causer des incidents. L'adolescente se demandait si elle était la cause de cette soudaine agitation de cette force magique. Après tout, la magie et la volonté étaient souvent attachées l’une à l’autre. Kassandra avait toujours fait en sorte que Faith est une éducation qui amène la petite à éviter les situations émotionnelles au possible, car une simple colère chez une jeune sorcière garantissait une perte de contrôle de sa magie.
         La sorcière n’avait jamais vraiment séduit un mage auparavant, ces derniers savaient généralement comment se protéger de l’influence mystique d’une créature surnaturelle proche ou semblable à l’espèce de Faith. C’était donc un terrain tout à fait inconnu pour l’adolescente qui, pour la première fois, ressentait un léger doute quant à une situation qu’elle avait pourtant elle-même provoqué. Elle ne se sentait pas en danger, loin de là… Mais elle avait cette sensation étrange, un je-ne-sais-quoi de dérangeant qui grandissait dans le creux de son ventre. Pas moyen de mettre un mot sur ce qu’elle ressentait, depuis que sa mère refusait de l’instruire, il y avait tout un panthéon d’elle-même que Faith ignorait. Elle s’était fiée à son grimoire et aux quelques souvenirs de ses vies précédents qui émergeaient de temps à autre, mais rien de plus. Cela dit, la sorcière avait eu la sagesse de ne pas tenter trop longtemps le diable, même si elle s’amusait de la situation.

         Alors elle avait simplement joué une dernière fois de sa nature avant de tout simple tenté de couper court à la situation de manière pernicieuse, ceci en indiquant notamment qu’il était temps qu’elle s’en aille. Voulant la laisser sur sa faim, quel que soit ce qui grandissait dans son cœur. Est-ce que Faith s’attendait particulièrement à la réaction qui allait suivre ? Oui et non. Disons que l’attitude issue de la vilenie et de la luxure, partant d’une pulsion incontrôlable, était souvent des choses que Faith avait l’habitude d’observer chez les hommes. C’étaient eux qui étaient impuissants face à ses charmes surnaturels, à l’odeur que sa part succube dégageait. Mais les femmes avaient simplement tendance à la trouve légèrement plus charismatique et non guère aveuglé par leurs instincts primaires. Aussi, la sorcière était probablement elle-même sous le choc quand les lèvres de l’apprentie magicienne lui arrachait un baiser qui avait envoûté tant de proie avant elle.

Voyez-vous ce mouton qui désire si ardamment la morsure du loup...  

          Si la situation aurait pu à peine affecter la sorcière, quelque chose dans sa propre essence venait de réagir à une intrusion. Une force extérieure qui fit frissonner tout son être et réveilla quelque chose de sombrement enfoui au cœur de la fille du diable. Les ailes invisibles de la sorcière se déployèrent avec violence si bien que leur mouvement, pourtant physiquement absent et impalpable, provoqua un violent courant d’air balayant tout ce qui était facilement projetable. Et pourtant, une action qui ne sembla guère interrompre ce baiser interdit. Faith n’avait pas conscience du temps qui venait de s’écouler entre le moment où les lèvres de Parvati s’étaient posé sur les siennes et l’instant où elle réalisa que sa propre magie s’agitait comme une eau qui peu à peu passait à l’état d’ébullition. Elle avait soudainement terriblement faim, comme lorsqu’elle voulait dévorer l’âme d’un homme au cours de l’acte sexuel.
         S’il était inconcevable qu’une femme puisse tomber sous les charmes d’une succube de la même manière qu’un homme, il était davantage plus absurde que la succube elle-même veuille dévorer à ce point l’essence vitale d’un être humaine de sexe féminin. Prise par surprise par ses propres instincts démoniaques, c’était cette fois la jeune Faith Cross qui avait du mal à contrôler ses désirs. La douceur des lèvres de l'Indienne, le goût de sa langue, jusqu’à la sensation qui infiltrait son essence, Faith se sentait incapable de rompre par la force de sa volonté cette illusoire idylle. Ses yeux revêtirent la couleur du néant et à mesure qu’elle perdait la force de résister à l’interdit, les voix des ombres, spectre de l'infâme, chuchotaient peu à peu non loin, ayant ressenti que la fille de Baphomet, leur maître et créateur, s’éveillait progressivement à nouveau et que bientôt, eux-mêmes pourront danser autour de ce banquet inattendu. Mais un cri et la douleur force Faith à retrouver ses sens et repousser la dangereuse source de son désir.

          Autour du cou de la sorcière, brillait d’une lueur ardente, un talisman de forme circulaire qui en brûlait la chair de l’adolescente à son contact. « Putain ! » Cracha la gothique qui ressentait la même douleur que ressentirait une personne brûlée au fer rouge. Le talisman que sa mère lui forçait à porter, était un genre de rappel : elle n’avait aucunement le droit de laisser la succube se nourrir. Le talisman reprit une couleur froide et argentée après un moment. Très lentement, mais bien plus rapidement que le commun des mortels, la blessure laissée par le talisman commença à se régénérer. « Je t'aime maman, mais sérieusement, je te hais là. » Annonça la jeune sorcière alors qu’elle observa sa blessure via la vitre de la fenêtre qui, dans la nuit, servait un peu de miroir. Sa blessure était déjà à l’état de croûte sous la cicatrisation qui avait débuté. Elle cacha cette dernière sous son t-shirt et rajouta. « Qu’est-ce que tu m’as fait toi, hein ? Est-ce que tu as consciente de ce que j’aurais pu te faire sans ce machin ? » Demanda l’adolescente en indiquant du doigt son talisman.
         La sorcière n’était pas énervée, mais si sa voix résonnait sur un ton d’indifférence, il y avait une forme d’agacement qui était apparue dans le cœur de Faith. Elle ne voulait plus vraiment approcher l’apprentie magicienne de peur que ses instincts reprennent le dessus, mais en même temps, elle était si curieuse de sentir à nouveau cette sensation qu'elle a eue au contact de l'homo-magi. Son cœur palpitait encore, tandis que son corps frissonnait toujours. Ironiquement, voilà que c’était la gothique qui se retrouvait à rester sur sa faim. Faith songea que Parvati l’avait sans doute embrassé contre son gré, mais peu importe, car pour elle, l'Indienne méritait quand même une punition…


        Un vent surnaturel s'éleva un instant, faisait faiblir les lueurs dans l'appartement. Proche d’être une malédiction, cette malice allait simplement empêcher la jeune apprentie de toucher tous les objets dans cette maison, liés de près ou de loin à la magie. Il était possible que la magie n’affecte pas directement l’apprentie à cause de cette source, mais elle pouvait toujours influencer les objets autour. À chaque fois que Parvati allait tenter de prendre un livre de magie dans sa bibliothèque, ce dernier allait s’éloigner d’elle et tout faire pour éviter son touché, quitte à se volatiliser. C’était un sortilège que Kassandra avait souvent utilisé pour empêcher Faith de passer trop de temps sur son téléphone alors qu’elle avait des devoirs à rendre pour l'école, cela remontait pour elle à l’époque du lycée. Elle avait passé une éternité à tenter d’attraper son smartphone qui disparaissait simplement lorsqu’elle était sur le point de l’avoir, et ce, pour réapparaître autre part dans la maison. Parvati allait subir ceci, jusqu'à ce qu'elle offre un baiser, un qui ne soit pas issu d'une magie étrange venant de la succube ou bien de sa source. C'était la douce vengeance de la semi-démone.
       « Ne t'en fais pas pour les runes contre le croquemitaine, je vais les installer moi-même avant de partir, vue qu'elles ne voudront plus t'approcher. » Oui, même les runes vont s'enfuir devant elle, ce genre de scène improbable devait sans doute ressembler à ce que l'on pouvait voir dans un cartoon pour enfant. L'idée faisait intérieurement rire la sorcière. « Si tu veux briser cette malice, tu sais ce qu'il te reste à faire. » Indiqua la sorcière, en tapotant ses lèvres. Elle savait que ce n'était pas aujourd'hui que ce genre de baiser aller se produire. Un baiser sincère de ce genre, était bien au-delà de la simple pulsion sexuelle ou passionnelle. C'était quelque chose de plus innocent, mais étonnamment plus puissant. Sa propre mère le lui offrait à chaque fois qu'elle lui donnait vie à nouveau.

"Don't be afraid of the Dark"

On pourrait citer de nombreux exemples de dépenses inutiles. Les murs des cimetières : ceux qui sont dedans ne peuvent pas en sortir, et ceux qui sont à l’extérieur ne veulent pas y entrer. - Parvati Mahajan-Jones

"Don't be afraid of the Dark"

La Mort est une chienne qui n'embrasse que ceux qui la craignent, mais se refuse à voir les illuminés prêts à recevoir son baiser. - Faith Cross

          Se pouvait-il que l’apprentie magicienne ressentît une frustration envers la sorcière après que cette dernière l’ait maudite ? Il n’y avait probablement rien d’étonnant à cela, mais si elle savait Ô combien, tout ceci n’était rien lorsqu’il était question de la famille de Faith. Recevoir ou jeter des malédictions, était l’une des traditions au sein du clan LaSombra. Il y avait la torture aussi, l’on ne pouvait être la fille du diable sans apprendre les douceurs de la douleur. L’adolescente, dans sa première vie, avait été torturée de si nombreuse fois qu’elle en avait oublié si elle avait un jour craint leurs supplices ou non. Toujours est-il que même en ayant quitté le Coven, plusieurs vies plus tard, la gothique continuait à être torturée en revivant ses morts comme si elle y était de nouveau, et ce, à chaque fois qu’elle s’endormait. Cela ne voulait pas dire pour autant que tous ceux et celles qu’elle maudissait, faisaient partie de sa famille. Disons plutôt que côtoyer une LaSombra, c’était prendre le risque de subir une malice ou deux de temps en temps, que la relation soit proche ou non.
         Une sorcière usait souvent de sa magie en fonction de ses caprices, il était alors fou de vouloir en provoquer une. Et Faith n’échappait aucunement à cette nature capricieuse et parfois vile. Elle était à l’image de son clan passé, instrument d’une liberté pernicieuse, parfois carnassière. La jolie plante devant elle, qui n’avait guère encore connu l’éclosion, se refusait au mal qui la frappait désormais. Cherchant à nouveau le baiser qui ne prit cette fois guère par surprise cette fille du diable, qui s’était efforcé de fermer son cœur à la sensation du désir. Plus la présence qui infiltrait son corps se montrait audacieuse, plus la part démoniaque de l’adolescente se manifestait à l’échange. Il y avait des choses dans cette vie qui trouvait leur faiblesse dans des éléments parfois inattendus. Il était évident que la source qui se permettait de dévorer les magies ambiantes, devait trouver son Némésis en la nature-même que Faith cherchait à sceller au plus profond d’elle, car si la sorcière était affectée, il y avait toujours cette existence semi-démoniaque qui dévorait bien plus que la magie de son côté.

          Par nature, les démons ne se contentaient pas de torturer les âmes de leur victime dans le grand tourment des enfers, elle les dévorait comme l’on mâchait une viande qui jamais ne disparaissait, car la mort n’était qu’une logique du monde physique. Et donc, être dévorée sans jamais mourir, à l’image de Prométhée qui se faisait indéfiniment dévorer par un aigle, tel était l’enfer et tels étaient les engeances de ces lieux antédiluviennes. Et en réalité, Faith n’était pas la seule créature dévoreuse d’âme qui pouvait mettre l’existence de Parvati en danger, ce soir encore, la concernée avait par deux fois faillies être engloutie par des existences nées des cauchemars qui allait aucunement être sensible ou affecté à l’appétit de cette source vorace. Ajoutant à cela que les monstres et les démons n’étaient aucunement ce que devait craindre le plus l’apprentie magicienne qui devait à tout prix et sans aucune forme de protestation, éviter de croiser la route de l’Enchanteress.
         Parce que si la source de Parvati était comme une centrale nucléaire, l’Enchanteress était pour sa part comme un astre autour duquel tournait tout un système planétaire et elle était, elle-même une grande dévoreuse. Au début, Faith qui était liée à Enchanteress avait songé à parler de l’existence de Parvati à la Déesse dans les premières heures cette rencontre fortuite… Mais… Depuis ce baiser, elle n’était plus très certaine de vouloir ainsi la condamnée. Était-ce de la faiblesse ? Il était trop tôt pour le dire. Oui, car peut-être que cette décision n’était encore une fois, que le simple caprice d’une jeune sorcière. Après tout, le baiser que lui donnait à nouveau l’Indienne, même avec toute la force du monde, Faith n’arrivait pas à calmer les terribles pulsions de son corps, voulant même rester accrocher à ses lèvres. C’était comme si les rôles avaient été inversés et que l’adolescente subissait cette fois les charmes d’une succube. La séparation laissait un creux au niveau de l’estomac de la sorcière, comme s’il y avait un manque.      

         Il était probable que c’était dû à la magie que la source avait dévorée légèrement… Ce n’était pas grand-chose pour Faith, finalement. Cette magie lui venait des ombres à qui elle offrait des sacrifices, même si elle venait à perdre complètement toute son énergie démoniaque, ça ne l’affecterait pas plus. Elle aurait simplement un manque. Mais en réalité, Faith ignorait qu’au fond d’elle, elle avait sa propre essence magique sceller par son père dès la naissance. Seul Kassandra avait réussi à accéder à la sienne ce qui la rendait supérieure à ses filles de bien des manières. En effet, Kassandra n’était alors aucunement dépendante du Diable à tête de bouc ou de ses ombres, impies serviteurs. Mais c’étaient aussi beaucoup de conséquences que d’en faire usage, c’était la raison pour laquelle elle n’avait aucunement enseigné à Faith comment y avoir accès. Cette essence, restait une forme ésotérique transmise par le diable, elle était donc par nature corruptrice et chaotique.
         Faith eut un petit sourire en coin en voyant la demoiselle si frustrée, elle l’avait volontairement embrassé, et ce, sans aucune hésitation. La gothique mentirait si elle disait ne pas avoir été légèrement séduite par cette audace. Quand Parvati annonça à la sorcière qu’elle ne l’emporterait pas au Paradis, la sorcière ne put s’empêcher de se remémorer sa rencontre avec Michel. Très ambiguë et frustrante. Elle avait eu envie de cracher au sol en y pensant, car le Paradis était pour la sorcière comparable à l’enfer pour les humains, elle préférait mourir en boucle que d’y poser les pieds un jour. Elle observait la magicienne partir, restant silencieuse, son amusement avec quitter son faciès. Elle posa une main sur ses lèvres… Elle n’était pas la première humaine ou même le premier humain dont Faith se sentait ainsi affectée de la sorte. Mais c’était toujours la même histoire tragique qui se répétait avec eux. Si bien que la sorcière, en réalité plusieurs fois centenaire, avait abandonné l’idée de se lier émotionnellement à cette espèce.

           La première des raisons… Si Faith ne subissait pas sa malédiction, elle était bien capable de vivre indéfiniment. Sa longévité était dû au fait que les démons ne vieillissaient pas. Elle avait vu tant d’amis mourir de vieillesse, tant d’ennemi qu’elle pensait avoir pour l’éternité, disparaître dans la terre. Et au final, elle-même mourrait à chaque fois qu’elle renaissait, sa mémoire balayée en une réincarnation, oubliant ainsi toutes ses relations passées. Il était temps qu’elle s’en aille… Est-ce qu’elle reviendrait ? Rien n’était moins sûr et pourtant, il y avait comme une certitude. Après tout, c’était comme si elle avait placé cette malédiction pour être certaine que Parvati revienne dans sa vie et sans doute, n’assumerait-elle pas encore la logique de cette affirmation. Faith n’était plus si enclin à récupérer cette veste. L’idée que son odeur semi-démoniaque continue à affecter les hormones de l’Indienne n’était pas sans lui déplaire.
        La sorcière quitta alors l’appartement avant de graver les nouvelles Runes à son entrée pour protéger le bâtiment contre les intrusions potentielles du Boogeyman, cela ne prit guère de temps. Elle leva son regard une dernière fois vers l’immeuble avant de s’en aller au travers d'une ruelle obscure où elle traversa de nouveau le voile vers les ténèbres. Elle avait encore des choses à y faire là-bas. Non-inquiète, elle n’y était pas une proie comme pouvait l’être le commun des mortels, donc elle y retournait y faire sa besogne. Sans doute, espérait-elle y trouver l’essence d’une de ses créatures, il était encore possible d’imaginer que l’une d’entre elles ait pu survivre.