We do not Remember [Terminé - Intrigue III]

We do not Remember

Bruce Wayne & Clark Kent

« Gotham City Hall, Business Corner, 01 Octobre 2022»

Ces réunions sont navrantes. Elles prennent beaucoup de temps, et peu de choses en ressortent. Le maire qui panique. Qui voit ses électeurs s'inquiéter encore plus que d'habitude. Qui met à contribution les plus grands de la ville, non pas en terme de cœur, mais d'importance financière, ou politique, ou publique encore. Je suis avec d'autres capitaines d'industrie, des officiels de la police ou des services de la ville, des représentants de plusieurs agences gouvernementales. Il est forcé de faire des conférences de presse pour réagir au retour en trombe d'un héros à demi-oublié, qui se rappelle au douloureux souvenir vivant de l'impuissance de la ville à régler ses problèmes avec la pègre qui possède tout, et aux fous furieux qui se démènent dans le chaos. Il y a des journalistes, invités à la sortie de la réunion. C'est peut être la principale raison de ma visite, aujourd'hui, alors que j'allais laisser Christine s'occuper de tout, en première intention.

Je n'ai pas dormi. Je ne dormais pas, quand j'ai reçu le message. J'ai validé, d'un simple « d'accord ».

Je dois résister aux tentations de m'endormir, tout au long de la réunion. En vingt ans de Gotham, rien n'a changé. Toujours les mêmes discours. Les mêmes plans d'action. Le même fatalisme, sur toutes les têtes. La même méfiance, envers tous ces héros décriés avec une forme de dédain, voire de cynisme, accusés de s'arroger des droits régaliens, de semer plus de chaos que d'ordre dans leur sillage. En sortant, tout le monde est alpagué par la presse dans les couloirs de la salle de conférence attenante au bureau du Maire. Et aussitôt, les flashs et les micros, pointés partout. C'est là que je laisse Christine, pour répondre aux questions sur l'engagement de Wayne Enterprise dans les programmes sociaux de la municipalité. Elle fait parfaitement son job, comme toujours.

Et moi, je sors pour rejoindre la petite salle où l'on se presse pour les photos officielles et le petit cocktail où le maire finira par demander des fonds pour sa réélection, après nous avoir tous prouvé durant deux heures qu'il se ferait élire sur la base d'une absence totale de changements et de résultats, du maintien du statu quo qui enrichit les uns, conforte la place des autres. Ne pas prendre de risques que la cité retrouve les pires heures de son histoire. L'Année Zéro. La Guerre des Rires et des Enigmes. Tous ces autres moments...

Ne rentrent que les journalistes accrédités. Et n'ai pas eu besoin de forcer pour que Clark Kent du Daily Planet soit admis sur la liste. J'admire Gotham à l'heure du déjeuner depuis le balcon dominant le parvis, et la ruche sur-animée qui prend vie, en bas. Je l'entends à peine, dans mon dos.

| Salut, Clark. Ca faisait longtemps. |

Des mois, maintenant. Et avant ça, dix ans pour moi. Je me retourne, dans mon costume de tweed gris.

| J'imagine que tu es venu faire ton travail de journaliste. Me poser des questions. On a du temps. |

Je tapote la flûte de champagne que je tiens par le pied, d'un doigt qui vient la frapper sur le côté.

| Si tu es là, c'est que tu vas mieux. Un peu, au moins. C'est bien. |

Je fais référence à ses doutes, à son désir de prendre du recul.

(c) DΛNDELION

I'm Vengeance. I'm the Night. I'm Batman.

Don't say goodbye. Don't say I didn't try... These tears we cry. Are falling rain. For all the lies you told us. The hurt, the blame! And we will weep. To be so alone. We are lost! We can never go home. The Dark Knight (c)codage - Kanala - texte (c)Long Ways to Go Yet, Howard Shore

Les nouvelles de Gotham City ne sont pas rassurantes. Le monde semble penser que Batman est devenu fou, à s’attaquer à des cibles aléatoires. Certains membres de la Justice League doutent considérablement des choix du Chevalier Noir, notamment de sa nouvelle affiliation à la Ligue des Ombres. La Batfamily doit également adopter une position forte, voire opposée, vis-à-vis de son mentor et de cette croisade de vengeance et de feu qu’il mène.

Pourtant, je ne m’inquiète pas. Si le métier de journaliste m’a appris une chose, c’est que rien n’est jamais ce qu’il semble être. Une histoire est le fruit d’une multitude d’autres. Il faut s’armer de patience pour démêler le vrai du faux, déceler l’essentiel et ignorer les bêtises, mettre à la loupe les détails insignifiants en apparence et faire fi des gros titres et des « on-dit ».

Enfin, je connais assez Bruce pour deviner que rien n’est fait par hasard, par folie ou par désespoir. Il a un plan, complexe par nature, potentiellement tordu en termes d’intrigues et assurément dangereux pour lui et pour tous ceux qu’il aime. Autrement, comment expliquer son silence persistant, la difficulté à le joindre ou à le rencontrer de jour comme de nuit ou les visages bougons ou fermés de ses proches amis et presque parents ?

Finalement, j’arrive à décrocher un rendez-vous dans le planning surchargé de l’ami. Je souris lorsque je lis le lieu, l’heure et les circonstances. Je grogne tant d’exaspération, d’amusement, en me saisissant de mon vieux badge de journaliste du Daily Planet. Lois, Diana ou Bruce … décidément, chacun a un talent propre à me forcer à faire ce que je ne désire pas. Aujourd’hui, il est question de me présenter au monde, pour quelques heures, comme Clark Kent.

Lorsque le vigil vérifie mon identité ou le prononce à haute voix, la sensation est étrange. Le bonheur de redevenir un Kent se dispute à la honte d’avoir failli à toutes les promesses faites à mon père adoptif. Le naturel revient vite au galop et mes vieilles habitudes remontent à la surface : un air benêt, remonter les fausses lunettes sur mon nez à intervalle régulière, réajuster mon ouïe à ce brouhaha ambiant, vérifier chaque pièce grâce à ma vision … Finalement, tous mes sens ne se focalisent plus que sur une seule et unique personne.

J’abandonne cette foule tendue et inquiète, et va à la rencontre du solitaire Chevalier Noir.

- Salut Bruce. Oui, ça fait bien longtemps. Nous avons été occupés par des questions et problématiques personnelles.

Je ne réponds pas à ces deux dernières remarques, que ce soit sur la raison de ma présence à cette assemblée ou mon propre état. Je suis bien ici pour lui, mais nullement pour l’interroger comme un criminel. Je vais bien mieux, mais la peur et le fatalisme persistent toujours et menacent constamment le fragile équilibre de mon univers et de mon état d’esprit. Personne ne semble le saisir, ni Lois, ni Diana. Qu’en sera-t-il de lui ?

- Lors de notre première rencontre publique, je me rappelle que je t’ai interrogé sur ta position vis-à-vis du Batman. Quelle époque ! , soufflais-je, repensant à tous les événements funestes qui ont précipité ma mort. Puis, je suis revenu grâce à l’effort collectif de la Justice League. Aujourd’hui, je ne suis pas venu pour te reposer cette question. Il y a plus important que … Superman, Batman, Justice League et j’en passe.

L’amour aveugle de Lois, la fureur combattive de Diana, la folie de Zod, mon échec face à ce dernier ou Enchantress, le recrutement de Morgan, l’égarement de Bruce, la morale douteuse de l’Archer Vert … tant d’éléments qui me donnent un terrible sentiment de déjà-vu. Est-ce moi qui est trop fataliste, ou courons-nous tout droit à une nouvelle catastrophe ? Cette question m’obnubile jour après jour. Si j’avais été un Terrien, les cernes auraient marqué mon regard. Sauf que je suis un Kryptonien et qu’il en faut plus que quelques nuits blanches pour que la fatigue me gagne et soit visible à tous. Du moins, à ceux qui n’ont pas les capacités d’observation de personnes comme Bruce. Il a du remarquer que j'esquive certains commentaires, ma concentration perturbée durant quelques micro-secondes et d'autres détails si infimes ...

- Je suis ici, en tant qu’ami. Je me suis rendu compte, trop tardivement, que j’ai manqué à mon devoir. Au moment ou tu avais le plus besoin de soutien, j’ai été égoïste et j’ai pensé à ma petite pomme. Je souhaite m’excuser, avant tout.

Malgré les circonstances, je n’ai aucune animosité, ou rudesse ou jugement dans le ton. Bienveillance est le maitre mot de toute ce que je veux offrir par mes gestes, regard ou voix.

- As-tu quelqu’un à tes côtés, pour surmonter ton deuil ?

La question peut être décalée au vu de la situation. Or, de mon point de vue, elle est essentielle. J’ai surmonté la mort de mon propre père qu’après un tour du monde en solitaire, le soutien sans faille de ma mère ou ma rencontre avec Lois. Sans elles, j’aurais encore été une épave à la dérive, rejetant colère et chagrin sur tout et n’importe quoi.

Oui, décidément, il y a plus important que la Justice ou l’Injustice. Comme l’Amitié. Je l’avais oublié, là-bas.

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« Gotham City Hall, Business Corner, 01 Octobre 2022»

Clark est toujours le même chic type. Je le vois venir, avec sa bonhommie habituelle. Difficile d’en vouloir à un type qui porte sur ses épaules les responsabilités quasi-divines qui émanent de ses pouvoirs et capacités. Je l’ai vu s’endurcir, au fil des quelques années passées ensemble. Et de tout ce que j’ai pu chercher sur lui, il me semble clair qu’il y a eu un avant, et un après. Zod étant le climax de sa nature, le point d’orgue de sa carrière de justicier. Depuis lui, plus rien n’a jamais été comme avant. Il a beau se parer de ses lunettes, de son costume abordable et de son sourire de fermier du Kansas, le type reste un combattant, qui a le feu dans le sang et la rage au cœur. Qu’il ai réussi à se dominer l’essentiel des dernières années, malgré l’incartade notable confiée au retour du multivers et seulement à demi-mots… C’est déjà en soi un des plus grands exploits.

J’ai un mince fantôme de sourire quand il évoque un peu pompeusement des problématiques personnelles comme excuses pour nos liens qui se distinguent de plus en plus…

Je ne réponds rien pour le moment. Je le laisse venir. Je ne suis pas doué en amitié ou en quoi que ce soit d’autre quand bien mon tour de m’impliquer et de m’escrimer à me défendre, moi, ou mes conceptions. J’ai encore la commissure de mes lèvres qui s’étire à l’évocation de ce que nous avions vécu lors de notre rencontre.

| A-t-on vraiment changé, Clark, depuis ce temps-là ? |

La question est ouverte. Compte tenu de ce qu’il se passe, je n’en suis pas certain. Je le vois venir, ensuite. Mais je ne reste toujours pas convaincu par le début de l’argumentaire, que j’ai entendu tant et tant de fois que je ne saurais le juger.

| Il n’y a rien de plus important. Ni pour les autres, ni pour nous-mêmes, Clark. |

Peut-il vivre sans Superman ? Oui. Moi, je ne peux pas, sans Batman. Je suis le masque depuis plus longtemps que je n’ai jamais été Bruce. Et la Justice League, c’est tout ce qu’a le monde pour le prémunir de dangers terrifiants, venus des tréfonds de son âme, ou de l’espace infini des étoiles.

Il se perd dans le silence, à son tour. Et rien ne change, non. Chez lui aussi, quelque chose cloche toujours. Mais la suite de ses mots me surprend, me prend à contrepied. Je ne sais pas quoi répondre, c’est même pire qu’un peu plus tôt. Un ami, qui se rend tardivement de ses manquements. Et s’excuse. De quoi ? Je ne vois pas, mais ça semble important pour lui.

Et il me demande si j’ai quelqu’un avec moi pour mon deuil.

Je revois Cat, furieuse, les larmes de rage au coin des yeux. Batgirl, qui me rejette, qui me renvoie dans les cordes. Pareil chez Dick, perdu, et Tim qui l’est tout autant. Je revois Diana, en larmes, qui dit m’aimer et qui ne sait pas comment m’aider. Je me détourne de Clark. C’est douloureux de l’affronter, de me tenir face à cet élan de sympathie, de gentillesse la plus pure, compassionnelle, celle qui est donnée la plus gratuitement du monde.

| On m’a proposé toute l’aide du monde. Mortelle, comme divine. |

Les cheveux voletant au vent de Gotham, j’en admire l’horizon d’acier et de béton

| Depuis plus de trente ans, je ne connais qu’une façon de gérer mon deuil, Clark. C’est précisément ce que je suis en train de faire, ici. Je travaille. |

A coups de poings, dans le sang et dans les larmes, dans les cris de terreur et les ricanements.

| Tu as l’air mieux. Mais ce n’est pas encore ça, pas vrai ? Loïs et Diana t’ont aidé. |

Ce n’est pas une question.

| Le monde a besoin de toi. Et tu as besoin du monde. C’est un cercle vertueux. Produis le bien, et défends-le. |

Une sirène déchire les rues, en contrebas. Et le silence s’éternise.

| Laisse-moi punir le mal. |

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I'm Vengeance. I'm the Night. I'm Batman.

Don't say goodbye. Don't say I didn't try... These tears we cry. Are falling rain. For all the lies you told us. The hurt, the blame! And we will weep. To be so alone. We are lost! We can never go home. The Dark Knight (c)codage - Kanala - texte (c)Long Ways to Go Yet, Howard Shore

Malgré nos caractères, nos situations et nos parcours extrêmement opposés, j’apprécie et admire profondément Bruce. Au fil des années, j’ai appris à voir par-delà le masque et les faux-semblants. Il a bien des défauts insupportables, comme son entêtement, sa paranoïa ou son incapacité émotionnelle. Pourtant, ils sont bien vite occultés par ses grandes qualités. Quoi qu’il dise, quoi qu’il pense, quoi qu’il fasse, il reste un homme déterminé et intelligent, prêt à tout pour protéger sa ville et ses proches. Rien ni personne ne pourra l’empêcher d’accomplir ce devoir – à l’exception de la mort, bien évidemment.

Il a toutes ces qualités dont je manque.

Qu’est-ce que je suis sans ces pouvoirs ? Pas grand-chose. Le Général Dru-Zod, Wonder Woman, Batman lui-même ou encore mon alter-égo me l’ont bien fait comprendre. A arme égale – ou avec l’aide la kryptonite –, je ne vaux rien. Je n’ai aucune technique de combat et je n’ai pas développé des ruses et astuces pour me sortir de guet-apens.

Ai-je ce qu’il faut pour subir et supporter la pression ? Aucunement, le multivers me l’a prouvé. Mon alter-égo a craché sur toutes ses valeurs suite à la mort de Loïs, a empoisonné les esprits de ses alliés ou a tué ceux qu’il ne pouvait pas convaincre. Moi-même, je n’ai pas été un modèle de vertu, causant autant de dommages, en trainant des pays et des groupuscules d’hommes et de femmes à ma suite – et vers une mort certaine.

« Le monde a besoin de toi. Et tu as besoin du monde. »

Les paroles de mon ami sonnent faux. En dépit de mes nombreux échanges avec Diana, Oliver ou Loïs, je n’arrive toujours pas accéder une telle vérité. Je n’ai qu’une seule et unique assurance : Je suis un danger.

Perdu dans mes pensées, un long silence s’écoule avant que je ne reprenne la parole.

- Je ne compte pas t’empêcher de punir le mal, quelle que soit ta méthode. Je ne suis pas venu jusqu’ici pour te dire quoi faire, te dissuader d’agir comme bon te semble, te supplier d’abandonner tes projets et de suivre ceux des autres. Je ne suis pas confortable avec tes nouvelles méthodes mais … je te connais assez pour savoir que je dois te faire confiance.

Cette annonce est déjà bien révélatrice de mon état d’esprit. Compromis et concessions sont les premiers pas vers une déchéance certaine – à moins que ce ne soit le début d’un tout autre Superman, moins lisse, moins propre, moins divin mais plus humain et plus authentique.

- Mais tu te trompes sur un point, Bruce. Durant trente ans, Alfred t’a soutenu. Toujours.

Je me tais, le temps d’une petite minute. Je me rappelle du vieux majordome : une classe d’un temps oublié, un soin particulier à bien des détails, une loyauté sans faille et surtout un profond amour et respect pour ce « presque-fils ».

- Aujourd’hui, avec qui travailles-tu ? Est-ce que cette personne est digne de reprendre le flambeau de ton ami, ton majordome et ton allié indéfectible ?

Je l’interroge d’un regard mêlant sévérité, inquiétude et interrogation.

- J’aurais aimé t’aider, Bruce, mais j’en suis incapable. Je vais même pousser le vice jusqu’à te demander une nouvelle faveur.

Cet aveu me coûte profondément. Entre temps, je fouille dans une poche intérieure et extirpe une clé USB. Je la tourne entre les mains plusieurs fois, avant de refermer mes doigts sur le petit objet.

- Avant que je ne te dise ce qu’il contient, avant que nous poursuivons, je tiens à te dire une chose. Si, un jour, tu as besoin de quelqu’un pour une seconde chance, et si je suis encore de ce monde, tu pourras toujours compter sur moi. Quoi qu’il arrive, et qu’importe nos situations respectives.

Je lui tends la clé USB.

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Bruce Wayne & Clark Kent

« Gotham City Hall, Business Corner, 01 Octobre 2022»

Je suis trop vieux pour changer, trop vieux pour me refaire, d'une façon ou d'une autre. C'est tout simplement beaucoup trop tard ! Mais pour lui, ce n'est pas le cas. Déjà parce qu'en tant que kryptonien, il durera sans doute infiniment plus longtemps que moi en ce monde, et que ce n'est certainement pas un objectif qui sera compliqué à surmonter. Ensuite, parce que la couleur de son âme, elle, n'a absolument aucune nuance de noirceur. Pas à mon point, en tout cas. Et pas comme lui l'imagine. Mais c'est justement parce qu'il se brosse un portrait bien moins flatteur que la réalité qu'il est si important. Il ne le voit pas, aujourd'hui. Il le verra peut être plus tard. Chaque chose en son temps. Je sais déjà que je dois faire des efforts. Pour moi. Pour tous les autres. Et pour lui aussi. Clark en a besoin. Plus que d'autres. Est-ce parce qu'il pourrait accomplir de plus grandes choses encore ? Je ne sais pas. Clark est perdu, en tout cas. Et ça plus que tout le reste, c'est inquiétant.

Je dois prendre la mesure de ses doutes.

Et en supplément, cela servira aussi mes propres desseins actuels.

Le tonnerre gronde encore, dans les nuages noirs qui s'moncellent sur l'océan. Le temps va craquer, et pour de bon dirait-on. Il faudra se mettre à l'abri mais la terrasse me convient bien, et j'aime la quiétude des sons à demi étouffés par la hauteur et le béton des buildins, dominant du dessus la ville encore industrieuse et animée en contrebas. Ce qu'il me dit m'étonne au début.

Et puis finalement, pas tant que ça.

Depuis que j'ai remisé le fer et le minéral alien au placard, que nous nous sommes tendus la main, il y a une forme de quiétude et de compréhension, envers l'autre, qui n'a que peu d'égales en ce monde . En tout cas, en ce qui me concerne. Et je ne sais pas du tout si ça doit être rassurant. J'évite son regard, penché sur la baie plus loin.

| Tu as raison. Il l'a fait, envers et contre tout. Comme toi, aujourd'hui. Alors, merci. |

Je suis toujours économe en mots, ce qui ne signifie certes pas que je n'en pense pas moins, mais je ressens beaucoup de gratitude envers le kryptonien. Il continue de s'inquiéter de ma situation. Et de ma... Solitude. Ne sait-il que je chasse le plus souvent seul, depuis toutes ces années ? Malgré les jeunes recrues, malgré Cat, et tous ceux avec qui j'ai pu travailler au fil du temps. Me pense-t-il toujours accompagné ? J'ai un sourire triste, qui devient un brin sarcastique et amer surtout, quand je me retourne vers lui.

| Non, cette personne ne vaut pas Alfred. En rien, sans doute. Bien peu seraient dignes de lui. Et moi le dernier, pour être honnête. |

Car mes valeurs à moi sont généreusement distendues au gré des épreuves et des casses-têtes insolubles que l'on m'impose au gré de mes horreurs et des bains de sang que l'on m'infligent.

| Tu ne peux pas m'aider, Clark. Mais c'est sympa de proposer. C'est une croisade que je dois mener seul. |

Surtout depuis qu'il m'a confié ses craintes, et soufflé à demi-mots la nature de ses démons, bien qu'encore imprécise. Le surhomme sort de sa poche une clef USB, et m'alerte sur son contenu. Et surtout, sur la route que je poursuis. Je me fige. Le dévisage longtemps. Et un léger sourire un coin fend l'extrêmité de mes lèvres vers la pommette, de quelques millimètres.

| Je le sais, Clark. Et j'aurais besoin de toi, avant la fin. Je dois juste éloigner les ténèbres qui pourraient t'engloutir et contre lesquels je suis... Déjà immunisé. Ou corrompu. L'avenir le dira. Mais toi, Diana, Arthur, tous les autres, vous devrez tout terminer. |

Je regarde la clé.

| Que contient-elle? |

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Don't say goodbye. Don't say I didn't try... These tears we cry. Are falling rain. For all the lies you told us. The hurt, the blame! And we will weep. To be so alone. We are lost! We can never go home. The Dark Knight (c)codage - Kanala - texte (c)Long Ways to Go Yet, Howard Shore

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Clark Kent & Bruce Wayne « GOTHAM CITY HALL, BUSINESS CORNER, 01 OCTOBRE 2022»

- Tu ne peux pas te sacrifier, Bruce.

La phrase m’échappe, malgré moi. Quelle ironie d’interdire un sacrifice quand je suis moi-même prompt à un tel acte ! Quelle bêtise de croire que je pourrais dicter la conduite à un type comme Bruce ! Il ne connaît pas la peur, du moins celle du commun des mortels. Là où le monde tremblait à la perspective d’avoir un alien parmi ses rangs, il a pris ses armes et il m’a défié. Qu’importe que je sorte l’artillerie lourde – les belles paroles, ou la démonstration des capacités kryptoniennes –, il répliquera avec autant de détermination et de férocité. Dès lors, mon seul et unique rôle en tant qu’ami est de ne pas le gêner. Il doit réserver toutes ses forces et ressources contre les véritables ennemis, qui qu’il soit dans son esprit.

- A moins que nous l’avons déjà tous fait, en endossant ces rôles, ces masques et ces costumes.

A mes yeux, il n’a jamais été question de sacrifices en devenant Superman. Certes, une double vie sous-entend une part de solitude. Nous manquons bien des rendez-vous amoureux, les anniversaires des amis, les entretiens d’embauches, les obligations professionnelles … Pourtant, je n’ai jamais regretté ce choix de vie. Si je le pouvais, je continuerais jusqu’à mon dernier souffle – et pour la seconde fois. Malheureusement, l’ennemi m’a frappé avec le pire poison : le doute. L’alter-égo ne s’est pas simplement contenté de me blesser physiquement et de m’alourdir la conscience des millions de morts, mais également de mettre à mal toute mon assurance et ma confiance.

- Alfred apportait sa vision du monde et des Hommes, Bruce. Quel que soit ton plan, il ne se base que sur ta vision. Il te faut un véritable allié. Accepte de partager avec quelqu’un que tu juges de confiance. Fais-en ta carte cachée, celle qui pourra t’aider et te sauver, avant qu’il ne soit véritablement trop tard pour tout le monde, incluant ceux que tu souhaites protéger.

Les paroles peuvent être mystérieuses ou incohérentes, mais je sais qu’il en comprend pleinement le sens. A défaut de pouvoir lui arracher les vers du nez, je veux essayer de lui faire entrer quelques idées dans cette caboche aussi dure que l’acier et aussi entêté qu’un fichu âne. Avec une sacrée dose de patience, je tente d’opter pour cette méthode douce. Pour quelle raison ? Par mimétisme. Alfred avait une place bien particulière dans le monde du Chevalier Noir, ce qui lui donnait bien des avantages sur ce dernier. Toujours est-il que je n’ai pas souvenir que le majordome a été spécialement violent dans son discours ou ses gestes.

Je soupire.

- De la connaissance. Des éléments supplémentaires sur moi.

Bon gré, mal gré, je glisse dans la paume des mains de Bruce.

- J’ai pu visiter, entre autres, un Krypton alternatif. Par exemple, je sais maintenant que je vais vivre bien plus longtemps qu’un humain.

Nous nous en doutions, au sein de la Justice League, mais nous n’avions aucune véritable preuve. Certes, la base de données au sein du navire kryptonien apportait quelques éléments de réponses, mais l’environnement de Krypton est drastiquement différent de l’environnement terrien.

- J’ai aussi des éléments considérables sur un surhomme piégé par ses ennemis, incapable de supporter le deuil de sa femme enceinte et influencé par de mauvaises personnes. Le Chevalier Noir a échoué, dans ce monde ci. Malgré la kryptonite.

Alors, je pose une main sur mon front.

- C’est tout ce que j’ai pu rassembler … parmi les ruines.

Ai-je besoin de dire davantage ?

Codage par Magma.

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« Gotham City Hall, Business Corner, 01 Octobre 2022»

Clark me soutient que je ne peux pas me sacrifier. J'arque un sourcil, surpris de la saillie sortie de nulle part. Elle est adéquate, sans doute. Elle est bien placée aussi. C'est souvent le reproche que l'on me fait. Et c'est aussi vrai qu'incomplet. Je ne peux le reprocher à personne. Mais je ne réponds pas à Clark. Je n'ai rien à dire à ce sujet. A certains moments, je considère qu'il est vrai que je me sacrifie. Que je suis en train de me jeter tout seul dans la gueule du loup, parce que je n'ai plus rien. Et c'est faux. Il y a toujours Cat, même s'il ne reste que des ruines de ce que nous avions. De toutes ces promesses que nous nous étions faites avant que je parte. Et il y a Dick. Et Barbara. Et Tim, évidemment. Il y en a d'autres. Diana... Et Clark, aussi. Je ne suis pas seul. Je ne l'ai pas été. Pourtant, je me sens comme ça. Malgré tout. Parce que le seul véritable phare de mon existence, lui, est mort. Mon second père.

Je me sens orphelin pour la deuxième fois.

Et quelque part -et c'est pire encore- je me retrouve à enterrer un fils. Un gamin sorti des rues, pas toujours très conscient de ce qu'il fait ou de ce qu'il doit devenir, mais cela ne ressemble en rien à un destin aussi funeste. Je reporte mon attention, une fois encore, sur la ville. Et je tire un brin sur mes bras depuis la balustrade, comme pour me délier les muscles.

| Je ne sais pas si ça suffit à nous condamner. Mais c'est aussi véridique que je n'en connais aucun comme nous qui ai paisiblement atteint l'âge de la retraite. |

Un, peut être, qui s'est surtout retrouvé hanté par ses démons. Par tout ce qu'il a échoué à mettre en place et à sécuriser. A tout ce qu'il n'a pas réussi à faire, et à protéger. Ces missions avortées, et sa propre némésis qu'il n'a jamais retrouvé... Quel sombre destin.

Je sais déjà au fond de moi que je préfère encore mourir que connaître ça.

Ce que me dit ensuite l'Homme d'Acier, je l'ai pas mal entendu ces derniers temps... Mais je me garde de tout jugement. Son avis je le connais déjà, du coup. Et sa proposition aussi. Le plan que je suis ne souffre aucune anicroche et même si en avançant je contrôlerais de moins en moins de choses, je ne peux pas lâcher du lest. Maintenant moins que jamais.

| J'ai au moins une personne qui comprend ma vision, et qui est un allié dans cette affaire. |

Mais je me tourne vers le kryptonien.

| Rassure Diana, rassure les autres. Je prends... Du temps. Pour Gotham. Et j'aurais encore besoin de vous, et de vos amitiés. Je ne vous repousse pas. C'est juste... |

je cherche mes mots. C'est rare. C'est sincère, mais volontaire, aussi, d'une certaine façon.

| J'ai besoin de temps. Et de faire les choses à ma manière. |

Je revois les bâtiments en flammes, traversés de part en part par deux hommes qui luttent dans le ciel. Je les vois, adulés par une planète entière, saluant la foule, faisant des câlins aux gamins et embrassant l'Humanité d'un regard réjoui, et tendre. Je ne suis pas dans leur lumière. Et maintenant plus que jamais, je ne dois pas l'être.

| Pas à la vôtre. |

Ce n'est pas un jugement de valeur. Mais je sais que Clark a changé, lui aussi. Il doit l'assumer. Et moi peut être, pour lui. Je le laisse m'expliquer, après avoir rangé dans la poche intérieure ce qu'il vient de me confier. Je note les informations ; la longévité. Une femme enceinte, l'influence négative...Je déglutis, et dévisage mon ami.

| Je suis désolé pour ce que tu as vécu, là-bas. |

Je souffle du nez, doucement.

| J'ai récupéré le stock de la kryptonite de la Ligue des Ombres. Je crois tout avoir. Ca te laisse le champ libre pour faire ce que tu fais de mieux. |

Et je le regarde à nouveau, sourire en coin dénué de joie, comme un défi implicite.

| Et je serais prêt s'il y a besoin d'en arriver là. |

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Clark Kent & Bruce Wayne « GOTHAM CITY HALL, BUSINESS CORNER, 01 OCTOBRE 2022»

- Je peux t’accorder ce temps, personnellement. Mais je ne sais pas si les autres en feront de même et si ma seule voix suffit. Surtout, maintenant. Je ne suis plus celui que j’étais. Tout le monde le sait.

Si cette situation me désole, elle est nécessaire. Dans cet univers ou dans d’autres, toute catastrophe due aux kryptoniens – en m’incluant – est arrivée à cause de la méconnaissance des terriens et de leur non préparation à de tels événements. Je préfère me positionner comme un danger assuré, plutôt que comme un danger possible. Dans le premier cas, toutes les mesures seront prises. Dans le second cas, des compromis seront faits et couteront à la sécurité de cette Terre.

- Et puis, nous avons tous deux points communs, au sein de la Justice League : nous sommes entêtés et indépendants. Diana tient à toi et à moi considérablement, peut-être même davantage qu’au reste de la Justice League. Tu as été son premier véritable allié sur Terre, je suis presque son semblable. Je peux essayer de la retenir, mais elle ne sera pas dupe longtemps.

Je peux apporter un peu de mon aide, mais elle ne sera pas aussi conséquente que j’aurais voulu.

- J’ai le sentiment que personne ne doit savoir que tu as du stock de kryptonite. Tes actions vont attirer l’inimitié de nombreuses personnes, incluant des amis ou des alliés. Moi-même je ne sais pas exactement comment les gens se positionneront vis-à-vis de celui que je suis devenu. Garde cette kryptonite comme garantie pour moi et uniquement moi, je t’en prie.

Je sais que ce secret pourrait coûter beaucoup, notamment au sein de la Justice League. Pourtant, il me semble nécessaire et s’il n’est pas déjà trop tard. Si Bruce a déjà tout dit à Diana, Selina ou Oliver, alors c’est peine perdue. Il est déjà difficile à garder un secret à deux. Comme une citation le dit si bien : two can keep a secret if one is dead.

- Quant à Zod et à d’autres potentiels kryptoniens échappés de la zone fantôme, je vais m’en charger personnellement. Ils se cachent. Je dois en profiter pour me préparer, et préparer la Justice League. Je vais chercher de nouvelles sources de kryptonite, prendre le contrôle de cette ressource, donner accès uniquement à la Justice League. Après, nos amis en feront ce qu’ils voudront. C’est important, pour moi. J’ai été témoin de l’utilisation et de la transformation de la kryptonite. Les conséquences peuvent être désastreuses … Surtout aux mains de fous comme … le Joker ou Poison Ivy. Ou d’autres.

J’inspire profondément, sentant la moutarde au nez. Ce type est un malade, dans tous les univers. Dans ce dernier univers, il a poussé le vice à mélanger des particules de kryptonite à sa drogue. Il a sonné le glas du monde, consciemment ou inconsciemment.

- Ce que je fais de mieux a conduit mon alter-égo à soumettre un monde à sa tyrannie. Est-ce que la mort de son épouse et de son enfant à naître à cause d’un psychopathe est une raison suffisante pour subitement décider qui doit vivre ou mourir ? J’ai jugé que non. Et j’ai agi. J’ai apporté l’espoir dans bien des cœurs. Mais ce que je fais de mieux a sonné le glas d’un monde entier. Est-ce que la mort d’un tyran justifie la mort de millions, ou de milliards ? Qu’est-ce que cela fait de moi, Bruce ? Toi qui juges et punis le mal, je te le demande. Diana, Oliver ou Loïs semblent dire que j’ai eu raison, que j’ai agi par nécessité, que je n’ai pas eu le choix. Mais … je ne suis pas de cet avis. Et je ne sais pas pourquoi. Ou plutôt, je ne sais plus.

Mon discours est décousu, mes pensées virevoltent au gré de mes émotions, de mes colères, de mes déceptions et de ma culpabilité. Je serre le poing, je crispe la mâchoire et j’inspire profondément. Qu’est-ce que je ne donnerais pas pour être un simple humain et frapper tranquillement cette fragile balustrade !

- Ce que je fais de mieux n’est pas bon. Pour cette terre. Je dois changer. Je dois être meilleur. Je dois … me racheter. S’il est possible, encore.

Je me tais.

- Et j’ai espoir, dans cet univers-ci. Car, ici, tu es Ra’s Al Ghul, tu as des informations supplémentaires et tu as de la kryptonite. Tu es préparé, plus que jamais.

Codage par Magma.

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Que représente le S ?

We do not Remember

Bruce Wayne & Clark Kent

« Gotham City Hall, Business Corner, 01 Octobre 2022»

L'heure est grave, pour moi comme pour Clark. Il nous faut encore discuter de plusieurs sujets. Mais comme pour Diana, comme pour d'autres, cette discussion-là commence doucement mais sûrement à ressembler à des adieux. Ce qui est faux, et ce qui serait de toute façon insuffisant. Il faut encore que l'on arrive à trouver des solutions et des ressorts d'action pour tout ce qu'il nous reste à faire, parce que beaucoup repose encore sur nous. Nous n'avons pas le loisir, avec Kal-El, de nous montrer faibles, ou d'évacuer cette zone de combats. Nous devons tenir. Comme nous l'avons toujours fait, certes. Et comme nous devrons toujours le faire. Dans le conflit que l'on mène, il n'y a pas la moindre place pour les scrupules ou pour le reste. Si nous ressentons d'autres hésitations du genre, alors nous ne tarderons simplement pas à remplir nos missions, et à protéger ceux qui nous sont chers. Nous avons encore de la marge de manœuvre quant à nos actions... Mais on ne peut plus se permettre de prendre du retard sur elles. Je comprends en tout cas ce que Superman me confie. Et ne lui en veux guère, au contraire. C'est précisément cette forme de faiblesse qui le rend si proche de nous, au fond.

Au moins des autres, en fait.

| Tu devras pourtant l'être, Clark. Il n'y a pas d'autres solutions. C'est à toi de trouver la ressource qui te permette de continuer. C'est à toi d'endurer. C'est injuste, et ça l'a toujours été... Ca le sera toujours. Mais c'est ainsi, pourtant. |

Il continue de dresser des parallèles entre nos situations, le kryptonien. Notre indépendance, notre obstination. C'est vrai. Ce sont plutôt des forces, c'est vrai. En tout cas des passerelles, qui nous ont aussi liés par le passé. Je ne le regarde pas quand il évoque Diana, mon lien avec elle, et le sien avec. Je secoue en effet la tête à ses mots, bien conscient de la situation de l'Amazone.

| Nous nous sommes attachés l'un à l'autre, dans nos errances d'outre-monde. Elle peut être trop. Je veux dire par là qu'elle souffre déjà de la situation, Clark. Et que celle-ci ne va pas s'améliorer. Elle s'est coupée aux autres, pour partie, pour être là pour moi. Mais Clark... |

Je me retourne vers lui.

| Je ne veux pas qu'elle soit là pour moi. Parce que je mène un combat de monstres et de démons, de folie pure plus que de force et de bonté. Si elle veut rester là pour moi, elle doit prendre de la distance. Et ensemble, vous devez être mon arme ultime pour m'éviter la perdition, la carte dans ma manche, en toute fin de chaîne. |

Et je l'imagine alors, embrassant les sombres divinités présidant aux funestes desseins du monde. Elle, farouche, dominatrice, d'une puissance folle mêlée à son charisme capable de soulever les foules. Teint d'albâtre, traits soulignés de noir, couleurs différentes. Quand la flamme de l'espérance devient celle du désespoir, et de la puissance sans bonté. Pour le reste, je suis d'accord avec mon ami. Je ne peux pas évoquer l'existence du stock qu'il évoque.

Je hoche silencieusement et brièvement la tête pour marquer mon assentiment, sans revenir dessus. Garder un secret commence déjà par ne plus l'évoquer.

Clark reprend, parle de Zod. Il évoque la traque commencée et le fait que ce doit être son prochain objectif personnel. Je le détourne pourtant d'une chimère, du moins, de ce que j'estime en être une.

| De ce que j'en sais, même Luthor n'en a pas trouvé d'autres. C'est le combustible de vos véhicules célestes, solidifié au contact de l'environnement terrestre. Il a repêché ce qu'il y avait dans les machines et leurs alentours, celles utilisées par Zod pour la terraformation. Ce stock a été usiné... En partie par moi, tu t'en souviens, sinon par lui. Il doit rester ce qu'il y a dans ta propre machine. Et sauf si d'autres visiteurs de ton monde aient été présents, c'est tout. Luthor n'a rien trouvé avec ses satellites et senseurs. Et moi non plus. |

En bref ; se concentrer d'abord sur ses ennemis plus que sur des objets. Ils sont de toute façon superficiels la majeure partie du temps pour remporter une lutte, quelle qu'elle soit, parce que les choses ne peuvent jamais bien tourner quand elles ne sont pas motivées par une âme pure et un cœur valeureux. En tout cas, ses ennemis risquent de provoquer de bien plus gros dégâts s'il perd du temps à chercher un minéral qui n'existe sans doute plus. Quant au reste...

J'écoute son histoire.

Je comprends le dilemme moral.

Je peux répondre en Bruce, ou en Batman. En Ra's Al ghul. Je médite un temps mes pensées, mes idées. Je ne lâche rien dans un long silence, restant concentré sur mes réflexions.

Les minutes défilent. Le silence s'éternise. Le vent fait voleter mes cheveux, à nouveau, et je continue de regarder l'horizon, les questionnements de Clark me renvoyant à mes propres dilemmes moraux.

| Tu dois faire ce qui te semble juste, avant toute chose. J'ai foi en ton instinct. Et tu es plus humain que l'essentiel de mes congénères... Et que moi-même. Si tu doutes, tu dois te demander, mesurer la quantité de bien que tu sauves en faisant le mal provisoirement. Est-ce que la balance est positive pour le bien ? Si oui, alors, tu agis. Sinon, tu trouves une autre solution. Mais Clark... |

Je lui refais face.

| Celui que je suis devenu ne peut plus raisonner ainsi. Désormais, l'équilibre me suffit. C'est pour ça que j'aurais un jour besoin de toi et de Diana. Contre moi. |

J'ajoute, d'un souffle.

| Est ce que tu comprends? |

Il n'est pas stupide, mais il y a des choses qu'il faut parfois formaliser... Ou insister.

(c) DΛNDELION

I'm Vengeance. I'm the Night. I'm Batman.

Don't say goodbye. Don't say I didn't try... These tears we cry. Are falling rain. For all the lies you told us. The hurt, the blame! And we will weep. To be so alone. We are lost! We can never go home. The Dark Knight (c)codage - Kanala - texte (c)Long Ways to Go Yet, Howard Shore

WE DO NOT REMEMBER

Clark Kent & Bruce Wayne « GOTHAM CITY HALL, BUSINESS CORNER, 01 OCTOBRE 2022»

Bruce et moi sommes convaincus que nous avons changé. A cet instant-ci, je me rends compte que nous avons bien tort. Les vestiges de nos personnalités passées persistent, se raccrochent ici et là, tentant de survivre face à la tempête du nouveau, voire du renouveau. La chrysalide se poursuit. La transformation est en cours, le cocon se fissure centimètre par centimètre au fil de nos décisions dans cet univers-ci. Nous ne subissons plus. Nous nous ajustons. Nous nous préparons à agir. En bien, ou en mal.

Le jugement de Bruce sonne un nouveau glas. Un mal pour un bien. Il soutient, plus ou moins, la même position que Diana, Oliver ou Loïs. Si ses paroles sont précieuses, elles n’atténuent pas autant cette profonde culpabilité et ne me débarrassent pas de ces fantômes qui me hantent de jour comme de nuit. Ils ne me quittent pas. Poudres et chair en décomposition qui saturent l’air, cris et désespoir qui transpercent le calme silence du ciel. Je me rappelle encore trop vivement de chaque détail.

Si Bruce peut se contenter de l’équilibre, je ne suis pas prêt. J’ai besoin de plus, mais je ne sais pas quoi. A mon tour, je me terre dans le silence, relevant les yeux au ciel, commençant sincèrement à manquer le doux contact de ces gouttes d’eau en suspension, de cet espace bleu infini à peine violé par des avions et quelques volatiles. L’envie d’arracher cette ridicule tenue terrienne et de m’envoler pendant de longues heures me démange. J’ai à me retenir.

- Je vais tenir Diana loin de toi et nous garderons un œil sur tes agissements, de loin. Mais tu devras accepter de me rencontrer, de temps en temps, ou de me répondre vis-à-vis de mes questions. Si nous ne communiquons pas, nous n’y arriverons pas. Je ne peux pas et je ne veux pas t’empêcher d’accomplir tes objectifs. Mais je refuse d’abandonner un collègue, et surtout un ami. Tu m’as ramené à la vie, tu vas devoir me supporter encore. Et longtemps, apparemment.

Je ne sais pas si ma dernière remarque sonne comme une blague ou un regret. Survivre à des amis, des proches, voire à Loïs si quelqu’un ne me fauche pas avant … cette perspective n’est pas plaisante. Gosse du Kansas, l’immortalité ou la longévité ne m’ont jamais attiré. Et pourtant, il semble que j’ai cette possibilité.

- Et puis, j’ai toujours besoin du plus grand détective de ce monde.

S’il n’y a nulle rédemption, si le mal est nécessaire pour accomplir le bien, si mes instincts et Loïs sont mes seules boussoles morales, qu’il en soit ainsi. Les premiers me poussent à faire confiance au Chevalier Noir, ou à la Tête de Démon. La seconde apportera sa propre pierre à cette confiance, soit en enquêtant et en vérifiant si elle est justifiée, soit en accordant le même bénéfice de doute à cet ami tortueux et trouble.

- De quoi as-tu besoin pour que tu puisses accomplir tes objectifs ?

Je replante mon regard dans le sien.

- Et par où devrais-je commencer pour courir derrière Zod, à ton avis ?

Codage par Magma.

Que représente le S ?

We do not Remember

Bruce Wayne & Clark Kent

« Gotham City Hall, Business Corner, 01 Octobre 2022»

Il n'a jamais été stupide, Clark. Kal-El. Loin de là, même. Puisqu'il a des airs bonhommes avec ses chemises à carreaux, ses lunettes un peu grandes et son sourire colgate. Le type ne rigole pas en vérité ; je l'ai vu passer au travers des parois d'un bunker, et mettre hors de combat des dizaines de types sans verser la moindre goutte de sueur. Je l'ai vu affronter la menace qui nous a jadis rapprochés, ce tueur de mondes, cette abomination kryptonienne... Bref. Clark n'est pas stupide, c'est tout ce qui est important, et même plus que ça il ne faut surtout pas se retrouver piégé par d'autres éléments, comme la réputation de Superman. Si ses couleurs comme le reste de sa tenue n'existent pas pour le cacher, c'est aussi pour attirer l'attention. Sur ses gros muscles, sur sa carrure, sur ses yeux qui se colorent presque instanément de rouge... Mais pendant que les autres se retrouvent comme écrasés par sa stature, le voilà qui fait tourner les méninges, qui trouve des solutions, et qui l'emporte quoiqu'il arrive.

Alors, je ne le sous-estime jamais. Peut-être qu'il vrillera. Peut-être pas. Mais comme jadis, ma propre nature m'incline à ne jamais rien lâcher, à ne rien lui laisser comme doute, comme espace pour devenir dangereux pour tout le monde. Autrement, c'est la porte ouverte aux plus grands cauchemars de l'Humanité ; se faire littéralement chasser par un dieu devenu maléfique, capable de mettre en pièces chaque humain, un à un, d'en massacrer des douzaines à presque chaque seconde qui passe, sans parler des destructions massives occasionnées par ses pouvoirs... Rien que pour cela, je dois disposer contre lui d'une façon de le combattre s'il vrille, car la question est bien plus problématique que si c'est moi qui perd l'équilibre. Avec toute mon expérience et mes moyens, je ne pourrais jamais faire le dixième des dégâts de l'Homme d'Acier...

Superman, dont les mots sont cruels mais vrais.

| Je ne peux pas te le promettre. De te répondre. Il y a des choses que je pourrais te dire. D'autres non. |

je sais qu'il déteste ça. Beaucoup plus que Cat, et plus aussi que Diana même si sa sagesse à elle l'incline à souvent plus de patience. Pour Wonder Woman, je déglutis, lâche son regard.

| Merci, pour Diana. Elle ne mérite pas ça, pas après toutes ces années à veiller sur mes arrières. Mais ce que je fais est plus important que notre équipe... Pour le moment... Tant que Gotham est en danger, mais que le monde lui, reste... |

Je cherche mes mots, ce n'est pas évident.

| Sous contrôle? |

Ce n'est pas le bon, en tout cas, mais il aura compris.Quant au reste...

| Je n'ai besoin que de renouer avec une partie de mon passé. Et à faire passer la peur à un niveau supérieur, à Gotham. |

Je soupire, alors que derrière moi j'entends le bruit d'une porte qui s'ouvre et une voix qui s'éclaircit discrètement, mais de façon insistante. Je me retourne vers Clark, nous sommes proches, et passe une main sur son épaule, nos corps côté à côte en opposés.

| Là où la peur se niche. Lui et moi, nous sommes les mêmes... Jusqu'à un certain point. Cherche parmi les Hommes. Il les hait, mais il a besoin d'eux pour se cacher. Là où on ignore son visage, et où on a besoin de ses compétences. Je t'aiderais, sitôt que les tueries de masse s'arrêteront, chez moi. |

Hochement de tête, et je reboutonne mon veston pour rentrer à la suite de Christine.

(c) DΛNDELION

I'm Vengeance. I'm the Night. I'm Batman.

Don't say goodbye. Don't say I didn't try... These tears we cry. Are falling rain. For all the lies you told us. The hurt, the blame! And we will weep. To be so alone. We are lost! We can never go home. The Dark Knight (c)codage - Kanala - texte (c)Long Ways to Go Yet, Howard Shore

Sujet: Re: We do not Remember [Terminé - Intrigue III]

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