Call me "M" [Terminé - Intrigue I]

On dit dans la rue qu’un Arlequin serait très en colère envers un Clown, qu’elle cherche quelques alliances pour se venger de son ancien partenaire et amant. La rumeur était douce à l’oreille, mais je prenais garde à ne pas trop espérer, ou à m’emballer. Les « on dit », surtout quand ils concernent deux anciens amoureux, étaient comme des feux d’artifices : éclatants et bruyants, mais éphémères et illusoires ! A quel prix et, surtout, sous quelles conditions accepterait-elle une alliance ? Sa nature versatile n’était un secret pour personne. Si elle était, assurément, un atout, elle n’en restait pas moins un élément difficile à contrôler ou sur lequel nous pourrions compter du début à la fin d’un plan. Ironie du sort, elle était le Joker de chaque planification !

Pourtant, la Cour des Hiboux avait pris le temps de considérer son projet. Son projet pourrait aider le nôtre, celui d’élever un nouveau Justicier au sein de Gotham et rétablir l’équilibre entre les forces en place. Au sein de la Cour, il n’est jamais question de faire tomber simplement un criminel, ou de mettre fin définitivement au risque d’une seconde guerre des Rires et des Enigmes. Non, il est question de « contrôle ». Et ce Justicier allait nous aider dans cet ultime objectif, en réorganisant les forces en place selon notre vision, notre volonté et nos besoins et à tout moment !

Cependant, pour que nous acceptons de joindre cette dame à notre grand projet – directement ou indirectement –, nous devions d’abord être convaincus. Et nous pourrions la lui apporter, si et si seulement si, elle avait les bons arguments. A défaut, si nous considérons que c’est une perte de temps et d’argent, nous passerons notre chemin. Allons-nous choisir un Ergot, l’un de nos assassins surentrainés ? Ou allons-nous porter notre dévolu sur une âme idéaliste ? Ou, surprise, est-ce qu’une tête folle allait être notre coup de cœur ? On cherche, on cherche, encore et encore.

Un Ergot, un assassin entrainé et dopé chimiquement, avait été en charge de transmettre le message aussi rapidement et discrètement que possible – une lettre avec quelques mots imprimés joliment. Le contenu était simple : « On dit dans la rue que vous voulez vous venger. Nous sommes prêts à vous écouter et, si nous sommes convaincus par votre cause, à vous aider. Rendez-vous à l’entrepôt 2B, Tricorner Yards, le 10 Juillet 2022, à minuit. Vous pouvez être accompagné ». Nulle signature, nulle information, si ce n’est le logo d’un Hibou. C’était déjà un grand indice, à mon sens. Nous n’étions jamais à l’abri du retour d’un Batman, ou d’un complice de ce dernier au courant de notre existence.  Malheureusement, Gotham allait mal. Gotham se mourrait. Nous ne pouvions plus restés silencieux ou cachés.

Le rendez-vous avait été loué via une quelconque société écran éphémère qui fera faillite le lendemain et dont les fonds sont des plus anonymes ou difficiles à tracer – difficile, mais pas impossible, notons bien. Nos sbires ont fait les diverses installations vidéo et sons, pour que le meeting se déroule sans trop de difficultés. Car oui, nous ne nous présenterons pas en chair et en os. L’Arlequin aura à accepter de parler à un écran avec le simple logo d’un Hibou, à s’adresser à la caméra juste au-dessus et surtout à écouter une voix modifiée. Deux sbires seront bien là, avec des masques d’Hibou toujours, pour régler toute problématique que l’on pourrait avoir.

Espérons que cet arrangement allait convenir à celle qui n’était autre qu’Harley Queen, ou plutôt Harleen Quinzel. Installé confortablement dans un autre entrepôt quelconque, je vois la silhouette féminine sur mon écran d’ordinateur.

- Bonsoir, Docteur Quinzel. Nous sommes enchantés que vous avez accepté notre invitation. Vous pouvez m’appeler « M », dis-je, guère heureuse ou fière de ce surnom – notamment en référence aux derniers films de James Bond. Malheureusement, je ne pouvais pas faire autrement, M collant parfaitement à mon titre, plus ou moins, de Grande Maitresse. Les personnes présentes dans cette pièce sont là uniquement pour régler toute problématique technique que nous pourrions rencontrer. Ils n’auront nulle voix au chapitre , expliquais-je calmement. Nous nous excusons pour ce mode de communication. Malheureusement, nous ne procédons pas autrement tant que nous n’avons pas une relation de confiance établie. J’espère que vous comprendrez et que ce n’est pas gênant pour que nous continuons. Sachez, toutefois, que je souhaite que cet entretien soit concluant, terminais-je, attendant ses premières réponses et réactions.

Ce soir, elle a un rendez-vous. Un rendez-vous avec un hibou. Il n’en faut pas plus à l’arlequin pour accepter. Les mystères c’est son dada, une énigme à résoudre de plus, elle est bien incapable d’y réstiter. Minuit, l’heure du changement, l’heure de transition d’un jour à l’autre. Minuit, une grande symbolique pour ceux qui y accordent de l’importance. Tant de mystères, de quoi stimuler un esprit fou comme le sien.

L’arlequin sifflote, les talons de ses bottes battent le bitume avec dynamisme. Elle est seule, ou accompagnée de sa batte de baseball, est-ce que ça compte ? Ce n’est pas l’arme la plus dangereuse qu’elle possède sur elle, mais la plus persuasive. Ses cheveux et son teint pâle sont aussi des indices criant de son identité, quant à sa tenue elle est aussi provocante que sa personnalité est haute en couleur.

Elle se méfie de cet endroit, territoire de Black Mask, ce n'est pas le grand amour entre eux. Il lui en veut terriblement pour diverses raisons, à tort ou à raison ça importe peu, le fait est qu’elle évite de le foutre en rogne, plus qu’il ne l’est déjà, et autant qu’elle le peut. Autant dire qu’elle échoue lamentablement à poursuivre ses propres résolutions et qu’elle poursuit ses multiples expéditions chez lui.

La jeune femme distribue généreusement des clins d'œil et des sourires aux travailleurs tandis qu’elle se rend à son lieu de rendez-vous, l'entrepôt 2B donc. Voyez, elle n’est pas casse-couille tant qu’on ne l’emmerde pas, elle souffre d’une réputation totalement erronée. Elle sait être arrivée lorsqu’elle fait la connaissance de deux types masqués, ils ne se donnent pas la peine de la fouiller malgré l’évidence qu’elle est armée et la font entrer dans le box.  

Pour faire face à un écran d’ordinateur. Déception. Harley, juste Harley. Ca fait bien longtemps que j’ai perdu le droit de pratiquer. Bon, ça ne l’intéresse pas particulièrement de faire la causette à un logo d’hibou, plutôt que de prendre place sur une chaise, l’arlequin fait le tour de l’ordinateur, en quête d’un élément qui pourrait lui fournir un indice quelconque. Sous le regard inquisiteur des hommes masqués. Ils ne font pas mine de l’arrêter tandis que la voix poursuit à travers le micro. En général, pour établir une relation de confiance, ça fonctionne dans les deux sens. M.

Tout est minutieusement orchestré, pas un seul câble, aucun branchement, tout fonctionne en wifi. Harley prend position devant l’ordinateur et fournit à son interlocuteur un gros zoom sur son iris bleu, puis de son visage pendant qu’elle étudie la marque de l’ordinateur. Pourquoi un hibou ? Pourquoi pas … Un félin ? Majestueux et vicieux. Franchement, un hibou c’est pas hyyyper impressionnant. A Gotham c’est même dérisoire, mignon, mais ridicule. Elle envisage d’éclater l’outil avec sa batte et mettre un terme à cette mascarade, mais se résout à hausser les épaules et à s’asseoir sagement.

Je ne suis ni agacée, ni amusée, derrière mon écran. Je me contente de détailler Harleen Quinzel. Elle a droit à un semblant d’admiration, de ma part, pour ce style alliant vulgarité et esthétisme. Fort dommage qu’elle a découvert un goût prononcé pour une mode colorée, décalée et outrageante en devenant le pantin du Joker. Autrement, elle aurait fait fureur dans le milieu de la mode. Ce qui nous amène à la seule et unique question de ce soir : est-elle toujours son jouet, ou est-elle pleinement en possession de ses moyens – nulle influence, nulle dépendance ?

- Des rumeurs nous sont parvenues, disant que vous cherchez quelques alliances dans votre vendetta contre le Joker, amorçais-je. Nous souhaiterons savoir si elles sont vraies, et si c’est le cas, quelles sont exactement les raisons.

En somme, je voulais connaître ses réelles motivations. Ressentait-elle une vive colère vis-à-vis d’un événement en particulier ? Ou était-elle animée d’une pure jalousie à l’encontre de Punchline, le nouveau bras droit de son amant – ou ex, en l’occurrence ?  Car ce sont ces sentiments, et ces raisons, qui vont me conforter dans mon choix futur – quel qu’il soit. Je préfère financer un charbon ardent, mais qui perdure dans le temps – en s’enflammant de temps à autre – qu’une flamme très vive, mais extrêmement éphémère, prête à s’étouffer au premier coup de revers du destin.

- Durant de nombreuses années, vous avez été la plus fidèle acolyte du Joker. Ces nouvelles nous étonnent et nous intriguent à la fois. Malheureusement nous avons grandement du mal à ne pas être méfiants, à croire que vous concoctez quelques pièges pour le Joker. Si nous nous trompons lourdement, je vous prie de nous excuser. Si notre entretien se passe au mieux, je vous promets que nous nous parlerons en face à face la prochaine fois, mentis-je. Si une doublure – dotée d’un micro qui renvoyait ma voix, et mes paroles – ne se présentait, je serais masquée. En somme, dans tous les cas, elle ne me verra pas tant que je ne le souhaitais pas. Notre objectif n’a jamais été d’être impressionnant, majestueux ou vicieux. Nous préférons nous contenter d’observer et d’écouter tous ceux qui aiment la Nuit. Nous nous révélons que lorsqu'il est nécessaire, et toujours en silence, répondis-je calmement.

Jouait-elle volontairement la candide, ou cherchait-elle à tirer quelques vers du nez ? Difficile à dire ! En raison de cette stupide comptine popularisée, nous étions aussi connus de ceux qui croyaient, qu’inconnus de ceux qui niaient en bloc. Enfin, qu’importe ! Je ne serais pas celle qui donne raison, ou non, à cette comptine et encore moins celle qui se dévoile immédiatement – sauf si j’ai un intérêt particulier. Mon Oncle avait fait l’erreur avec Batman, et en avait payé le prix très cher. Avec des personnalités aussi versatiles que le Joker et Harley Quinn, la prudence n’était pas juste importante : elle était vitale.

Je me tais, laissant la parole à mon interlocutrice. Parle et défend donc ta cause, l’Arlequin.

Harley vit dangereusement, c’est une tête brûlée sans aucun doute trop curieuse pour son propre bien. Lorsqu’on l’invite mystérieusement c’est comme l’inviter au Mcdo, elle y va sans hésiter quitte à se taper une indigestion. Elle se faisait beaucoup d’idées sur cette invitation, un piège, une bonne bagarre en prévision, mais la surprise est totale lorsqu’elle fait face à un écran d'ordinateur. C’est une nouveauté qu’on ne lui avait encore jamais faite.

Des rumeurs… L’arlequin s’enfonce dans son fauteuil inconfortable, la moue boudeuse, les bras croisés, elle commence à se fâcher. Encore une fois, on met en doute ses décisions quant à sa vengeance. Tout le monde doute d’elle, ça devient lassant de devoir se justifier à la longue, peut-être qu’elle devrait faire une annonce publique, une bonne fois pour toute, que tout le monde sache qu’elle court bien après le Joker. L’idée lui traverse à  peine l’esprit qu’elle en conclut que c’est ce qu’il faut faire.

La voix poursuit son monologue par les hauts parleurs tandis qu’elle poursuit sa propre réflexion, distraite, elle entend pourtant très bien. Puis, il s’écoule un petit moment de blanc une fois que la voix cesse. Ah, c’est le moment ou je dois défendre ma cause ? Son regard erre vers les deux types masqués, qu’elle dévisage attentivement. Ils paraissent inoffensifs, mais son instinct lui glisse que c’est loin d’être le cas, loin d’être effrayé par eux, elle leur sourit. Son esprit suit une logique bien à elle, désordonnée.

J’ai été célibataire plus longtemps qu’avec lui, vous êtes peut-être pas au courant c’est terminé depuis 2018… Oh mais si, vous le savez très bien, vous contrôlez Gotham depuis vos perchoirs luxueux, vous devez savoir exactement le nombre de fois où il a essayé de me tuer et que sa poupéepétasse m’a laissé pour morte y a deux ans. J’ai beaucoup entendu parler de vous, la cour des hiboux… Elle bluff, en partie. A vrai dire, elle n’avait jamais voulu y croire tant qu’elle n’en avait pas les preuves, mais elle en a entendu parler à de rares occasions, à force de côtoyer les criminels, de ceux qui dirigent Gotham.

Mes raisons sont simples, j’en ai assez de vivre dans son ombre, d’être poursuivie par sa bande. Plus j’ai pris mon indépendance, plus j’ai compris qu’il était néfaste pour moi, qu’il m’a façonné comme un outil. Je ne suis plus sa petite victime, je suis Harley Quinn, que personne ne dirige. Ses derniers propos sont enrobés de menaces. Si la cour des hiboux espère la diriger ils commettraient une erreur, de la même façon que Black Adam et Enchanteress. Il m’a juste fallu du temps pour m’en rendre compte, aujourd’hui je veux lui rendre la pareille.

Des envies très égoïstes et éloignées de ses actions auprès des Birds, mais Dinah lui a promis sa vengeance malgré l’étape de guérison qu’entame l’arlequin. Elle ne pourra devenir elle-même que lorsque le Joker ne menacera plus son existence. Vous devez savoir ce que c’est vous, la liberté. Je veux la même chose.

Nous ne contrôlons pas Gotham. Nous l’influençons. La différence est subtile, mais importante. Nous mettons en place nos pions – ou plutôt tissons notre toile – dans les différentes administrations de la ville, dans les comités de direction de riches ou pauvres entreprises, ou encore au sein de pègres criminelles. Nous profitons de cette position privilégiée pour susurrer des suggestions à l’oreille des plus Puissants. Ils peuvent nous écouter ou, au contraire, nous ignorer. Toujours est-il que là où ces hommes et ces femmes imbus de leur personne créent la vague ; nous nous contentons de nous y adapter ou de lui proposer un chemin aménagé plus ou moins de soin. Je ne cherche pas à la corriger pour autant. La peur ne vient pas toujours de la violence : elle naît plus souvent de l’inconnu.

- Nous ne souhaitons diriger personne, mais collaborer , ajoutais-je, prenant le taureau par les cornes si je puis dire.

Cette phrase est dite par tout le monde, car tout le monde se pense assez malin pour éviter quelques petits manèges de vilains. Ils ont, malheureusement, bien tort. Cependant, dans le cas d’Harleen Quinzel, je considère sérieusement cette affirmation. Elle avait assez de connaissance de la psyché humaine pour deviner quelques pièges d’ordre psychologique et, plus important, il faut être aussi cinglée et incontrôlable que le Joker pour survivre à sa chasse. Sur ce bloc note numérique, je raye le nom de la blondinette. Elle ne sera pas une bonne remplaçante pour le Batman. Fort dommage ! Un peu de féminité n’aurait pas fait de mal !

- Votre profil nous intéresse car, précisément, vous avez survécu tant au Joker qu’à son bras droit, Punchline. Sachez, avant tout, que la Cour vous félicite pour cet exploit. Peu de personne peuvent se vanter de pareilles prouesses, soulignais-je.

Punchline était une nouvelle figure de Gotham, aussi épouvantable et aussi agaçante que Harleen Quinn lorsqu’elle était l’âme damnée du Joker. Décidément, l’homme avait un talent certain pour identifier les caractères les plus friables et les plus fragiles et les déglinguer habilement. S’il n’était pas si fou, ou chaotique, je l’aurais bien inclus dans ma Cour : il aurait été un élément en or.

- Si le Joker et Punchline venaient à disparaître, que comptez-vous accomplir dans Gotham ?

Il n’était nullement intéressant de se débarrasser d’un monstre erratique pour le remplacer par un nouveau tout aussi similaire.

- En plus d’être imprévisible, le Joker dispose actuellement de moyens extraordinaires et modernes pour semer la terreur. Pour réussir à l’abattre, vous aurez besoin d’un plan solide, d’une ressource financière, d’alliés et d’hommes de main et surtout des armes. Avez-vous l’un ou l’autre ?

Plus je l’écoute, plus je m’interroge. Soit Harleen Quinzel manque cruellement de vision, se focalisant uniquement sur ce qu’elle peut accomplir sur le court terme, soit elle se joue de la Cour, tentant de nous vendre l’illusion d’une criminelle repentie. Avec autant d’ennemis, peut-elle véritablement prétendre à une retraite paisible après une bonne action ? Avec autant d’hargne à tuer le Joker et Punchline, a-t-elle le recul nécessaire pour se venger ? En effet, qu’importe à quel point une personne est perturbée psychologiquement, elle n’en reste pas un ensemble d’esprit, de chair et de sang : toute vengeance s’organise, se planifie et se travaille.

Le plan présenté par la blondinette m’exaspère davantage. Elle dit qu’elle doit agir et penser comme lui pour pouvoir l’atteindre et, surtout, elle soutient être la seule capable d’une telle prouesse. Loin de me convaincre, elle ne met en avant que deux grosses failles dans son raisonnement. Tout d’abord, elle a bien tort, en se donnant autant de crédits. Lorsque le Chevalier Noir sillonnait les ruelles de Gotham City, il arrivait à mettre le grappin sur le Clown, et à l’enfermer dans une cellule quelconque. Le Joker vivait toujours car le Justicier refusait de tuer les criminels. Ensuite, en tentant d’entrer dans l’esprit malade de cet homme, ne risque-t-elle pas de retomber dans ces vieux travers, et n’être qu’une copie conforme de l’objet de sa vengeance ?  

Finalement, elle précise ses demandes. La demoiselle me surprend. Elle ne veut nul homme et nulle finance, mais notre confiance. La petite brûle les étapes, cherchant à soutirer notre gagne-pain à moindre coût. Car la confiance ne s’obtient que si nous acceptons de révéler un tantinet notre visage, ou nos objectifs. Or, nous ne sommes qu’aux préliminaires des négociations. Elle exige beaucoup, et promet peu. Je ne réponds pas immédiatement, préférant la laisser parler.

J’ai bien eu raison. Voilà qu’elle sous-entend avoir des contacts et des promesses. J’arque un sourcil, lorsqu’elle fait référence à un groupuscule composé d’Enchantress et de Black Adam. Je me rappelle vaguement de ces deux personnalités, si nous pouvions les qualifier ainsi. Ne sont-ils pas mort, ou mis à l’arrêt pour de nombreuses années par la Justice League ? Je soupire. Il est vraiment grand temps que ces hommes et femmes animés d’un profond syndrome de sauveur acceptent de mettre fin à une vie : ils nous épargneraient de soucis majeurs, comme le retour de vilains surpuissants.

Enfin, j’essaye de saisir les termes de l’accord. Venait-elle de dire qu’elle a négocié le contrôle d’une ville sur laquelle elle n’exerce aucun pouvoir actuellement ? Je ne suis pas la plus grande experte du monde dans l’art de la négociation, mais je suis quasiment sûre qu’elle me vend quelques conneries. Cependant, je ne me risque pas à considérer cette menace comme un bluff : l’idée est trop décalée, et inattendue, pour qu’elle fuse naturellement dans un esprit dérangé. Il y a assurément un fond de vérité – si ce n’est toute la vérité – dans ses propos.

Subitement, le Joker, le Penguin, Poison Ivy, le Sphynx ou la Ligue sont le cadet de mes soucis. Il y a des forces plus fortes à l’œuvre qui pourraient s’abattre sur Gotham City et mettre branle-bas tous nos plans futurs. Ces derniers se basent sur la manipulation d’un petit cirque de l’horreur connu, et familier : il n’y a nulle place pour des imprévus majeurs comme des surhommes avec des pouvoirs magiques. Il me semble tout naturel que la Cour prenne les devants sur les Enfers que cette délurée est prête à faire abattre sur Gotham pour simplement prendre sa vengeance sur un ex, et sa nouvelle petite-amie.

- Votre sollicitude pour Gotham City nous touche beaucoup, et nous vous remercions pour cette information des plus précieuses que vous nous avez transmis. Nous allons la traiter avec la plus grande attention dans les semaines à venir, soufflais-je au micro.

Un sourire se dessine sur mes lèvres. La fausse ingénue est bien prompte à trahir ses prétendus alliés, tentant déjà de monter ma propre organisation contre ces derniers. Car oui, la Cour pourrait très bien les entraver, les gêner ou les arrêter d’office pour protéger son pré-carré. C’est le scénario le plus évident, celui que tous les grands vilains de Gotham City semblent bien adeptes. Et puis, il y a cet autre scénario où la Cour a besoin d’alliance pour s’étendre sur d’autres villes, ou pour tout bonnement contrôler totalement – et sans partage – sur sa ville de prédilection. A l’image de la Ligue des Ombres, je ne considère pas The Darkness comme un ennemi de facto. Mes ambitions sont trop grandes, pour que je me prive d’un potentiel soutien, qu’il soit ici ou ailleurs.

Finalement, il n’est pas plus mal de garder la blonde dans ses petits papiers. Elle est une véritable mine d’information. Maintenant, je dois trouver un arrangement qui nous convienne. Elle est trop imprévisible pour l’inclure au sein de la Cour, trop indépendante pour vouloir rejoindre la Cour et surtout trop exigeante pour envisager un partenariat actuel vis-à-vis de son projet actuel, soit se venger le Joker.

- Il semble que nous ne serons d’aucune utilité vis-à-vis de votre désir de vengeance sur le Joker et son bras droit : vous avez vos alliés, et vos ressources. Par contre, vous semblez sous-entendre que nous pouvons nous pencher plus sérieusement sur la question de cette nouvelle organisation, The Darkness. Enchantress et Black Adam sont des personnes très puissantes, voire plus dangereuses que le Joker : ni vous, ni notre organisation n'ont un quelconque intérêt à les voir devenir les Maîtres de Gotham. Nous pourrions nous entendre pour endiguer ce fléau, le temps venu. Qu’en dites-vous ? Si cette perspective vous convient, je pense que nous discuterons dans le futur.