Pourquoi fallait-il que ses sentiments envers John soient si compliqués ? Elle l’ignorait. Bon nombre des personnes de son entourage la regarderaient avec réprobation se perdre entre la nécessité de maintenir une certaine distance et le désir d’être en contact avec lui. Beaucoup regretteraient le Nick des premiers temps en comparaison de John mais l’un était désormais dans la tombe, consumé par le pouvoir et la magie noire, quand le second était auprès d’elle, près à accomplir cette rude mission qui leur incombait depuis qu’il était venu la chercher à Seattle. Elle avait eu le cœur brisé et elle avait été tant affectée que le cacher aux yeux de son père s’était révélé impossible. Aujourd’hui elle avait surmonté ce mélange de déception et de colère mêlées, n’étant plus qu’un souvenir lointain dans son esprit, car il fallait toujours aller de l’avant même si cela pouvait se révéler difficile… plus encore lorsque de nombreux innocents étaient exposés à un danger occulte. Il était donc nécessaire qu’il reste auprès d’elle aussi longtemps que possible, autant pour l’épauler sur la charge de travail à abattre que par simple volonté de l’avoir auprès d’elle et le sourire de John accompagné d’un haussement d’épaules, vint quelque peu la soulager.

Sans plus attendre, elle le mena à nouveau à travers le couloir, revenant sur le palier pour emprunter à nouveau les escaliers et ainsi accéder à l’étage supérieur. Une nouvelle fois elle le guida à travers un couloir qu’il avait déjà pu emprunter par le passé, il ne devait probablement pas avoir oublié quoi que ce soit mais elle était la maîtresse des lieux et devait le guider jusqu’à leur destination. La pièce que se cachait derrière cette porte renfermait de nombreux objets qu’avait pu collecter son père et dont elle avait elle-même ajouté plusieurs artefacts récupérés aux cours de ses nombreux voyages de part le monde. Chacun de ces objets était doté d’un pouvoir non négligeable et seule les mains qui les tenaient leur donnait un but. Les artefacts réellement destinés à reprendre le mal étaient rares et pour les autres objets, seules les mains qui s’en emparaient pouvait les pervertir. De ce fait il s’agissait d’une des pièces que Zatanna surveillait avec attention et dressait un inventaire minutieux, et ce même s’il fallait une débauche importante de magie pour forcer les barrières de la propriété. Elle devait se montrer avisée et méthodique en toute circonstance.

Ayant ouvert la porte pour John, elle l’avait alors laissé entrer avant de s’adosser contre le chambranle, le laissant explorer à sa guise ce lieu qui ne lui était pas inconnu. Silencieusement elle l’observa se déplacer entre les différentes étagères et présentoir jusqu’à ce qu’il s’arrête, se tournant légèrement vers elle en pointant du doigt le Saint Graal. Elle ne pouvait s’imaginer le nombre de fanatiques désirant plus que tout s’emparer du Graal mais elle savait à quel point cette coupe avait le feu alimentant de nombreux fantasmes et un objet dont l’existence devait rester secrète : qu’il agisse réellement comme une corne d’abondance ou qu’il permette à celui qui boit dedans de vivre bien des décennies, nul ne devait le savoir. Lorsqu’il regarda à nouveau l’artefact avec ce rictus, l’ombre d’un sourire apparut sur ses lèvres. Ô que oui, bon nombre seraient déçus s’il voyait à quoi ressemblait le fameux Saint Graal qui avait nourrit tant de contes et légendes. A nouveau il la complimenta et si elle hocha la tête, ce ne fut pas des remerciement qui franchirent la barrière de ses lèvres mais un aveu qu’elle n’aurait pas cru révéler aussi aisément alors qu’elle le lui avait caché jusqu’à présent.

Il s’était retourné vers elle, pour lui donner toute son attention, et alors qu’elle lui parlait elle voyait le visage de John se moduler au fil de son récit jusqu’à ce que ce dernier ne finisse par secouer légèrement la tête. Pourquoi n’avait-elle rien dit ? Elle était épuisée à ce moment-là mais surtout elle avait eu honte. Honte d’avoir reçu tant d’enseignements, de s’être instruites dans de nombreuses bibliothèques arcaniques et d’avoir été ainsi balayée par Enchanteress, comme si elle n’avait été qu’un simple moucheron qui avait osé voler trop près du visage de l’entité. Honte de n’avoir su trouver immédiatement une réponse au pourquoi elle ne pouvait plus utiliser ses pouvoirs. Honte d’avoir survécu à ces camarades d’un jour et d’être aussi faible. Elle senti sa gorge se serrer alors que long silence s’installait, moment durant lequel ni l’un ni l’autre ne se regarda et ce ne fut que lorsqu’il reprit la parole que Zatanna vint accrocher le regard de John. Se serait-elle un tant soit peu attendue à ce qu’il lui fasse part d’un pan de son être qu’il s’était pour atteler à cacher ? Se serait-elle attendue au contenu de ses paroles ?

Il lui avait caché bien des choses pour l’épargner et parce qu’il considérait qu’elle avait autre chose à faire que de s’inquiéter. Elle se redressa et si elle ne bougea pas d’un cil, elle lui dédia toute son attention : elle le lui devait et remarquant ses poings qu’il serrait, cela l’affectait. Elle se pinça les lèvres alors qu’il reprenait, abordant son père et l’aide qu’il lui avait fournie quelques semaines avant sa mort… ainsi il s’agissait de cet appel qui lui avait pris tant de temps, le retardant pour venir la voir à New-York. Les paupières de la jeune femme se fermèrent quelques instant alors que le récit de John et de sa traque d’un puissant démon venait s’imprégner dans son récit. Elle rouvrit les yeux cependant brusquement, les traits de son visage se décomposant alors qu’il lui avouait avoir été tant affecté d’avoir échoué à sauver cette fillette du démon, qu’il s’était fait interner. Elle était sans voix face à ce qu’il lui révélait et se trouvait bien incapable de prononcer le moindre mot en cet instant, et dans l’immédiat elle ne pouvait que le laisser s’exprimer, le laisser exposer ce qu’il avait bien longuement retenu.

Nergal. Le nom du nom s’inscrivit dans l’esprit de la jeune femme qui commença à se rapprocher de John. Cette puissante entité démoniaque mésopotamienne n’était pas à prendre à la légère et il avait raison de lui en parler dans le cas où Nergal viendrait à apparaître si elle se trouvait au même endroit que Constantine. Les démons étaient un engeance immuable que les exorcistes et les magiciens ne pouvaient que combattre, restreindre lorsque cela était possible, sans être à même de pouvoirs les détruire définitivement. Habituée de la nonchalance de John, de cette tête brûlée qu’il pouvait être, c’était alors un choc pour la jeune femme de l’entendre parler de ses propres faiblesses. Lorsqu’elle s’arrêta devant lui, une larme coulait sur sa joue et elle s’empressa de l’ôter d’un mouvement de la main tandis qu’il avouait parler d’elle lorsqu’il était lucide.

- John, je… Elle ne savait quoi dire. S’excuser ? Elle n’était pas coupable des choix de Nergal. Lui montrer sa compassion ? En avait-il seulement besoin, elle n’était pas certaine qu’il ait envie d’entendre ça. Parfois les gestes valaient plus que des mots prononcés maladroitement. Elle vint l’enlacer entre ses bras, posant sa joue contre son torse se laissant aller à écouter les battements de son cœur. Après quelques secondes cependant, elle rompit son étreinte pour venir prendre le visage de John entre ses mains, venant accrocher une nouvelle fois son regard. Tu échoues mais tu te relèves, c’est ça qui est important. Tu auras l’occasion de faire payer à Nergal ce qu’il a fait, l’occasion de montrer ce que tu vaux car je suis persuadée que tu peux toujours donner le meilleur de toi-même.

Pour la première fois de la soirée, elle se retrouvait sans voix. Elle se trouvait dans l’incapacité la plus totale d’exprimer le moindre mot à l’attention de John alors qu’il venait de lui faire part d’une période sombre de sa vie, qu’il venait de faire tomber cette façade pleine de nonchalance et de rébellion pour lui montrer qu’il n’était après tout qu’un humain qui tout à fait capable d’être affecté par ce qu’il vivait. Tout cela s’était passé après qu’il soit parti, après qu’il lui ai brisé ce qui pourtant nourrissait une once de sentiment envers lui. Il n’était pas venu parce qu’il n’avait tout simplement pas pu et la raison serrait le cœur de la jeune femme qui ignorait si elle pouvait encore lui en vouloir après tout ce qu’il avait vécu. Non. Si June n’avait pas appelé l’exorciste, ils ne se seraient probablement pas retrouvés, elle n'en n’aurait rien su et elle aurait continué ressentir colère et tristesse à la simple pensée de son prénom. De toute manière il n’était pas possible de changer le passé sans que cela ne se répercute sur le présent et le futur, il fallait accepter ce qu’il s’était produit ente eux et continuer à avancer.

Elle ne lui présenta pas d’excuse. Ne chercha pas à lui montrer de la compassion même si elle savait que son visage reflétait parfaitement son choc face à de tels aveux et la douleur de connaître à présent cette vérité qui affectait John. Elle était incapable de le dire mais surtout, elle se doutait que ce n’était pas ce dont il avait besoin. Elle tenta bien de s’exprimer mais rapidement elle vint remplacer la parole par le geste, venant l’enlacer. Une courte étreinte, simple mais suffisante pour lui montrer que malgré tout elle voulait être là pour lui et ne chercha par à l’éloigner, la laissant ainsi elle-même briser cette proximité. Pourtant elle ne s’arrêta pas là. Avec douceur et une fermeté mêlées, elle vint prendre le visage de John entre ses mains l’amenant à conserver son regard braqué sur elle. Continuer à se relever s’était important, ne pas abandonner même face à un adversaire bien plus puissant. Les mots que Bruce lui avait prononcé pour lui donner un supplément de force flottaient encore dans son esprit. Elle ne doutait que cette fois dont il lui parlait avait été plus difficile que les autres et elle ne pouvait qu’à peine imaginer ce qu’il avait réellement ressenti.

D’un léger mouvement du pouce, elle lui caressa la joue tandis qu’il poursuivait. Il disait aller mieux, il le lui assurait. Pouvait-elle le croire ? Ou tout simplement lui faire confiance pour reconnaître ces signes de faiblesses qui pourraient à nouveau l’assaillir ? Tentait-il de se convaincre lui-même ? Difficile d’en être totalement certaine. John était un survivant, un chanceux qui trichait toujours la Mort pour s’en sortir et si Enchanteress ne le tuait, pas bien d’autre démons chercheraient à le faire… combien de temps pourrait-il encore continuer ainsi ? La fin de sa phrase arracha un léger rire à Zatanna qui se reprit rapidement.

- Laisse mon père là où il est, par contre… crois-moi quand je te dis que c’est moi qui te collerais aux basques s’il m’arrive quoi que ce soit. Allons. Sortons d’ici avant que certains de ces objets ne se mettent à se nourrir de nos sentiments, déclara-t-elle avant de relâcher son visage et de l’entraîner à l’extérieur, refermant la porte derrière eux. Trouvons une solution pour June qui mérite d’avoir une vie normale et je t’apporterai mon aide pour ton démon. Je t’arrête tout de suite, de toute manière tu ne pourras pas m’en empêcher ! poursuivit-elle, déterminée, avant de commencer marcher jusqu’à une porte devant laquelle elle s’arrêta. Ta chambre. Les draps sont dans l’armoire et tu as tout ce qu’il te faut dans la salle de bain, au besoin tu sais où me trouver. Est-ce que tu veux que je t’apporte quelque chose à manger ?